Les 25 réformes structurelles que le gouvernement grec a promis à Bruxelles.
Plus dure sera la chute. La colère grande à SYRIZA, où certains dénoncent une trahison, une capitulation face à la Troïka. Qu'en est-il ? Le projet de réformes structurelles envoyé par le Ministre de l'Economie grec donne une réponse : les Grecs vont encore souffrir
Répondre à d'immenses aspirations populaires, satisfaire de maigres promesses sociales se chiffrant néanmoins en milliards, le tout sans toucher aux privilèges des armateurs, du clergé, de l'armée, en respectant les engagements européens et en payant toute la dette. Comment faire ?
La réponse : en s'engageant non seulement à continuer les plans d'austérité précédents mais à aller plus loin dans les « réformes structurelles » exigées par l'UE.
Un petit jeu pour mesurer, en quelques jours, l'ampleur des reculs. Le 11 janvier, le ministre de l'Economie Varoufakis déclare devant l'Eurogroupe : « le peuple grec nous a donné un mandat fort pour mettre un terme au cycle de l'austérité qui a causé d'immenses dégâts sociaux et économiques.
Le nouveau gouvernement s'est engagé à ramener l'espoir, la dignité et la fierté aux citoyens grecs et à mettre en place un programme général pour traiter les racines de la piètre performance socio-économique de la Grèce ».
Le 16 janvier, les mandataires ne sont plus les mêmes : « la tâche du gouvernement est de mettre en place les réforme profondes dont la Grèce a besoin pour stopper les forces combinées de la déflation et de la spirale négative de la dette, de retrouver une croissance portée par l'investissement et de maximiser la valeur actuelle nette des remboursements de la dette à nos créanciers ».
Dès le 11 janvier, Varoufakis mettait les choses au clair : « son gouvernement a été élu pour stabiliser, réformer, ramener la croissance en Grèce », réaffirmait ses engagements : « garder des finances publiques saines », « réaliser des réformes structurelles », « favoriser l'investissement ».
Il allait plus loin : « notre gouvernement sera le plus réformateur de l'histoire grecque moderne, parmi les plus enthousiastes réformateurs d'Europe ». De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace.
Dans ce document, point par point, Varoufakis rassurait les dirigeants européens : les privatisations ? « Notre gouvernement est tout sauf dogmatique, nous allons évaluer chaque projet au cas par cas. Tout ce qui a été dit dans les médias sur la privatisation du port du Pirée est très loin de la réalité. En fait, c'est tout le contraire, l'investissement étranger sera favorisé ».
Le salaire minimum ? « Ce sera progressif après septembre, avec consultation du patronat et des syndicats … pour ne pas pénaliser la compétitivité en échange le gouvernement s'engage à des réformes, ainsi dans la sécurité sociale avec la réduction des cotisations salariales ».
La ré-embauche de fonctionnaires ? « Elle sera limitée à 2 013 cas .. et se paiera par des économies dans d'autres postes de dépenses publiques ».
On pourrait continuer. Le 16 février, Varoufakis affirme à la Troika ses trois engagements : « (1) réaffirmation de notre engagement à respecter les termes de notre accord de prêt avec tous les créanciers ; (2) aucune action qui ne menace de grever le budget actuel, ou a des implications sur la stabilité financière ; (3) aucune action visant à diminuer la valeur des prêts contractés ».
L'accord conclu avec l'Europe pour étendre les prêts européens sur 6 mois prévoyait en contre-partie l'adoption de « réformes structurelles » à proposer du côté du gouvernement grec. Poursuite des plans d'austérité de la Troïka, sous un autre nom, en somme.
A quoi ressemblent alors les « réformes structurelles » proposées par le gouvernement grec ? 7 pages très denses, 66 points dans 14 domaines. Quand le gouvernement Tsipras annonce qu'il sera « le plus réformateur de l'histoire grecque », cela se vérifie.
La plupart des engagements restent encore très vagues dans la « réforme fiscale structurelle », la « stabilité financière », « les politiques de croissance », et la « réponse à la crise humanitaire ».
Cela ne dit pas tout mais les réformes fiscales et les politiques de croissance occupent 2 pages, celles sur la stabilité financière 1 page … la réponse à la crise humanitaire, quelques lignes !
