Débat dans la CGT : la position de la FILPAC et ses propositions. Par Michel Eldiablo.
Vendredi 28 novembre 2014 5
Débat dans la CGT : la position de la FILPAC et ses propositions
INFO REPRISE SUR LE BLOG DE MICHEL EL DIABLO
La CGT doit réapparaître de toute urgence !
[ par la Filpac CGT]
Pour que la CGT réapparaisse au plus vite, la Filpac CGT avance des propositions et les verse au débat. Elle ne s’autoproclame expert en toutes choses. L’expérience de notre Fédération est d’avoir évité la scission FO de 1948. Notre orientation adoptée lors de nos deux derniers congrès à une très forte majorité montre que le paritarisme est devenu obsolète avec l’avènement du libéralisme.
Lucidité et unité peuvent encore stopper le mouvement centrifuge qui affecte la confédération. Les instances statutaires doivent s’emparer des débats réels, liés à la défense des salariés et au service des adhérents. De multiples alarmes viennent de retentir.
Un sursaut collectif doit lui répondre.
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Il n’y a pas plus de « partenaires sociaux » que de « négociations sociales » ou de « paritarisme » dans le système social actuel en vigueur dans le pays. Sortons du théâtre libéral. Nul rôle ne nous sera jamais attribué sinon celui de la disparition, celle qui frappe la question sociale, subordonnée au remboursement de la dette financière et écrasée par l’austérité qui en résulte. Reconquérons nos capacités à représenter les salariés, leurs intérêts et à construire l’alternative à l’économie du désastre.
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1. Servir les intérêts des salariés et des adhérents, telle est l’activité quotidienne des délégués et syndicats de la Filpac CGT. Mais leur mission devient problématique, et parfois frise l’impossible, quand les outils sociaux à leurs dispositions sont détruits d’en haut.
Si bien que les délégués Filpac CGT sont lancés dans une course à handicaps, lesquels s’alourdissent chaque jour. Comment certifier aux salariés la qualité de l’intervention de la CGT, quand le label national disparaît du fait du système d’exclusion en place, qui retourne la moindre des revendications en la présentant comme une atteinte à la sécurité de l’économie toute entière…
Les outils légaux de la représentation syndicale mis à mal ou détruits ?
La preuve…
La juridiction prud’homale vient d’être livrée par la représentation nationale à la pioche des démolisseurs du gouvernement, qui, sur recommandation expresse du Medef et sur simples ordonnances, vont éradiquer les élections des conseillers et transformer la nature de ces tribunaux uniques en leur genre.
Cette disparition programmée est l’étape annoncée d’une attaque menée au cœur de l’ANI de janvier 2013. Transformé en loi en juin de la même année, il libéralise les licenciements, limite les informations légales des employeurs aux IRP, et établit des interdictions de recours aux Prud’hommes tout en créant un barème à minima des indemnités de licenciement.
La conquête de la représentation syndicale dans les PME est en berne, tant la violence de la contre-attaque de la CGPME accompagne une répression antisyndicale d’un haut niveau. Elle se prolonge par une pseudo-négociation sur « les seuils sociaux », ce qui se traduit en bon français par le rejet par les employeurs du fait syndical. Une véritable restauration de la loi Le Chapelier de 1791 par les patrons, petits, moyens et grands.
Le syndicalisme de la feuille de paie est d’autant plus déstabilisé qu’elle risque la dématérialisation et, sous couvert de simplification, la disparition. Les articles du Code du travail garantissaient ce qui doit figurer sur le bulletin de paie. Ils sont frappés de « simplification administrative », un cache-sexe de la croisade du gouvernement pour les exonérations de cotisations sociales accordées aux employeurs.
Miracle des technocrates du ministère du Numérique, ruse patronale ? C’est comme par hasard les lignes de la feuille de paie dédiées au détail des cotisations sociales employeurs qui seront « simplifiées ». Et la feuille de paie ramenée à une vague trace numérisée.
La défense du contrat de travail, l’alpha et l’oméga du délégué Filpac CGT, est mise à mal par la montée des négociations individuelles réglées par la « rupture conventionnelle », prétendument à l’amiable, qui facilite et privilégie les plans de départs réputés volontaires. Le recours systématique aux CDD d’un mois et le développement de toutes les formes de précarités complètent le tableau.
De plus, l’attaque frontale contre la négociation collective du contrat de travail, c’est-à-dire les conventions collectives, se déroule à deux niveaux :
- Au plan national par une pseudo-négociation sur la réduction de 700 à 100 des filières professionnelles.
- Au plan local par le déclassement de salariés vers la convention Syntec ou par le contournement de la convention
en vigueur par la destruction de la hiérarchie des normes. La clause la plus avantageuse bénéficiait aux salariés ; mais aujourd’hui l’accord d’entreprise, signé par les comparses de la direction, se fonde sur l’ANI flexi-sécurité pour détruire les avantages locaux ou attachés à la convention nationale.
