Alors que la Russie commence à construire un gazoduc à travers la Macédoine qui pourrait former la base d’une version révisée du projet South Stream, le Président hongrois est en pourparlers avec Erdogan sur le financement de cet énorme projet.

 

Tous ont dans les Balkans déploré l’annulation du projet « South Stream », en décembre dernier. Cependant, la Russie a durement travaillé à un difficile lancement d’un projet alternatif, ici dénommé « Balkan Stream ». Le but serait de le connecter au « Turk Stream », le gazoduc russe en Turquie, qui débouche dans la région de Thrace, au feu projet abandonné « South Stream » qui était déjà prévu en Serbie, en Hongrie, en Autrichie et aux autres partenaires. Pour ce faire, il faudrait relier le Turk Stream aux restes du South Stream en effectuant un détour passant par la Grèce et la Macédoine pour compenser l’exclusion de la Bulgarie. Même si une telle stratégie était auparavant seulement des paroles, l’eau a coulé sous les ponts (et le béton a durci) et des mesures ont été prises cette semaine pour transformer tout cela en une réalité bien plus palpable, qui n’aurait pas été possible si la Macédoine n’avait pas repoussé la tentative de Révolution de Couleur visant à saboter le projet entier.

 
Étape par Étape
 

La raison, pour laquelle le Balkan Stream a été conçu, est en premier lieu parce que son prédécesseur, le South Stream, a été abandonné en décembre dernier. La Russie a pris cette décision après que la Bulgarie (influencé par l’UE agissant au nom des Etats-Unis), ait annoncé qu’il était impossible de construire le pipeline à travers son territoire en raison du trop grand nombre de questions politiques et juridiques qui étaient en jeu.

 

À l’époque, l’auteur (Andrew Korybko) a été la première personne à écrire qu’un itinéraire de remplacement pourrait éventuellement passer par la Grèce et la Macédoine, ce qui mènerait à la résurrection du projet et à sa réalisation, s’appuyant sur la demande d’énergie en Europe, qui a motivé la création d’un gazoduc sur la façade sud européenne en premier lieu. La Russie a été rapide, et après l’annulation du premier projet, et quasi au même moment, avait été annoncé « Turk Stream » pour le remplacer en partie. Ce pipeline voyage sous la Mer Noire tout comme South Stream avait été prévu, mais plutôt que d’atteindre la Bulgarie, il arrive sur les terres de la Turquie. À partir de là, le gouvernement russe a déclaré que les nations européennes pourraient acheter du gaz à partir d’un terminal à la frontière gréco-turque, dans ce qui a été interprété comme un vague soupçon que ces achats pourraient être du GNL (gaz liquéfié) ou peut-être même le début d’un nouveau pipeline.

 

Mi-décembre, Vladimir Poutine a officiellement proposé au cours de sa conférence de presse annuelle que le détour gréco-macédonien pourrait représenter une solution après  l’annulation de South Stream, pourvu qu’il y ait de l’intérêt dans cette proposition. Cette position a été reprise par le Ministre hongrois des Affaires Étrangères à la mi-janvier, quand il a dit que son pays était prêt à soutenir le projet. Interprétant cela comme un feu vert pour aller de l’avant, Poutine a discuté de la question avec Viktor Orban lors de sa visite à Budapest, le mois dernier. Cette semaine a été la plus monumentale en termes de développement réel des progrès sur le projet, car Stroitransgaz, l’une des sociétés impliquées dans l’original South Stream, a annoncé jeudi qu’elle serait pour la construction d’un gazoduc à travers la Macédoine, dont la construction est prévue pour le début de ce week-end et devrait être achevé d’ici l’été prochain. Ce même jour, le Président hongrois, lors d’une visite de quatre jours en Turquie, a parlé avec M. Erdogan au sujet d’un plan de financement pour le projet, et un jour après, le Ministre macédinien des Affaires Étrangères a effectué une visite officielle en Turquie, où il est prévu qu’il sera de discuter de cette question. À travers ces séries d’étapes diplomatiques, les Balkans sautent de fait du papier à la pratique.

