Pour un anticapitalisme laïque : la République sociale
Pour un anticapitalisme laïque : la République sociale
Mardi 10 mars 2015
Par Évariste
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Après l’espoir de la présidentielle de 2012 ouverte par l’Autre gauche, 2014 a sonné le désastre des gauches largement analysé par notre journal dans toutes ses chroniques d’Evariste depuis le 25 mai 2014. Mais janvier 2015 a pulvérisé ce qui restait d’espoir que l’Autre gauche française actuelle puisse construire une alternative au mouvement réformateur néolibéral, laissant comme choix au grand patronat soit la continuation de l’alternance néolibérale PS-UMP soit la reconfiguration d’une nouvelle alliance droite – extrême- droite.
Sur les assassinats des 7, 8, 9 janvier, il faut rappeler que des Français ont tué d’autres Français. Que ceux qui ont été assassinés l’ont été parce qu’ils étaient athées attachés à la liberté d’expression, parce qu’ils étaient policiers, parce qu’ils étaient juifs. Et suite à cela, nous avons vécu une montée des incivilités et des discriminations envers les juifs et les musulmans. Alors qu’il y a eu un gigantesque mouvement populaire lors des rassemblements spontanés des 7, 8 et 11 janvier dont la signification principale était la volonté d’un vivre ensemble entre athées, agnostiques, catholiques, protestants, juifs, musulmans, bouddhistes et autres grâce au principe d’organisation sociale et politique qu’est la laïcité. Et ce n’est pas la triste instrumentalisation politico-médiatique des chefs d’Etat et des médias dominants qui peuvent « cacher », notamment en province, ce gigantesque rassemblement populaire.
Mais peu de commentateurs, peu de responsables politiques, syndicaux ou associatifs sont sortis des systèmes simplistes de la causalité unique.
Les gauches dans la tourmente
Le gouvernement et l’alliance PS-PRG espèrent résoudre la séquence des assassinats par l’imposition « d’un catéchisme républicain » à une école à plusieurs vitesses pilotée par les exigences du grand patronat. Autant dire que ce cataplasme aura les mêmes conséquences pour la société que les politiques d’austérité pour la dette publique. Présentée pour résoudre le problème, elle ne fera que l’empirer.
Quant à l’Autre gauche, elle est disloquée. Car une partie de celle-ci (les directions du PCF, d’Ensemble, du NPA, de Solidaires et d’Attac, Médiapart) s’est mise à la remorque de l’obscurantisme religieux et de l’ultra-communautarisme.
Les signatures de l’appel au meeting contre « l’islamophobie » du vendredi 6 mars 2015 à Saint-Denis sont éloquentes de ce point de vue. Tous sont hostiles au principe d’organisation sociale et politique qu’est la laïcité. C’est leur point de rassemblement. En ligne de mire, l’interdiction des signes religieux à l’école qui, rappelons-le, a été décidée par le Front populaire avec les trois circulaires de 1936-1937 du ministre laïque Jean Zay. La loi du 15 mars 2004 n’ayant permis que de revenir aux circulaires de Jean Zay suite à l’article 10 de la loi d’orientation scolaire de Jospin de 1989 que le Conseil d’Etat a utilisé pour annuler les circulaires du Front populaire.
On trouve dans cette liste des activistes du communautarisme musulman proche de l’organisation internationale des Frères musulmans (Union des organisations islamiques de France – UOIF et une myriade d’organisations proches de l’UOIF). De nombreux signataires de ce meeting ont milité avec l’extrême droite catholique lors de la « Manif pour tous » contre le mariage pour tous. Les extrêmes droites religieuses se rapprochent : rien que du normal. Plusieurs organisations signataires sont hostiles au droit à l’avortement et sont misogynes et homophobes.
On trouve des organisations proches des partis dominants islamistes et néolibéraux comme Ennahda en Tunisie, l’AKP en Turquie ou l’ancien Parti Liberté Justice de l’ex-président égyptien Morsi, dignitaire de l’organisation des Frères musulmans. On trouve des organisations ultra-communautaristes anti-laïques et anti-républicaines comme « les Indigènes de la république » et une myriade d’autres organisations proche d’elles. Des organisations proches des frères Tariq et Hani Ramadan ou des prédicateurs islamistes Iquioussen et Qaradawi sont là. L’UOIF a déjà invité à son congrès Christine Boutin, Soral et Dieudonné. Plusieurs organisations ayant présenté des candidats se revendiquant d’une religion aux élections françaises font partie de la liste des signataires. On trouve même une organisation PSM (Participation et Spiritualité musulmanes) qui participe aux événements de l’organisation d’extrême droite catholique Alliance Vita (voir le texte de Hassan Aglagal dans ce numéro).
C’est avec ce bloc communautariste et islamiste que nous retrouvons les directions du PCF, d’Ensemble, du NPA, de Solidaires et d’Attac. Avec la direction du PCF qui déclare avoir signé mais n’enverra pas de responsables. Comprenne qui pourra.
Par exemple, comment peut-on en même temps soutenir le Front populaire tunisien (troisième force politique du pays ouvertement dans l’opposition) et signer en France avec les amis du parti islamiste néolibéral Ennahda de la majorité gouvernementale tunisienne ? La réalité est que dans ces organisations, janvier 2015 entraîne chez eux une radicalisation communautariste anti-républicaine. Voilà une raison de plus qui poussera ces organisations dans la marginalité parce que la grande majorité du peuple français (et encore plus la classe populaire ouvrière et employée majoritaire dans le peuple français) ne souhaite pas l’installation en France du communautarisme anglo-saxon et du système représentatif anti-démocratique issu notamment des propositions de Sieyès (1748-1836).
Rassembler les partisans de la République sociale
Mais critiquer ce désastre des gauches ne suffit pas plus que d’être indigné. Encore faut-il œuvrer au démarrage d’un processus visant à un rassemblement anticapitaliste laïque conséquent, qui est une condition nécessaire quoique non suffisante à l’ouverture d’une perspective de transformation sociale et politique capable de rassembler in fine le peuple et notamment la classe populaire ouvrière et employée. Alors quelles sont les tâches de l’heure ? Engager partout en France des moments de débats sur la République sociale1, seul modèle alternatif crédible aujourd’hui au « mouvement réformateur néolibéral ». Débats sur ses principes constitutifs, ses ruptures nécessaires, ses exigences indispensables, sur sa stratégie de l’évolution révolutionnaire.
- Voir les deux tomes de « Penser la République sociale pour le 21ème siècle » de Pierre Nicolas et Bernard Teper, Eric Jamet Editeur. [↩]