Sur quels engagements concrets le gouvernement grec va partir pour les prochains mois ? Le gouvernement multiplie les déclarations – y compris dans son plan – sur la lutte contre la corruption, l'évasion fiscale, les trafics, cela reste hypothétique.
Sur le concret, on peut résumer en 25 points :
1 – AUGMENTATION CIBLEE de la TVA ? : La « rationalisation de la TVA » dit Varoufakis, avec refonte des taux de façon « à maximiser les revenus sans pénaliser la justice sociale ». Le gouvernement souhaite « limiter les exemptions » (pas les supprimer) et « éliminer les décomptes non-raisonnables » (quels sont ceux raisonnables?) ;
2 – SPENDING REVIEW dans le PUBLIC : « Révision et contrôle des dépenses publiques » (spending review) : dans l'éducation, la santé, le transport, l'administration locale, les aides sociales. Le « spending review » a été l'instrument utilisé par le gouvernement social-libéral italien actuel pour imposer une « austérité juste » (sic).
3 – AMELIORER l'EFFICACITE des ADMINISTRATIONS : « Améliorer drastiquement l'efficacité des administrations locale et centrale en ciblant les promesses budgétaires, par des restructurations de la gestion et la ré-allocation des ressources mal distribuées ». Réforme de l’État, économies budgétaires, restructurations rationnelles, on connaît..
4 – COUPER DANS les DEPENSES PUBLIQUES : « Identifier des mesures par une spending review dans chaque ministère et la rationalisation des dépenses non salariales ». Soit couper désormais dans les dépenses publiques, des ministères, sans toucher directement les salaires
5 – LIMITER les DEPENSES de SANTE : « Contrôler les dépenses de santé tout en améliorant la livraison, la qualité des services médicaux, et en garantissant un accès universel ». Pour réaliser cette mission impossible, faire plus en dépensant moins, le gouvernement sera « aidé par l'OCDE », connu pour pester contre les systèmes de santé publics trop coûteux …
6 – LUTTER contre les RETRAITES ANTICIPEES : Travailler à « l'unification du système de retraites, en éliminant les failles dans le système, les incitations qui conduisent à une augmentation excessive des retraites anticipées, en particulier dans les banques et le secteur public ». En pointant les abus réels, au nom de l' « égalité » et de la lutte contre les privilèges cela signifie faire accepter un recul de l'âge de départ à la retraite.
7 – REALISER DES ECONOMIES sur les CAISSES de RETRAITE : « Consolider les caisses de retraite de façon à réaliser des économies ». Comment, sans toucher aux pensions, ni aux personnels des caisses ?
8 – Un REVENU (très) MINIMIMUM GARANTI … contre les RETRAITES avant 65 ANS : « aider les employés entre 50 et 65 ans y compris par un revenu minimum garanti, afin de lever les incitations à prendre des retraites anticipées ». Autrement dit, plutôt un revenu minimum pour tous à 500 € qu'une retraite à 1 000 € !
9 – HAUSSE DE LA PRODUCTIVITÉ dans le PUBLIC sans HAUSSE SALARIALE : « Réformer la grille des salaires dans le secteur public, avec pour but de 'décomprimer la distribution des salaires' via des gains de productivité et des politiques de recrutement appropriés sans réduire les paliers salariaux actuels, mais en s'assurant que la facture des salaires dans le secteur public n'augmente pas ». Cela signifie, travailler plus (intensément), embaucher guère plus (voire moins), sans gagner plus !
10 – REDUIRE les AVANTAGE SOCIAUX Dans le PUBLIC : « Rationaliser les avantages non-salariaux, pour réduire la dépense globale dans le secteur public, sans mettre en péril le fonctionnement du secteur public, en accord avec les pratiques de l'UE ». Réduire les dépenses dans les services publics, comment, sans dégrader le service ?
11 – MAXIMISER la MOBILITE dans le SECTEUR PUBLIC : Promouvoir des mesures comme « l'amélioration des mécanismes de recrutement, encourager les nominations managériales au mérite, processus juste pour maximiser la mobilité des ressources humaines et autres dans le secteur public ».
