Yanis Varoufakis : “Ce n’est pas l’heure pour les jeux en Europe”. "Les crises".
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Yanis Varoufakis : “Ce n’est pas l’heure pour les jeux en Europe”. "Les crises".
lucien-pons.over-blog.com
18 février 2015 Yanis Varoufakis : “Ce n’est pas l’heure pour les jeux en Europe” Intéressante tribune du ministre grec des finances… (on peut discuter de sa vision, mais dites donc, il doit faire tâche dans les réunions européennes lui qui sait vraiment de quoi il parle…) Un mot sur la crise : je suis quand même très surpris de la naïveté des commentateurs sur les stratégies cachées des acteurs. Et je pense surtout à un : l’Allemagne. On constate qu’elle est extrêmement rigide, mettant clairement en danger un accord. MAIS je vois peu d’analystes se demander si ce n’est tout simplement car elle ne veut plus de l’euro : ça a été un système optimal pour elle, mais elle comprend bien qu’il n’est pas durable et que la transition entre ces 2 modes est proche, et qu’elle devra donc financer les autres pays bien plus qu’auparavant. Le tout dans un cadre où la BCE prend des décisions contraires à la vision et aux intérêts allemands (je rappelle que la Bundesbank a attaqué la BCE devant les tribunaux – une paille !!!). Il serait donc tout à fait rationnel pour l’Allemagne de vouloir sortir de l’euro (pour le surcout futur du mark, eh bien oui, ce sera moins bien pour elle qu’aujourd’hui, mais pas très différent d’avant hier où le pays se portait fort bien). Mais le poids de l’Histoire ne permet pas à l’Allemagne de tenir ce discours. Il lui faut donc rejeter la faute sur d’autres, et la Grèce est une occasion qui risque de ne pas se reproduire de sitôt. Ainsi, il se peut bien que la question actuelle soit “L’Allemagne veut-elle encore de l’euro ou pas” – réponse d’ici la semaine prochaine… P.S. c’est mal enclenché : “Dialogue de sourds ou bras de fer tendu? Au lendemain de l’échec de la réunion de l’Eurogroupe au sujet de la Grèce, les Etats européens et l’Etat grec campent toujours sur leurs positions. Les premiers exigent d’Athènes le prolongement du programme de redressement, tandis que le gouvernement dirigé par Alexis Tsipras refuse de repartir sur les mêmes bases. Mardi, une source gouvernementale a indiqué que la Grèce «n’acceptera pas d’ultimatum». «Le gouvernement grec est déterminé à honorer le mandat populaire et l’histoire de la démocratie en Europe», ajouté cette même source, qui assure que le texte présenté lundi soir lors de la réunion des ministres des Finances de la zone euro «comprenait des points qu’Athènes ne pouvait pas accepter, comme l’extension technique de six mois du programme actuel, qualifiée d’étape transitoire». Selon cette source, le texte proposé par Athènes lors de cette réunion comprenait des «mesures visant à adopter un système d’imposition plus juste, à limiter les répercussions de la crise humanitaire ainsi que des mesures pour l’allégement de la dette». «Ces points, assure la source, sont les bases pour une extension de l’aide actuelle qui pourrait prendre la forme d’un programme intermédiaire de quatre mois, qui sera une phase transitoire vers un accord qui va conduire à la croissance en Grèce.» De leur côté, l’Europe continue de se montrer inflexible. «Il n’y a pas de plan B» dans le cadre des négociations avec la Grèce, a notamment assuré mardi le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici. «Le plan A, pour la Commission, c’est un accord à 19 [au sein de la zone euro]. C’est le seul sur la table», a renchéri le porte-parole de la Commission, Margaritis Schinas. «Il faut passer de l’idéologie à la logique», a-t-il dit à l’adresse des Grecs, en reprenant une formule de Pierre Moscovici. La Commission européenne s’est dite mardi «dans une recherche de solution à 19», et a promis de «jouer son rôle de facilitateur». Elle a toutefois démenti l’existence d’un document que les Grecs étaient à deux doigts de signer la veille, comme l’a affirmé le ministre des Finances, Yanis Varoufakis. «Il y a eu des documents élaborés, mais aucun document mis sur la table, et donc aucun document rejeté par la Grèce», a renchéri le Français, Michel Sapin. Pour les Européens, la seule option viable est une extension du programme d’aide grec en cours, qui expire le 28 février. La zone euro a fixé un ultimatum à Athènes jusqu’à vendredi et souhaite qu’elle fasse une demande formelle par lettre, selon plusieurs sources proches du dossier. «Le seul terrain connu qui permette d’avoir un peu de temps, de tranquillité et de calme, c’est la prolongation du programme précédent. C’est un travail qui doit continuer pour aller jusqu’au bout dans les quelques heures qui restent», a averti Michel Sapin. Une extension du programme de redressement grec comporterait la «flexibilité que les règles comportent», a-t-il souligné.” Source “Ce n’est pas l’heure pour les jeux en Europe” Par Yanis Varoufakis. Article paru dans le New YorkTimes, le 17 février 2015: No Time for Games in Europe [traduction: JFG/OG-QuestionsCritiques] ATHÈNES — J’écris cet article en marge d’une négociation