Etat de l’armée française : le cri d’alarme | French army piteous state : the alarm bell Par Raphaël Berland / le 30 décembre 2014.
Etat de l’armée française : le cri d’alarme | French army piteous state : the alarm bell
Par Raphaël Berland / le 30 décembre 2014
(english version : see below)
L’armée française grince des dents. Du grade le plus humble à celui le plus élevé, celle que l’on surnomme « Grande Muette » n’en finit plus de gronder. Partout, on déplore un manque de moyens de plus en plus problématique. Sur ce sujet, nous avons recueilli le témoignage édifiant de « François Fier »*, Commandant de l’Armée française en opération extérieure.
Cercle des Volontaires : vous nous avez contacté pour tirer la sonnette d’alarme concernant l’Armée française. Quel est l’état actuel des forces françaises ?
François Fier : le bilan est le suivant : le constat est alarmant. Nos forces françaises fonctionnent en flux tendu, sur le fil du rasoir au niveau du matériel, avec un manque d’approvisionnement chronique, et surtout un manque d’équipements. Le paiement des soldes de nos soldats s’effectuent avec des retards de plusieurs mois. En cause, le logiciel « Louvois », qui gère également le paiement aux fournisseurs de l’Armée. Du coup, cela entraîne aussi un problème au niveau des fournitures, de l’armement, car beaucoup d’entreprises, dont des entreprises d’armement, ne sont pas payées. Ceci est un petit point de détail important ! La situation est donc la suivante : nos soldats se retrouvent sur le terrain avec une pénurie d’équipements. Nos soldats vont en opération avec des Rangers trouées, avec des rations de combat périmées, et des « appuis-feux » durant vingt minutes. Au-delà de ce laps de temps, ils sont en pénurie complète, et donc ne disposent pas d’une couverture aérienne adéquate pour les couvrir en cas de pépins et d’accrochages.
CdV : Les soldats français n’ont ni le matériel, ni les appuis aériens nécessaires pour mener à bien leurs missions, si je comprends bien. Est-ce un phénomène accidentel, ou bien est-ce un problème structurel ?
FF : C’est quelque chose de structurel, nous avions déjà constaté ce phénomène en Yougoslavie, en Afghanistan… En Yougoslavie, nos troupes ont du régulièrement aller « s’approvisionner » chez nos vois alliés… En Afghanistan, on a eu de telles pénuries que nos soldats ont été obligés d’aller piquer du papier toilette à nos amis américains… C’est quand-même symptomatique d’une situation gravissime !
CdV : Si l’Armée française a de moins en moins de moyens, c’est peut-être parce qu’elle est de moins en moins sollicitée ?
FF : Au contraire, la France est de plus en plus engagée à l’étranger, dans des missions de plus en plus périlleuses et de plus en plus longues. Prenez le conflit afghan, par exemple : nos dernières troupes, officiellement, ont quitté l’Afghanistan il y a plus d’un an, nos autorités l’ont crié haut et fort. En réalité, les derniers soldats français viennent de partir il y a quelques jours ; soit 13 années d’engagement militaire.
CdV : Quels sont les autres théâtres d’opération, actuellement, de l’Armée française ?
FF : Officiellement, nous avons 8 000 soldats en « opex » [opérations extérieures, ndj], dont 5 000 soldats au Mali et ailleurs au Sahel. Nous avons également des soldats engagés dans différentes missions d’opérations de « maintien de la paix » menées par l’OTAN et par l’ONU, en ex-Yougoslavie, au Liban également, et dans d’autres pays.
CdV : En Centrafrique également ?
FF : Tout-à-fait. C’est la même situation. Je tiens à signaler que nos musées militaires sont en train de fermer, ou d’être revendus au secteur privé. Ceci est très grave, car ces musées servaient à financer les hôpitaux militaires de nos soldats en opex, ainsi que la prise en charge des blessés.
CdV : Vous souhaitez donc envoyer un signal d’alerte face à cette situation ?
