Bonjour Cécile, tout d’abord avant de commencer notre entretien, pouvez-vous nous dire quelques mots à propos de vous ?
Je suis infirmière depuis sept ans. J’ai exercé dans de nombreux hôpitaux parisiens et je suis ici parce que je m’y sens plus utile qu’en France. Je suis partie de Paris le 31 janvier en compagnie d’un autre compatriote, volontaire pour le Donbass. Nous sommes passés par Moscou ou une organisation était censée prendre en charge et organiser notre trajet jusqu’à Donetsk. Cette organisation s’est révélée être défectueuse. Je dois donc ma présence ici à mon compatriote qui a davantage l’expérience de ce genre de situations, et qui a su prendre les bonnes décisions aux bons moments, afin que ns arrivions par nos propres moyens. A Donetsk nous avons été rejoints par d’autres volontaires français, présents depuis plusieurs mois dans le Donbass. Deux d’entre eux m’accompagnent en ce moment pour apporter notre aide à l’hôpital, les autres ont rejoint d’autres régiments
Vous êtes arrivée dans le Donbass il y a quelques semaines, pouvez-vous nous dire pourquoi vous-êtes partie et la nature de votre engagement pour les gens qui vivent là-bas ?
Pourquoi le Donbass ? Parce qu’il fait partie de l’Europe et qu’en tant que française je me sens concernée par le sort d’autres Européens. Parce que les medias occidentaux atteignent ici des records de désinformation et de matraquage médiatique. En France on entend un peu parler de l’Ukraine quand il s’agit de l’agitation diplomatique des différents chefs d’Etat, en dehors de cela, rien sur les medias officiels. Les victimes civiles sont ignorées, de même que les populations devant fuir les théâtres d’opérations. Mais aussi parce que j’apprécie la civilisation russe, sa culture très riche, et également son sens du sacré, très développé dans la religion orthodoxe. J’apprécie également la composante slave du peuple du Donbass, cette mentalité qui leur permet d’affronter le quotidien, quel qu’il soit, de manière digne et volontaire, sans lamentation et plaintes excessives. Et ce, d’autant plus que ma mère a des origines slaves.
Vous êtes infirmière, vous travaillez dans un hôpital, quelles sont les conditions de travail et la situation sanitaire dans le Donbass ?
Les conditions de travail à l’hôpital de Donetsk se maintiennent au niveau du personnel comme au niveau des locaux. Et ce malgré le départ de plusieurs membres de l’équipe lors du début du conflit, et des traces d’impact bien présentes dans l’hôpital. C’est au niveau du matériel que le manque se fait ressentir. Plus particulièrement au niveau de l’oxygène. Plusieurs patients auraient pu guérir sous oxygène mais sont décédés à cause de l’absence d’oxygène. Le matériel à usage unique est également très rare et toute intervention de chirurgie ou prise en charge de réanimation devient difficile dans ces conditions.
De quoi manquez-vous particulièrement dans l’hôpital où vous travaillez ? Recevez-vous de l’aide extérieure ?
Des aides extérieures en provenance de la France ou de la Suisse sont en train de s’organiser, ms pour l’instant la seule aide humanitaire constatée est russe.
Quel est l’état d’esprit des populations, des malades et des blessés ?
Je suis arrivée depuis peu donc mon regard reste assez extérieur. Cependant les habitants de Donetsk qui restent semblent résignés sans être désespérés, ils continuent ce qu’ils ont à faire sans se lamenter sur leur sort. De même pour les patients, jusqu’à présent je n’en ai entendu aucun se plaindre, juste jurer sur Porochenko qui assassine ses propres populations civiles.
Comment se passe votre intégration dans l’équipe médicale, êtes-vous par ailleurs russophone ? Aviez-vous une connaissance particulière des pays slaves et de leur culture ?
J’ai reçu un excellent accueil à l’hôpital de Donetsk. La chef de service est très attentionnée et permet une adaptation rapide malgré la barrière de la langue. Les autres personnels sont également chaleureux et généreux, et il règne une bonne ambiance de service. Je n’avais pas cherché à imaginer ce qui m’attendait dans les hôpitaux du Donbass. Cela m’a sans doute permis de m’acclimater relativement rapidement à un matériel auquel je n’étais pas habituée, et a des exigences de soins différentes. D’un cote les soins sont réalisés avec moins de « fioritures » qu’en France car il y a une nécessité d’efficacité face à de gros traumatismes. D’un autre côté les patients peuvent se permettre de refuser ou retarder un soin ici, ce qui en France lui vaudrait une explication sur l’absence de self-service dans les soins. J’espère pouvoir participer à la mise en place d’aides humanitaires pour les hôpitaux, sachant que celui où je me trouve est l’un des mieux doté du Donbass.
Quant à la trêve, est-elle respectée et le calme est-il revenu là où vous vous trouvez ?
La trêve semble respectée dans le sens ou les bombardements sont moindres et éloignés, mais il n’y a pas de cessez-le-feu complet.
Avant votre passage dans le Donbass vous avez fait une halte à Rostov-sur-le-Don, vous avez donné un entretien pour une chaîne télévisée belge passablement manipulé par la suite, que pensez-vous du traitement des médias occidentaux de ce qui se passe dans le Donbass ?
Écœurant, comme tous les médias officiels occidentaux. Les propos ont été recueillis hors antenne et sortis de leur contexte. Que je sois décrite et résumée comme fasciste, intégriste… soit, en France, dès que l’on pense hors du système, on a droit à ces qualificatifs. Mais que ces journalistes, qui ont constaté de leurs propres yeux les souffrances de la population ; qui se sont rendus sur les lieux d’un attentat perpétré le jour même et ayant fait plusieurs victimes ; qui m’ont dit s’être sentis désemparés face à cette femme au regard hagard vivant avec ses deux enfants depuis deux jours dans l’obscurité de sa maison en rampant de pièces en pièces sous les bombardements tout proches ; que ce genre d’individus puissent être qualifiés de journalistes me dégoute. Ces individus font passer leurs propres intérêts matériels ou idéologiques avant le sort d’êtres humains. Cela même permet de douter de leur humanité
Auriez-vous à dire quelque chose à vos compatriotes français ?
Pour mes compatriotes, je leur conseille juste de se renseigner hors des médias officiels pour être au courant de la réalité. Ou si cela ne leur suffit pas, de venir sur place. Ils constateront ainsi par eux même l’absence de l’armée russe à l’Est, les victimes civiles de Porochenko, et le manque de moyens médicaux engendrant des pertes humaines supplémentaires.
Merci à vous d’avoir répondu à nos questions pour Novorossia.Vision, nous vous tirons notre chapeau pour votre engagement courageux et altruiste, bon courage à vous Cécile et à tous les gens du Donbass et d’Ukraine.
Propos recueillis par Laurent Brayard pour Novorossia Vision