Sans parler de la bataille contre les salaires présentée comme capitale contre le coût du travail, et bien d’autres friandises libérales, comme les fermetures massives d’entreprises, les attaques contre les chômeurs, les assurés sociaux, le recul des pensions, etc. La liste des dégâts sociaux nationaux qui mutilent l’intervention des IRP ne peut être complète, car elle doit être actualisée au quotidien !
2. Le règlement des questions sociales par le paritarisme est en voie de disparition si rapide qu’il n’en reste que le décorum désuet et sans portée réelle. C’est la machine antisociale du programme commun Medef CFDT qui prévaut et règle les relations sociales.
Ce qui est nommé négociations entre partenaires sociaux recouvre la réalité de séances convoquées sur l’ordre du jour patronal, se déroulant sur le texte patronal. Le gouvernement joue le rôle de gendarme, « l’artillerie en
bandoulière », qui somme les syndicats de tenir la ligne du front patronal sous la menace de légiférer par ordonnances ou par une majorité de godillots. Tout juste si le syndicalisme peut-il réagir par la négative, si toutefois
il n’est pas signataire du programme commun CFDT Medef.
La rupture avec la loi du 20 août 2008 sur la représentativité syndicale est actée par des employeurs pressés de dresser un mur protégeant les profits des actionnaires. Les employeurs n’ont plus le temps de jouer à la mesure de la représentativité. La loi de 2008 se présentait comme une garantie contre la pratique des accords minoritaires et comme un éclaircissement du paysage syndical. Il est aujourd’hui nié, le seul bon de représentation est délivré à la CFDT.
La CFDT, la CFTC et la CGC ont choisi de rassembler autour du Medef, de la CGPME et de l’UPA. La base de ce rassemblement est publique, il s’agit d’un programme commun élaboré pendant de longs mois, publié en juin 2011. Que dit-il ?
- La crise du système capitaliste est évacuée au service de cette tâche commune, restaurer la compétitivité des entreprises françaises, qui, malgré la compétence de leurs dirigeants, souffrent d’un déficit et d’un lourd handicap sur le terrain de la compétition sur le marché. Ce handicap s’appelle coût du travail, financement de la Sécurité sociale, temps de travail, responsabilité des chômeurs qui ne savent pas par quel bout se former pour atteindre l’employabilité.
- Le « constat partagé » ne reste pas dans la sphère des idées mais devient force matérielle, puisqu’il permet l’accouchement des ANI, transformés en lois, des pratiques locales et nationales d’un syndicalisme non pas de services mais au service d’un lobbying social, centré sur les intérêts des fonctionnaires syndicaux.
- Une contradiction traverse aujourd’hui la CFDT. La recherche de contreparties à ce lobbying à vague teinture syndicale devient la quête du Graal : comment démontrer aux adhérents et aux salariés qu’il s’agit d’un syndicalisme moderne, tourné vers l’avenir, si le maître du jeu, le patronat, ne redistribue pas quelques miettes pour donner le change. Or maintes fédérations CFDT sont confrontées à la réalité d’un patronat de filière pas du tout pressé de distribuer des gages au rôle de collaborateur tenu par la CFDT nationale.
Le bloc CFDT CFTC CGC avance une orientation. Elle n’est pas « réformiste ». Le bloc agit au compte d’une « Union sacrée pour l’austérité », comme si ceux qui licencient ont les mêmes intérêts que ceux qui sont licenciés.
Au moment où les inégalités deviennent une matière explosive, les « inégaliteurs » disposent d’un syndicalisme de complaisance.
Et notre CGT, quelle orientation ? L’évitement d’un débat de fond n’est plus possible, à moins d’engager le pronostic vital de la confédération. Quelques pistes à verser au débat indispensable.
3. Faire ce qui est possible de faire, mais le faire à fond. Faire ce qu’on dit. Dire ce qu’on on veut. Soutenir les intérêts immédiats des salariés et démontrer au quotidien que la réalisation des intérêts collectifs n’aboutira que par la transformation sociale. La CGT doit réapparaître comme la garantie de l’avenir social.
Solidarité ! Sans sa construction, nous tomberons sous le poids des violences, des méfiances, des défiances. Le patronat dispose d’armes létales contre l’avenir social pour diviser les salariés. Son arsenal nucléaire comporte une arme de destruction massive, le chômage, qui dure et s’installe, par lequel la destructivité de la mondialisation et l’illégitimité des financiers, banquiers et rentiers s’imposent par ce rapport des forces.