FF : C’est même un cri d’alarme que je lance ! C’est simple : si nos troupes françaises doivent faire face à une grosse offensive dans le sud Sahel au Mali, menée avec du matériel lourd, nous n’aurons pas assez de matériel pour la repousser (bien que notre matériel soit plus moderne que celui des combattants adverses). Je tiens à dire que nos soldats sont extraordinaires. Ce sont des hommes courageux, qui se battent dans des conditions extrêmement difficiles. Lorsque des drames surviennent, comme en Afghanistan, où un soldat a perdu la vie justement à cause de manque de matériel, parce qu’on n’avait pas assez d’hélicoptères pour protéger nos gars. On a retrouvé nos gars obligés de se défendre au couteau, comme au plus vieux temps. Oui, vous avez bien lu, au couteau ! Je trouve ça lamentable.
CdV : Effectivement, la situation est dramatique…
FF : Imaginez le désarroi de nos camarades, quand on sait que les femmes de nos camarades se retrouvent elles-aussi dans des situations dramatiques, quand nos soldats ne sont pas payés pendant des mois, partis en opération extérieure. Certaines femmes en sont venues à défiler seins nus, pour revendiquer les salaires de leurs maris, car elles n’avaient même pas de quoi subvenir aux besoins élémentaires de leurs familles (nourriture, loyer, électricité, …). Comment voulez-vous que nos soldats aient l’esprit serein ?
CdV : Ce manque de moyens fait-il courir « seulement » le risque à l’armée française de perdre des batailles, ou bien peut-il également nous conduire à perdre des guerres ?
FF : Perdre des batailles, très certainement, oui, mais cela peut également nous conduire à perdre des guerres. Souvenez-vous de la bataille de Dien Bien Phu. Le soldat français fera toujours tout son possible pour soutenir son camarade et son compagnon de combat. Le problème, c’est que l’opinion publique ne voit pas à quel point nos conditions de « travail » sont déplorables. Nos politiques, eux, sont parfaitement au courant. Leur comportement est criminel dans cette affaire, car ils détériorent sciemment nos conditions de vie et nos conditions d’opération sur le terrain.
CdV : Comment expliquez-vous que, d’un côté, les politiques allouent de moins en moins de budget au Ministère de la Défense, et que d’un autre côté, ils vous sollicitent de plus en plus ?
FF : Le dernier recours pour exister en tant que Nation, c’est d’envoyer son armée en opération à l’extérieur du pays. L’image de la France est véhiculée par son armée, son soldat « Mc Gyver », touche-à-tout du combat… Le soldat français est connue pour tenir le choc. Quelle que soit la situation, on a montré, dans notre histoire (et on le montrera encore à l’avenir), même lâchés par nos politiques, nous serons toujours capables de tenir nos positions.
CdV : Une dernière question, plus politique : ne pensez-vous pas que les missions qu’on vous demande d’accomplir démontrent que les politiciens français, les décideurs français sont aujourd’hui sous influence étrangère ?
FF : tout-à-fait. Ils sont sous l’influence des détenteurs de grands capitaux, des grands industriels étrangers, et de gens issus de la philosophie de bas-étage…
Propos recueillis par Raphaël Berland, pour le Cercle des Volontaires
* Le nom a été modifié
The French Army is angry. From the bottom to the top, the « Grande Muette » is rumbling. Everywhere, we’re pointing towards a lack of money that is getting more and more problematic. On that subject, we received the shocking testimony of « François Fier »*, a French Army’s major in external operations.
Cercle des Volontaires : you contacted us to raise awereness about the French Army. What’s the actual state of French troops ?
François Fier : Here’s how it is : alarming. Our French forces are under constant pressure, on a knife’s edge about equipment, with a chronic lack of supply, and especially a lack of materials. Our soldiers’ pensions are long overdue. Causing this, the software « Louvois », which also manages the payment of the Army’s suppliers. So, this also drags up a problem about equipments, or weaponry, because a lot of companies, including weapon manufacturers, are not getting paid. This is a small, but important detail ! The situation is: our soldiers are finding themselves on the battleground with a lack of equipments. They’re being sent on operations with boots that are full of holes, with their combat rations being expired, and « appuis-feux » (firing coverage) during twenty minutes. Beyond that period of twenty minutes, they’re on full penury, and then they don’t get a sufficiant airborn coverage, were they to need it in case of mishaps, or clashes.
