Dans la première partie sur ce sujet nous avons montré les possibilités et peut-être les desseins américains de créer un couloir « d’extraction » de la Syrie vers la Jordanie des divisions rebelles islamistes encerclées dans les gouvernorats d’Idlib et de Hama. Essayons de voir maintenant pourquoi ces moudjahidin sont si importants pour les Etats-Unis.
La première étape consiste à définir le terme «Al-Qaïda», dont font partie les rebelles islamistes, dans le sens américain.
Al-Qaida est une invention américaine qui sert de prétexte à la Maison Blanche pour permettre à l’armée américaine d’envahir d’autres pays et de neutraliser ainsi les luttes de libération des peuples inamicaux ou de rétablir l’honneur des Etats-Unis lorsque l’invasion et la neutralisation ont échoué. Pour illustrer cela, voici trois exemples relativement récents.
Premier exemple. Après le retrait des Soviétiques d’Afghanistan, les talibans ont pris le pouvoir. Leur comportement profondément religieux et leur sévère intransigeance se limitaient à leurs concitoyens. En 1996, le prince saoudien Oussama ben Laden est arrivé en Afghanistan pour rejoindre les combattants d’Al-Qaida. Peu de temps après, le 7 Août 1996, ses hôtes si accueillants apprennent par la presse que l’on attribuait à Oussama Ben Laden des attentats à la bombe contre les ambassades des États-Unis à Nairobi et à Dar es-Salaam, faisant des centaines de blessés et de morts. Les États-Unis ont tout d’abord envoyé quelques missiles de croisière aux talibans et après les attentats du 11 Septembre 2001 ont réagi en attaquant et occupant militairement l’Afghanistan.
Deuxième exemple. Au printemps de 2012, alors que le régime libyen de Kadhafi avait été remplacé par des rebelles islamistes avec le soutien militaire de l’Occident, un mouvement séparatiste touareg dans le nord du Mali était sur le point de créer son propre Etat. Profitant du fait que le centre et le sud s’effondraient et que l’armée nationale était très affaiblie et incapable de combattre, les touareg occupèrent toutes les grandes villes dans le nord et se préparaient à diviser le pays. Au même moment, dans le Maghreb apparait le même Al-Qaïda, qui entre en conflit avec les Touaregs pour récupérer tous ses territoires conquis. Tout cela se termine, début 2013, par une sorte de ‘’happy-end’’ avec l’opération Serval, dont il s’avérera plus tard, qu’elle avait été préparée de longue date et que la France n’attendait que le bon prétexte pour intervenir au Mali. Contrairement aux Talibans, les touareg ont quand même approché l’indépendance de près.
Troisième exemple. A la fin du mois d’Avril 2013, pour la première fois depuis deux ans, l’initiative dans le conflit syrien, a été reprise par l’armée fidèle à Bachar al-Assad et la balance des succès militaires s’est résolument inclinée du côté gouvernemental. La division An-Nusra, la principale force militaire de l’opposition syrienne qui se distingue par une forte capacité combative et une discipline de fer, est chargée de défendre la zone stratégique de Qusayr, clé de la défense des rebelles syriens. En combinant la manœuvre des forces avec l’appui de la puissance de feu, l’armée syrienne a mené une opération comme dans les manuels de guerre et a réussi à encercler la totalité de la division An-Nusra. Les experts occidentaux ont estimé que l’encerclement était tel qu’il n’y avait aucun moyen pour aucun rebelle de s’échapper. C’est alors que, brusquement, à la fin mai 2013, probablement à la suggestion des Américains, Abou Mohammed Golani, commandant de la Division An-Nusra, fit publiquement un serment d’allégeance à l’actuel chef d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri. A l’initiative des Etats-Unis, l’ONU avait inscrit le front An-Nusra sur la liste des organisations terroristes et, pour se conformer aux exigences américaines, le Qatar et d’autres pays alliés ont cessé de livrer des armes à la Division d’An-Nusra qui combattait dans Qusayr. L’approvisionnement ne pouvait, de toute façon, pas avoir lieu, dans la mesure où les rebelles étaient encerclés par l’armée syrienne. Donc, le 5 Juin 2013, les troupes gouvernementales ont fermé la dernière résistance armée à Al Qusayr, seule une petite partie de la division d’An-Nusra réussit à fuir au Liban.
La deuxième étape consiste à comprendre d’où viennent et comment ont été sélectionnés, entraînés et armés tous ces rebelles islamistes que l’on rencontre dans tous les pays où les États-Unis ont déclenché un «printemps arabe» ? Les organisations « Loups Gris » et « Ergenekon » ont été créées en Turquie pendant la guerre froide, par les forces des opérations spéciales américaines, en coopération avec la CIA. Ce sont des éléments des réseaux de l’organisation paramilitaire Gladio à la frontière avec l’URSS, étant formés initialement d’anciens officiers nazis de la Wehrmacht, qui deviendront, par la suite, après la guerre, des agents de la CIA.
Durant la Guerre du Vietnam, le programme Phoenix était conçu et coordonné par la CIA et exécuté par le commandement américain des opérations spéciales de l’armée (USSOCOM), aidées par des services de renseignement du Sud Vietnam. Le programme a été conçu pour identifier et «neutraliser» (via l’infiltration, la capture, le terrorisme, la torture et l’assassinat) l’infrastructure de gestion du Front de libération nationale, plus connu sous le nom Viet Cong. Fondamentalement, les objectifs USSOCOM étaient les enfants, les femmes, les personnes âgées, c’est à dire les membres de la famille des combattants Viet Cong. La neutralisation était basée sur une loi spéciale (directive MACV 381-41/1967) publiée en secret par le président américain qui a permis l’arrestation et l’exécution de Vietnamiens sans avoir besoin d’aucune preuve ni d’aucun procès.
Pendant l’occupation américaine de l’Irak, le général David Petraeus a utilisé les mêmes vétérans spécialisés dans la guerre «sale», appartenant aux forces d’Opérations spéciales américaines pour la création et la gestion des Unités paramilitaires irakiennes, appelées « Brigade des loups » pour des missions commandos, pour des objectifs d’assassinats et d’enlèvements, des actions non conventionnelles qui ont conduit à d’horribles actes de torture pendant l’occupation américaine par la création d’un vaste réseau de centres de détention secrets en Irak. La « Brigade des loups » ressemble comme deux gouttes d’eau à l’organisation « Loups Gris » et à «Ergenekon» créée en Turquie pendant la guerre froide. Leur mission était de s’infiltrer profondément dans le territoire soviétique, afin de préparer des sabotages, de construire des caches d’armes, de recruter des personnes locales pour s’engager dans la guérilla et de préparer des voies sûres d’extraction et de repli.
Par Valentin Vasilescu, pilote d’aviation, ancien commandant adjoint des forces militaires à l’Aéroport Otopeni, diplômé en sciences militaires à l’Académie des études militaires à Bucarest 1992.
Traduction : Avic
Pour ceux qui veulent reprendre ce texte, ce serait sympa de mentionner les noms de l’auteur et du traducteur. C’est toujours encourageant de voir son travail reconnu.