La tentation de l'état d'urgence et du Patriot act en France Par Matthieu Deprieck publié le 09/01/2015 dans "l'Express".
Frappée par une vague d'attentats, la France va devoir relever un défi immense: lutter contre le terrorisme en garantissant l'unité de la République et les libertés publiques.
Depuis, les attaques se sont succédé. Avec quelles conséquences sur la classe politique? Personne ne se risque à dérouler un agenda législatif mais la nécessité d'ouvrir un nouveau débat parlementaire s'impose à droite. "Un pays en guerre à l'extérieur ne peut pas imaginer vivre de la même façon qu'avant à l'intérieur", jugeait jeudi un député de droite. "Le déroulé des événements nous dit que ces terroristes se connaissaient. On ne peut pas laisser des cellules s'installer en France en restant les bras croisés", ajoute un élu UMP. "Il est nécessaire que l'on discute de l'opportunité de voter un nouveau projet de loi", avançait, plus prudent, David Douillet, après la minute de silence observée à l'Assemblée jeudi midi.
Ce vendredi matin, Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la France, est allé plus loin. Il a remis à François Hollande, lors de leur entretien à l'Elysée, un document reprenant quatre mesures qu'il juge urgentes: la proclamation de l'état d'urgence, la suspension de Schengen, le renforcement de la présence de policiers et militaires, l'augmentation de moyens de la police et de la gendarmerie. Interrogé par L'Express, il juge prioritaire de donner "plus de souplesse aux forces de l'ordre".
Au sommet de l'Etat, la question de rédiger un nouveau projet de loi a également fait son chemin. "Il sera sans doute nécessaire de prendre de nouvelles mesures", a déclaré Manuel Valls vendredi matin. Avant de nuancer son propos: "Il ne faut pas partir de l'idée que rien ne doit bouger mais il ne faut surtout pas improviser. On ne va pas bâtir une législation dans la précipitation."
L'encre du précédent texte de lutte contre le terrorisme est à peine sèche. Il a été définitivement adopté en novembre, créant un "délit d'entreprise terroriste individuelle", une interdiction de sortie du territoire et un blocage des sites liés au terrorisme. Peut-on encore renforcer les pouvoirs policiers sans toucher aux libertés individuelles? Peut-on s'attaquer au seul fondamentalisme islamique sans fragiliser l'unité républicaine? "C'est délicat. Le chemin est étroit entre la naïveté (qui reviendrait à ne pas vouloir nommer le danger islamique) et l'amalgame", reconnaît Nicolas Dupont-Aignan.
En 2001, George W. Bush, alors président des Etats-Unis, avait fait voter moins de deux mois après les attentats du 11-Septembre, le Patriot act qui prévoyait notamment une détention sans limite et sans inculpation de toute personne suspecte de terrorisme. Jeudi, le député UMP Thierry Mariani louait son efficacité.