 
L’Échec de la Révolution de Couleur
 

Ce n’était pas censé se produire, du moins pas si les Etats-Unis avaient obtenu ce qu’ils cherchaient en Macédoine, le mois dernier. Comprenant que c’est le frein majeur à travers lequel le Balkan Stream devrait passer, un goulot d’étranglement, Washington voulait organiser un coup d’état dans le pays afin d’installer un nouveau dirigeant, qui rejette le projet afin de mettre fin aux plans dans la région, et affaiblir la fiabilité du transit de l’énergie. Nikola Gruevski, Premier Ministre de la Macédoine, avait auparavant rompu les rangs avec ses partenaires de l’UE refusant de sanctionner la Russie, ceci dans un spectacle de rébellion auquel les Etats-Unis ont estimé qu’ils devaient absolument mettre fin. Ces quelques dernières années, les USA gardait à l’oeil, l’ancien chef des services de renseignements, Zoran Verushevsky, afin d’écouter illégalement plus de 20 000 personnes dans le petit pays de 2 millions d’habitants, y compris des politiciens, des journalistes et des citoyens. Quand il est devenu clair à la fin de l’été dernier que sur South Stream, la Bulgarie était entrain de donner des réponses évasives (négatives) et qu’une nouvelle route devrait probablement être trouvée (qui comme la géographie dicte la chose, aurait évidemment dû passer par la Macédoine), c’est à ce moment là qu’a été activé la cellule de renseignement (en Macédoine) afin de contrecarrer ces plans, juste au cas où le gouvernement serait aller de l’avant dans ces plans pour le futur.

 
gazoduc soutstream
Des tuyaux de gaz, passeront-ils en Macédoine?
 

Zoran Zaev, le leader de l’opposition, a remis les copies de bandes d’écoute illégales afin de faire chanter le gouvernement, ceci à partir de septembre – novembre 2014. Lorsque Gruevski a refusé de céder au chantage, Zaev l’a menacé d’aller tout raconter en public avec les écoutes et d’accuser le gouvernement d’être coupable, en affirmant qu’ils contenaient aussi des informations politiques embarrassantes, tout en insinuant que cela pourrait conduire à une Révolution de Couleur. À la fin de janvier, les services de sécurité macédoniens ont finalement arrêté Verushevky et quelques autres conspirateurs sous accusation de fomenter un coup d’état, et Zaev a vu son passeport confisqué pour l’empêcher de fuir, tandis que l’enquête était en cours. Le fils de Verushevsky a même tenté de détruire l’ordinateur de son père avant que la police ne l’arrête, mais les autorités ont été en mesure d’accéder aux données en récupérant le disque dur et de récupérer les conversations de Skype où Verushevky et un autre conspirateur ont même parlé d’un commencement de guerre civile dans le pays en tant que résultat dans le chantage des « révélations ».

 

Zaev tenta de créer une véritable Révolution de Couleur, le mois dernier en encourageant les gens à se réunir dans les rues et à manifester contre le gouvernement, il a échoué à recueillir une masse suffisante et cohérente, montrant que la plupart des Macédoniens ont vu à travers son tour de passe-passe rien d’autre qu’une tentative de coup d’état style ukrainien. En voyant les choses encore plus loin, les deux partis albanais dans le pays (dont les filiales sont estimées constituer un quart de la population) se sont montrés fort éloignés de Zaev, réduisant ainsi les perspectives d’un retour à 2001, où les violences interethniques avaient secoué le pays, ce qui aurait préparé le terrain pour la guerre civile que les conspirateurs préparaient. La Russie a senti évidemment que la combinaison de l’action gouvernementale, de la loyauté des albanais et le soutien populaire allaient permettre de stabiliser la situation, car les russes ne seraient pas aller de l’avant avec la construction du pipeline à travers la Macédoine, s’ils avaient pensé qu’ils pouvaient être mis en danger par une Révolution de Couleur. Par conséquent, on peut interpréter cela comme la reconnaissance par Moscou, que Washington a finalement échoué.

 
Les batailles à venir
 

En dépit de l’échec patent de Zaev vers la déstabilisation, de graves menaces restent susceptibles de mettre en danger la viabilité du Balkan Stream. Dans la plupart des cas, il faudra traiter avec de la probabilité de la Hongrie et de la Serbie a aussi subir des Révolutions de Couleur similaires (ou une résurgence de l’instabilité en République de Macédoine), ainsi que la fragilité du gouvernement grec. Aussi, un plan doit être élaboré sur la façon dont le pipeline va se conformer au fameux « troisième paquet énergie de l’UE » (qui exige la séparation des fournisseurs et distributeurs d’énergie), car le rejet de la construction de South Stream, a été officiellement basé sur cette excuse, et il faudra donner des réponses plus précises aux questions évasives de l’année dernière. Ces difficultés peuvent être surmontées, ce qui est tout à fait possible, car ce Balkan Stream a le potentiel d’enrichir la région et de s’assurer à l’Europe sa stabilité dans le transit de l’énergie pour les décennies à venir.

 
Andrew Korybko | 13 mars 2015

Article original  : http://sputniknews.com/columnists/20150313/1019461125.html