Si, à ArjoWiggins, UPM Chapelle Darblay, entre autres, nos délégués montent sans relâche au créneau pour la survie des sites industriels et des emplois, quel réconfort ce serait de trouver une CGT entièrement solidaire, de ses syndicats Filpac jusqu’au plus haut niveau confédéral quand une entreprise est frappée d’assassinat par des états majors lointains de droit divin ! Contre le chômage et les licenciements de masse, la solidarité syndicale est idée CGT neuve. La CGT de demain sera solidaire. Ou réduite à ses égoïsmes sociaux.
Ensemble ! Pour trois revendications solidaires immédiatement prioritaires ! Ces trois points constituent des objectifs rassemblant, unifiant, militants, adhérents et salariés. Si nous sommes défenseurs des salariés, alors il faut désigner les points névralgiques, concentrer notre tir revendicatif sur eux :
1 - Forcer le blocus des entreprises pour gagner des embauches par l’obligation de recruter des salariés, la réduction du temps de travail à 35 heures le permettant, ainsi que la conversion des contrats précaires en CDI, pour une initiative publique fondé sur les besoins et l’utilité commune. Cette base nationale de lancement d’une grande campagne permet à nos délégués de sortir de la nasse locale des PDV et autres PSE à répétition.
2 - Financer la Protection sociale par les cotisations liées aux créations d’emplois, la fin des exonérations employeurs, la ponction sur les transactions financières et l’évasion fiscale, la taxation des transactions financières
spéculatives. Agir ensemble en démontrant qu’il est possible d’assurer le comblement des déficits et la pérennité du système, voilà qui redonnera confiance..
3 - Augmenter fortement les salaires par une réorientation de la valeur ajoutée dans l’entreprise comme dans la filière et au niveau national. C’est le coût exorbitant du capital, révélé par le pillage des richesses par les actionnaires et par les circuits absurdes de la mondialisation, qui détruit en pure perte des parts de PIB qui devront être allouées à la rémunération du travail.
Unité ? Oui, contre l’austérité, pour en finir avec le mensonge sur la dette et sa dictature.
Non à l’austérité, fort bien !
Quels sont nos objectifs concrets, de rassemblement ?
La CGT répond : lutter contre l’austérité c’est un choix de société.
La réduction des déficits et des dettes publiques est aujourd’hui l’objectif prioritaire de la politique économique menée en France comme dans la plupart des pays européens. Le pacte dit “de responsabilité” qui prévoit 50 milliards supplémentaires de réduction des dépenses publiques, est justifié au nom de cet impératif. Le discours dominant sur la montée de la dette publique fait comme si son origine était évidente : une croissance excessive des dépenses publiques.
L’augmentation de la dette de l’Etat – qui représente l’essentiel, soit 79 %, de la dette publique – ne peut s’expliquer par l’augmentation des dépenses puisque leur part dans le PIB a chuté de 2 points en trente ans.
Si la dette a augmenté c’est d’abord parce que tout au long de ces années l’Etat s’est systématiquement privé de recettes en exonérant les ménages aisés et les grandes entreprises : du fait de la multiplication des cadeaux fiscaux et des niches, la part des recettes de l’Etat dans le PIB a chuté de 5 points en 30 ans.
Si l’Etat, au lieu de se dépouiller lui-même, avait maintenu constante la part de ses recettes dans le Produit Intérieur Brut, la dette publique serait aujourd’hui inférieure de 24 points de PIB (soit 488 milliards €) à son niveau actuel.
Les taux d’intérêt ont souvent atteint des niveaux excessifs, notamment dans les années 1990 avec les politiques de “franc fort” pour préparer l’entrée dans l’euro, engendrant un “effet boule de neige” qui pèse encore très lourdement sur la dette actuelle.
Si l’Etat, au lieu de se financer depuis 30 ans sur les marchés financiers, avait recouru à des emprunts directement auprès des ménages ou des banques à un taux d’intérêt réel de 2 %, la dette publique serait aujourd’hui inférieure de 29 points de PIB (soit 589 milliards €) à son niveau actuel.
L’impact combiné de cet effet boule de neige et des cadeaux fiscaux sur la dette publique ? 53 % du PIB (soit 1077 milliards €).
Si l’Etat n’avait pas réduit ses recettes et choyé les marchés financiers, le ratio dette publique sur PIB aurait été en 2012 de 43 % au lieu de 90 % comme le montre le graphique ci-contre. Au total, 59 % de l’actuelle dette publique proviennent des cadeaux fiscaux et des taux d’intérêt excessifs.
La CGT est pour sortir de l’emprise des marchés financiers, réaliser un audit de la dette publique de la France, imposer une transparence sur les titres financiers de la dette publique et donc mettre un terme à l’exode discal, aux paradis fiscaux.
La CGT se situe à l’exact opposé de la stratégie libérale, « Think global, Act local », penser globalement et agir localement.
Elle articule, coordonne l’action des syndicats avec les objectifs généraux définis par les intérêts de tous les salariés.
Voilà un versement Filpac CGT aux débats des instances statutaires. A vous lire…
Montreuil, le 24 novembre 2014