CdV : The French soldiers don’t have either the material, or a sufficiant airborn coverage to complete their missions, if I’m getting this clearly. Is it an accidental phenomenon, or is it more of a systematic problem ?
FF : It’s something systematic, we already noted that phenomenon in Yougoslavia, or Afghanistan… In Yougoslavia, our troops had to regularly « supply » themselves at our allied neighbors… In Afghanistan, there were such shortages, that our soldiers had to go and steal some toilet paper to our US friends… It is still a symptom of a serious situation !
CdV : If the French Army is getting less and less means, is it maybe because it is less and less solicited ?
FF : On the contrary, France is getting more and more involved in foreign affairs, in missions that are more and more dangerous and last longer. Take the Afghan conflict, for example : our last troops, officially, have left Afghanistan over a year ago, our officials have stated it loud and clear. In reality, our last French soldiers just left a few days ago ; this means thirteen years of military engagement.
CdV : What are the other locations of involvement, now, for the French Army ?
FF : Officially, there are 8 000 soldiers in « opex » (external operations), including 5 000 soldiers in Mali and elsewhere in Sahel. There are also soldiers, that are engaged in different missions of « peace maintenance », lead by NATO and the UN, in ex-Yougoslavia, also in Liban, and in other countries.
CdV : Central Africa also ?
FF : Exactly. It’s the same situation. I also want to warn you, that our military museums are closing up, or getting sold to the private sector. This is very serious, because oue museums were being used to finance military hospitals of our soldiers in opex, and also the taking care of the wounded ones.
CdV : You wish to ring the alarm bells in front of this situation ?
FF : It’s a shout out for alarm that I’m giving. It’s simple : if our French troops must face a large offensive in South Sahel in Mali, lead with heavy materials, we won’t have enough supplies to reject them (this, even with our equipment being more up to date than our opponents’ one). I want to say that our soldiers are extraordinary. They are brave men, who’re fighting in extremely hard conditions. When tragedies happens, like in Afghanistan, where a soldier lost his life due to a lack of material, because we didn’t have enough helicopters to protect our guys. We found our guys having to defend themselves with their knife, like old time. Yes, you read it right, with their knife ! I find it pathetic.
CdV : The situation is indeed tragedic…
FF : Imagine the despair of our colleagues, when you know that their women are also finding themselves in tragedic situations, when our soldiers are not paid for months, gone in external operations. Some women have had to parade, topless, to claim their husbands’ salaries, because they didn’t even have what’s needed to provide for their families’ essential needs (food, rent, electricity, …). How do you want our soldiers to have a clear state of mind ?
CdV : Does that shortage of means make us run only a risk of loosing battles, or could it also lead us to loosing wars ?
FF : Loosing battles, certainly, yes, but it could also lead us to loose wars. Remember the Dien Bien Phu battle. The French soldier will always do everything he can to support his colleague, and war comrade. The issue is that the general public doesn’t see how our « working » conditions are deplorable. Our politicians, them, they are perfectly aware of it. Their behavior is criminal, in this case, because they knowingly deteriorate our life conditions and our operating conditions on the battleground.
CdV : How do you explain that, on one hand, the politicians are dedicating less and less money to the Department of Defense, and on the other hand, they’re demanding more and more from you ?
FF : The last course of action, in order to exist as a Nation, is to send one’s army in operation outside of the country. France’s image is being spread by its army, its « Mc Gyver » kind of soldier, dabbling in everything… The French soldier is known to withstand shock. No matter the situation, we showed, in our history (and we will again in the future), that even abandonned by our politicians, we will always be capable of maintaining our positions.
CdV : A last question, more political : don’t you think that the missions you’re being asked to accomplish, demonstrate that French politicians, French decision-makers are today under foreign influence ?
FF : Of course. The’re under the influence of possessers of big capitals, big foreign industries, and people from a third-rate philosophy…
Statements collected by Raphaël Berland, for the Cercle des Volontaires
* The name has been modified