12 – S'ENGAGER auprès des BANQUES BIEN GEREES : La Grèce est engagée « auprès des banques qui sont gérées sur des principes commerciaux/bancaires sains »
13 – ASSURER la STABILITE du SECTEUR BANCAIRE avec la BCE : « Utiliser le Fonds de stabilité financière héllénique et s'assurer, en collaboration avec la BCE, la Commission européenne et le SSM, pour s'assurer qu'il joue son rôle consistant à assurer la stabilité du secteur bancaire et ses prêts aux banques commerciales, tout en respectant les règles européennes de concurrence ».
14 – RESPECT des PRIVATISATIONS déjà réalisées : S'engager à « ne pas revenir sur les privatisations déjà actées. Là où le processus de contrat a été lancé, le gouvernement respectera le processus, conformément à la loi »
15 – MISSIONS de SERVICE PUBLIC dans les FIRMES PRIVATISEES : Préserver la « fourniture de biens publics fondamentaux par les firmes/industries privatisées » en conformité avec la « législation européenne » ;
16 – ENCORE PLUS DE PRIVATISATIONS : « Analyser les privatisations qui n'ont pas encore été lancées, avec en vue d'améliorer ses termes afin de maximiser les revenus à en tirer par l’État, améliorer la concurrence dans les économies locales, promouvoir la reprise économique nationale et stimuler les perspectives de croissance ;
17 – PLUS de PARTENARIATS PUBLIC-PRIVE : Adopter une approche « au cas par cas, avec l'accent mis sur les concessions sur le long terme, les partenariats public-privé et les contrats qui maximisent non seulement les revenus gouvernementaux mais aussi les perspectives d'investissement privé ».
18 – De l'EMPLOI TEMPORAIRE bon marché sur le dos des CHOMEURS : « Etendre et développer le schéma actuel qui accorde des emplois temporaires aux chômeurs »
19 – HAUSSE graduelle du SMIC … contre FLEXIBILITE : Lancer une « nouvelle approche intelligente des négociations salariales collectives qui balance besoins de flexibilité et justice. Cela inclut l'ambition d'augmenter les salaires minimum tout en préservant la compétitivité et les perspectives d'emploi .. l'ampleur et le timing des changements sur le salaire minimum sera fait en consultation avec les partenaires sociaux et les institutions européennes et internationales »
20 – DEVELOPPER la CONCURRENCE LIBRE et non-FAUSSEE : Supprimer les « barrières à la concurrence »,
21 – LUTTER contre la BUREAUCRATIE : Introduire des actions pour « réduire le fardeau administratif de la bureaucratie », dont « une législation qui interdit les administrations publiques de demander des documents que l'Etat possède déjà ».
22 – DEMANTELER les PROFESSIONS REGLEMENTEES : « Poursuivre les efforts pour lever les restrictions disproportionnées et injustifiées dans les professions réglementées, dans le cadre de la stratégie générale pour frapper les intérêts corporatistes » ;
23 – LIBERALISER le MARCHE de l'ENERGIE, respect des DIRECTIVES de l'UE : « Aligner la législation du marché du gaz et de l'électricité avec les bonnes pratiques et la législation de l'UE ».
24 – DEVELOPPER les BONS ALIMENTAIRES : Répondre aux besoins … « nés de la montée de la pauvreté absolue par des mesures non-pécuniaires fortement ciblées (ex : bons alimentaires) »
25 – UN REVENU MINIMUM GARANTI pour TOUS … sans DEPENSES SUPPLEMENTAIRES : Évaluer « le schéma de Revenu minimum garanti en vue de l'étendre nationalement », ce qui doit se faire « sans aucun impact fiscal négatif »
Les dirigeants européens n'ont pas sauté au plafond, ils ont considéré le document comme « un bon point de départ ». Un bon point de départ pour continuer à faire payer plus le peuple grec jusqu'à l'agonie, les faire payer une dette indue pour soutenir l'Euro de la misère.
Combien de temps va encore durer l'agonie du peuple grec, sa duperie fondamentale ? Combien de temps avant de poser la seule et vraie question : remettre en cause l'euro et l'UE, refuser de payer la dette, faire payer les riches en Grèce comme ailleurs.
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