Déficit : Mediapart révèle le courrier de Bruxelles que l’Elysée ne veut pas dévoiler.
Déficit : Mediapart révèle le courrier de Bruxelles que l’Elysée ne veut pas dévoiler
Les Echos | Le 24/10 à 15:20, mis à jour à 18:07
Le commissaire européen des Affaires économiques et monétaires, Jyrki Katainen - AFP/EMMANUEL DUNAND En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/economie-france/budget-fiscalite/0203887119667-deficit-mediapart-revele-le-courrier-de-bruxelles-que-lelysee-ne-veut-pas-devoiler-1057282.php?cwcXH22YFaPcJQjA.99
Le commissaire européen aux affaires économiques et monétaires Jyrki Katainen demande à Michel Sapin d’expliquer comment la France compte se conformer aux obligations du pacte de stabilité.
L’Elysée avait jusqu’ici refusé de dévoiler les courriers adressés par la Commission européenne sur le projet de budget de la France pour 2015, malgré la multiplication des appels de plusieurs députés socialistes. Mediapart s’en est chargé et a publié sur son site la lettre adressée par le Jyrki Katainen, commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires à Michel Sapin, ministre des Finances, en début de semaine. Il y fait part de ses inquiétudes vis à vis du projet de budget 2015.
« A partir de la proposition française, il ressort que l’ébauche de proposition budgétaire ne prévoit pas de ramener le déficit public global sous la barre des 3 % du PIB définie par les traités d’ici 2015, qui correspond à la date butoir fixée par le Conseil dans ses recommandations du 21 juin 2013 _ avec l’objectif de mettre fin à la procédure de déficit public excessif pour la France », écrit le commissaire. Et de poursuivre : « D’après notre analyse préliminaire (...), l’ajustement du déficit structurel devrait ressortir à un niveau bien inférieur au niveau recommandé. Dès lors, tout porte à croire que l’ébauche de programme budgétaire pour 2015 prévoit de manquer aux obligations budgétaires qui découlent des recommandations du Conseil, sous la procédure de déficit public excessif ». « J’attends donc de connaître votre position dès que vous le pourrez, et si possible d’ici le 24 octobre. Cela permettrait à la commission de prendre en compte les positions françaises, dans la suite de la procédure », conclut Jyrki Katainen.
Le gouvernement n’a « rien à cacher »
Depuis Bruxelles, le président François Hollande a indiqué que la France fait les réformes nécessaires pour réduire son déficit mais entend user de toutes les flexibilités prévues par les traités européens pour doper la croissance économique, a-t-il dit en ajoutant que Paris répondrait d’ici la fin de semaine à la demande d’explication adressée par la Commission sur son projet de budget pour 2015. « Nous considérons que nous avons fait ce que nous avions à faire, poursuivre la réduction du déficit structurel, faire 21 milliards d’économies, mener des réformes structurelles tout à fait significatives, muscler davantage notre économie avec le pacte de responsabilité », a-t-il dit à la presse.« La France veut préserver toutes les conditions pour la croissance, respecter les traités, et les respecter avec le maximum de flexibilités qui sont permises par ces traités », a-t-il ajouté. « Les explications et détails que nous fournirons permettront de faire comprendre à la Commission que nous respectons les traités en préservant, parce que c’est ça l’essentiel, la croissance et l’emploi. »
Le ministre français des Finances Michel Sapin a également réagi et répété qu’ « il n’y a rien de neuf » dans la lettre envoyée par la Commission européenne sur le budget français, en ajoutant qu’il « ne s’agit pas d’appliquer des règles pour appliquer des règles ». Le gouvernement n’a « rien à cacher », a assuré Michel Sapin tout en estimant que « ce ne sont pas des courriers qu’on publie ». La lettre a un « ton d’une sécheresse bureaucratique qui ne présente absolument aucun intérêt pour personne ». En visite avec des journalistes dans une entreprise installée à Moissy-Cramayel, en Seine-et-Marne, le ministre a assuré que la France travaillait « à la réponse à donner ». Mais « il s’agit pas d’appliquer des règles pour appliquer des règles », « ce serait idiot », a-t-il dit.
Le ministre a souligné que le budget a été « construit avant l’été » et que depuis « il y a eu certaines évolutions négatives d’autres plus positives ». « Nous allons tenir compte de tous ces évènements nouveaux pour montrer en quoi pour 2015 les propositions qui sont les notres sont des propositions adaptées à la situation de l’Europe et de la France », a-t-il ajouté. « On fait 21 milliards d’économies, c’est déjà pas si simple », a-t-il ajouté.
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Avis rendu le 29 octobre
Vendredi, des députés socialistes, dont Valérie Rabault, rapporteur de la commission des finances de l’Assemblée nationale, ont exigé la publication de cette lettre au nom de la transparence et de la souveraineté nationale. « Le budget de la France relève de sa pleine souveraineté et aucune mesure visant à réduire notre déficit structurel (...) et qui aurait comme conséquence d’empêcher la nécessaire lutte contre la déflation ne peut nous être imposée », écrivent dans un communiqué Valérie Rabault, Karine Berger, Yann Galut, Alexis Bachelay et Colette Capdevielle.
Une exigence à laquelle se sont joints le Front national, par la voix de son vice-président, Florian Philippot, et les centristes de l’Union des démocrates et indépendants (UDI).
Les discussions entre Paris et Bruxelles entrent dans une phase décisive. La Commission européenne prépare l’avis qu’elle doit rendre d’ici la mi-novembre sur le projet de budget français. Si cet avis est négatif, il sera rendu dès le 29 octobre, précise-t-on à la représentation de la Commission à Paris.
Au lieu de réduire le déficit public à 3% du PIB en 2015 comme elle s’était engagée à le faire, la France prévoit qu’il atteindra 4,3% et que son déficit structurel (hors effets de la conjoncture) sera réduit de 0,2 point au lieu de 0,8.
Selon des informations publiées par la presse, la Commission pourrait demander à la France un effort supplémentaire de 4 milliards d’euros, alors que les projets de budget de l’Etat et de la Sécurité sociales prévoient déjà 21 milliards d’économies. Ce chiffre ne figure pas dans la lettre de Jyrki Katainen.
Si la demande d’un effort supplémentaire de 4 milliards d’euros se confirmait, elle ne constituerait cependant pas une surprise, a confié à Reuters le député PS Dominique Lefebvre, vice-président de la commission des finances de l’Assemblée. « On a toujours considéré que si la Commission restait dans sa logique, c’est probablement le niveau d’effort qui serait demandé puisque c’est tout le débat sur le niveau du déficit structurel », explique-t-il.