Décidément, les Soviets n’ont fait que changer de localisation. De la feue URSS, ils ont gagné, attendant deux décennies durant leur heure, le sol français.
Ce constat n’est saugrenu qu’à première vue: comment expliquer, ratio à l’appui, que la Fondation Jean-Jaurès, think-thank du PS, ait publié une liste discriminatoire énumérant les sites et personnalités de la complosphère internationale? Son but: leur clouer à tout jamais le bec.
On se souviendra que le 27 janvier 2015, rendant hommage aux victimes de la Shoah, François Hollande avait mis sur un pied d’égalité la nazisme et le conspirationnisme. Curieuse analogie du moment où les catégories mentionnées dans le document sont d’une extraordinaire hétérogénéité et que la nouvelle définition donnée aux théories dites conspirationnistes actuelles inverse la relation de cause à effet établie.
Concrètement: sont adeptes du complot ceux qui soutiennent Chavez et Poutine, les militants d’extrême-gauche, les nationaux-révolutionnaires, les ultra-nationalistes (nota: mais pas ukrainiens, si je comprends bien), les opposants aux vaccins, les révisionnistes du 9/11, les antisionistes, les bacharistes, les afrocentristes,les intégristes catholiques et islamistes (c’est vrai que l’EI et les lefebvristes, c’est du pareil au même), les adeptes de « médecines alternatives », les… j’allais rajouter « végétariens » mais y ai renoncé in extremis au bénéfice du doute. Bref, tout ce beau monde a droit aux soins attentionnés du PS français. Si l’occasion se présentait, ces gens-là seraient certainement soumis à une mesure d’injonction thérapeutique en tant que psychopathes ou schizophrènes.
Parmi les catégories citées, il y en a une qui semble particulièrement compromettante, celle des grands sceptiques quant au scénario officiel du 9/11. Si M. Hollande voulait véritablement relier d’un trait d’union ce que l’on appelait à l’époque le complot juif et l’Holocauste, il aurait fallu éviter la mention du 9/11 vu que la version officielle est à l’origine du chaos dans lequel le Moyen-Orient s’est retrouvé plongé. Qui plus est, personne n’a jamais pu s’expliquer le mystère du 3ème avion qui aurait percuté le Pentagone et personne ne s’est jamais vraiment attardé sur l’identité des pilotes-kamikazes dont on a voulu faire des néophytes malgré les manoeuvres extrêmement complexes qu’ils ont pu effectuer à très basse altitude. On ne pouvait donc trouver plus mauvaise référence! Il n’est pas exclu que de bonnes questions posées au bon moment auraient pu garantir l’Irak du sort tragique qui lui échut ultérieurement.
En ce qui concerne Poutine et Assad, le paroxysme de la médiocrité réflexive frise le comique. Thomas Sotto, animateur d’Europe 1, interrogeait tout récemment Roland Dumas en lui demandant entre autres s’il trouvait, premièrement, qu’il fallait collaborer avec Assad dans la lutte anti-EI, deuxièmement, comment est-ce qu’il fallait « traiter » Poutine. Obtenant des réponses assez prévisibles — « plus que jamais » pour la première, « j’ai une certaine admiration pour Poutine » pour la seconde — M. Sotto s’exclame: « Vous êtes à contre-courant, vous! ». Nous sommes en plein dans la logique de la Fondation Jean-Jaurès qui anathématise ceux qui soutiennent Assad — collaborer avec Assad revient à le soutenir ne serait-ce que dans une lutte commune contre le Califat en gestation — et les admirateurs « inconditionnels » du Président russe. Dans un même temps, on apprend que Kerry envisage des négociations avec le grand méchant Assad voyant en lui un rempart contre l’EI! De deux choses l’une: soit les USA négocient avec le diable ce qui revient à le soutenir, soit Assad n’est pas ce diable infréquentable qu’on entendait faire de lui! Lorsque des députés et des parlementaires français s’étaient rendus fin février à Damas, ils avaient été traités en hérésiaques. Lorsque, trois semaines plus tard, le ministre des Affaires étrangères US entreprend une démarche similaire, il semble être dans son bon droit. Il est vrai qu’il est question de rencontrer « des représentants du régime syrien » et non pas « un dictateur brutal sans avenir » mais cela étant, peut-on rencontrer M. Moscovici et Mme Vallaud-Belkacem en disant mépriser M. Hollande? Heureusement que le ridicule ne tue pas.
Ainsi, Roland Dumas est conspirationniste au même titre que, par exemple, Marie-France Garaud, une gaulliste qui en tant que telle a le malheur d’être très attachée à l’idée de souveraineté nationale. D’ailleurs, tous les gaullistes de France sont des complotistes et des semeurs de haine! C’est à craindre que la Fondation Jean-Jaurès ne manque tôt ou tard d’encens pour exorciser le Mal.
Comme rien n’est plus contagieux que l’exemple, voici qu’une certaine Agnès Lecomte s’exprimant sur les pages de Libération a publié une liste noire de Français collabos soutenant la cause novorossienne. Certains d’entre eux avaient été gratifiés d’épithètes peu flatteuses relevant d’un procédé assez peu noble connu en rhétorique sous le nom d’argumentum ad hominem. Ceux qui se souviennent encore de la France sous l’Occupation devraient en avoir des frissons le procédé déployé étant quasi-identique. Manifestement intimidée par la réaction immédiate qu’a suscitée sa publication, cette brave journaliste a d’abord enlevé sa photo de profil sur facebook, ensuite supprimé son compte. Il est facile de dénoncer ses concitoyens sans sortir des locaux de Libé mais sans doute moins facile d’en assumer les conséquences. En tout cas, nous remercions notre consoeur du travail scrupuleux qu’elle a effectué, élargissant providentiellement nos maigres annuaires.
S’il y a encore un défaut à relever — et pas des moindres, on y revient — c’est la définition même du terme conspirologie ou complot. Est considéré comme tel ce qui tient lieu de « récit alternatif » concurrençant la « version officielle ». L’adjectif « officiel » n’a aucun poids puisqu’il côtoie le terme « version ». Que l’on soit donc dans la « conspirologie » ou dans le discours officiel, on reste coincé dans le champ sémantique de la version avec tout le subjectivisme qui lui est propre. Pourquoi devrais-je croire un journaliste du Monde qui m’impose une vérité toute figée et ne pas croire un Thierry Meyssan ou un Etienne Chouard qui par leur questionnement inlassable ouvrent des horizons de réflexion? De quelle liberté d’expression peut-on encore parler quand l’esprit de la Pravda plane sur l’ensemble des médias officiels français?
Cette propension à dresser des listes discriminatoires encourageant les dénonciations n’est pas attribuable à la créativité du PS et de ses think-thank. Elles reprennent une note rédigée en 2008 par le professeur Cass Sunstein, conseiller du président Obama et auteur de « Conspiracy Theories and Others Dangerous Ideas ». On y apprend par exemple que ceux qui diffusent des « théories conspirationnistes » devraient verser « une sorte de taxe financière ou autre ». Il promeut en outre le principe d’ «infiltration cognitive » dans les groupes concernés ce qui suppose un travail de très longue haleine démontrant bien que les versions dites officielles sont plus fragiles que jamais. Il faut maintenant attendre pour voir quels fruits va porter l’initiative de Jean-Jaurès en France mais ce qui est certain, c’est qu’elle dessert grandement les intérêts du PS.
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