Mis à rude épreuve pendant de nombreux mois, les services de santé et les médecins locaux, comme le Dr Yuri Orlov, peinent à répondre aux besoins médicaux croissants. Parmi les plus vulnérables : les personnes âgées, malades ou handicapées. « Ici, le principal problème médical, c’est l’hypertension. Depuis l’année passée, les complications dues à l’hypertension artérielle ont augmenté de 30 % » constate le Dr Yuri Orlov.
Dr Yuri Orlov ©Sandrine Tiller/MSF
Dans de nombreuses régions, les banques ont fermé et le paiement des pensions a été interrompu. Beaucoup de personnes attendent ainsi le dernier moment pour se rendre chez le médecin, simplement parce qu’elles ne peuvent plus se payer le transport ou les médicaments. Pour beaucoup, même des produits de base comme les antidouleurs ou le sirop contre la toux sont désormais hors de prix. Quant aux traitements plus spécialisés, comme l’insuline par exemple, ils sont en rupture de stock.
Depuis le mois de mai 2014, Médecins Sans Frontières (MSF) soutient les hôpitaux de la province de Donetsk en fournissant tout le matériel médical nécessaire pour soigner des milliers de blessés de guerre. Afin de venir en aide aux habitants qui n’ont plus accès aux soins de santé de base, l’équipe MSF a élargi son soutien médical aux centres de santé dans les zones rurales touchées par le conflit.
« Ambulatoire #6 ». C’est le nom de la première de ces « cliniques de proximité ». Elle est située à Novostroika, un petit village de mineurs en périphérie de Chakhtarsk, dans une zone contrôlée par les rebelles pro-russes. « Ambulatoire #6 » est le service de santé de première ligne pour quelque 7 000 personnes vivant dans cinq villages avoisinants. Ce poste de santé prodigue des soins de santé primaires et si nécessaire, assure le transfert des patients vers l’hôpital. Cependant, l’Etat ne l’a plus approvisionné en médicaments depuis le mois d’août et les salaires du personnel n’ont plus été payés depuis l’été dernier.
Dans l’Est de l’Ukraine, les chaînes d’approvisionnement médical ont été fortement perturbées, voire totalement interrompues. Les budgets pour 2014 sont complètement épuisés depuis plusieurs mois. Résultat : de nombreuses institutions publiques comme « Ambulatoire #6 » reposent désormais sur le soutien bénévole d’organisations locales pour leur approvisionnement en nourriture et de MSF pour les fournitures médicales et le soutien au personnel médical.
Les patients souffrant de maladies chroniques sont particulièrement touchés. L’équipe de MSF approvisionne donc les centres de santé en kits de médicaments pour traiter les maladies cardiaques, l’hypertension, le diabète et l’asthme. L’équipe distribue également d’autres fournitures essentielles dans ces régions rurales. Grâce à l’aide de MSF, les médecins comme le Dr Yuri Orlov peuvent ainsi poursuivre leurs consultations.
En juillet, la région de Novostroika a été le théâtre de violents affrontements qui ont détruit de très nombreuses habitations. Les conséquences en sont encore visibles aujourd’hui. Beaucoup de ceux qui sont restés au village ou y sont rentrés après le retour au calme sont maintenant isolés et vulnérables. Le conflit a eu des conséquences désastreuses sur l’économie de la région : beaucoup d’entreprises et de mines ont fermé leurs portes, laissant de nombreux travailleurs sans emploi. Depuis que le gouvernement ukrainien a décidé de ne plus fournir aucun service public dans les régions aux mains des rebelles, les personnes âgées ne perçoivent plus leur pension ou leurs allocations. Les services bancaires sont bloqués, y compris le retrait aux distributeurs et les paiements par carte de crédit.
Au centre de santé, le Dr Yuri Orlov prépare une liste des patients alités auxquels il doit rendre visite à domicile. Il utilise sa propre voiture, car celle du centre « Ambulatoire #6 » a été endommagée par des éclats d’obus durant les combats, et il paye l’essence de sa poche.
« Les médecins et l’ensemble du personnel médical sont extrêmement dévoués car ils poursuivent leur travail bien qu’ils n’ont plus été payés depuis des mois », souligne le Dr Wael Abdurahman Ahmed Ali, qui coordonne le programme de soutien médical de MSF. « Pour eux, il s’agit d’une tâche considérable. C’est pourquoi nous les aidons à offrir des soins de santé essentiels aux habitants des quelques-unes des régions les plus durement touchées. »
En plus de la clinique de proximité, les équipes de MSF poursuivent aussi leur soutien aux hôpitaux de Donetsk et de Louhansk, auxquels elles distribuent des fournitures médicales pour soigner les blessés de guerre. Depuis mai, nos équipes ont approvisionné 70 infrastructures médicales des deux côtés de la ligne de front, permettant de traiter 13 150 blessés. Les psychologues de MSF apportent un soutien en santé mentale aux personnes affectées par le conflit dans plusieurs villes, en proposant des consultations individuelles ou en groupe. Ils dirigent aussi un programme de formation pour les psychologues, assistants sociaux et personnels de santé de cette région touchée par le conflit. Enfin, MSF poursuit son programme de traitement de la tuberculose pharmaco-résistante dans les établissements pénitentiaires régionaux de Donetsk, un programme que nous gérons depuis 2011.