cruciale avec les créanciers de mon pays – une négociation dont le résultat pourrait marquer toute une génération, et même s’avérer être le tournant décisif de l’expérience européenne d’une union monétaire. Les théoriciens des jeux analysent les négociations comme si elles étaient des jeux où des joueurs purement motivés par leur intérêt personnel se partagent un gâteau. Parce que j’ai passé de nombreuses années durant ma précédente vie en tant que chercheur universitaire à étudier la théorie des jeux, certains journalistes ont présumé hâtivement que, en tant que nouveau ministre des finances de la Grèce, j’élaborais activement des bluffs, des stratagèmes et des options de sortie, m’efforçant au mieux d’améliorer une mauvaise main. Rien ne pourrait être plus loin de la vérité. Mon expérience en matière de théorie des jeux m’a plutôt convaincu de la pure folie que ce serait d’imaginer que les délibérations actuelles entre la Grèce et nos partenaires sont un jeu de marchandage qui peut être gagné ou perdu au moyen de bluffs et de subterfuges tactiques. Le problème avec la théorie des jeux, comme je le répète à mes étudiants, est qu’elle présume que les motivations des joueurs vont de soi. Au poker ou au black-jack cette supposition ne pose aucun problème. Mais dans les délibérations actuelles entre nos partenaires européens et le nouveau gouvernement de la Grèce, ce dont il s’agit est de changer les motivations des uns et des autres. De faire naître un nouvel état d’esprit qui soit capable de transcender les divisions nationales, d’abattre la distinction entre créancier et débiteur au profit d’une vision pan-européenne, de placer le bien commun européen au-dessus des considérations dogmatiques de la politique politicienne, toxiques si on ne leur tient pas la bride, et de rompre avec la vision manichéenne de la politique européenne. La grande différence entre ce gouvernement et les gouvernements grecs précédents est double : nous sommes déterminés à entrer en conflit avec les puissants intérêts particuliers afin de permettre à la Grèce de redémarrer et de gagner la confiance de nos partenaires. Nous sommes également déterminés à ne pas nous laisser traiter comme une colonie fiscale à laquelle certains peuvent imposer comme bon leur semble toutes les souffrances qu’ils jugent nécessaires. Le principe qui demande l’imposition de l’austérité la plus sévère à l’économie la plus déprimée serait ridicule s’il n’était la cause d’autant de souffrance inutile. On me demande souvent : et si la seule façon d’obtenir un financement est de franchir vos lignes jaunes et d’accepter des mesures que vous considérez comme faisant partie du problème, plutôt que partie de la solution ? Fidèle au principe selon lequel je n’ai pas le droit de bluffer, ma réponse est la suivante : les lignes que nous avons présentées comme étant jaunes ne seront pas franchies. Autrement, elles ne seraient pas vraiment des lignes jaunes, mais seulement du bluff. Mais si cela devait amener encore plus de souffrance à votre peuple ? me demande-t-on. Vous devez certainement bluffer. Le problème avec cet argument est qu’il présuppose, comme le fait la théorie des jeux, que nous vivons dans un monde où l’on est entravé par la peur des conséquences. Dans un monde où il n’existe aucune circonstance où nous devons faire ce qui est juste, non pas en tant que stratégie, mais simplement parce que c’est… juste. Contre un tel cynisme, le nouveau gouvernement grec innovera. Nous mettrons un terme, quelles qu’en soient les conséquences, aux accords qui sont mauvais pour la Grèce et pour l’Europe. Le jeu « étendre et prétendre » [étendre les dettes et prétendre que tout va bien – NdT] qui a commencé après que la dette de la Grèce est devenue telle, en 2010, que notre pays ne pouvait plus l’honorer, s’arrêtera. Plus de prêts – pas tant que nous n’aurons pas un plan crédible pour faire repartir l’économie afin de rembourser ces prêts, aider la classe moyenne à se relever et régler cette effroyable crise humanitaire. Finis les programmes de « réformes » qui visent les retraités pauvres et les pharmacies familiales tout en laissant intacte la corruption à grande échelle. Notre gouvernement ne demande pas à nos partenaires un procédé pour ne pas rembourser nos dettes. Nous demandons quelques mois de stabilité financière qui nous permettront de nous atteler aux réformes que la population grecque dans son ensemble peut faire siennes et soutenir, afin de faire revenir la croissance et mettre fin à notre incapacité de payer ce que l’on doit. On pourrait penser que ce recul par rapport à la théorie des jeux est motivé par quelque radical programme gauchiste. Ce n’est pas le cas. La principale influence est Emmanuel Kant, le philosophe allemand qui nous a enseigné que les hommes rationnels et libres échappent à l’emprise de l’opportunisme en faisant ce qui est juste. Comment savons-nous que notre modeste programme politique, qui constitue notre ligne jaune, est juste selon la formulation de Kant ? Nous le savons en regardant dans les yeux les gens affamés dans les rues de nos villes ou en cont