Par Tyler Durden – le 18 avril 2015 – Source ZeroHedge
Au bord de l’insolvabilité et forcée de piocher dans les retraites et la plupart des autres fonds publics, face à un autre mois de lourds remboursements au FMI qui a invité même la Banque centrale européenne à spéculer, la Grèce pourrait introduire une monnaie parallèle IOU [pour I owe you, une reconnaissance de dette informelle]: un chevalier blanc est sorti de nulle part, qui pourrait lui offrir €5 milliards de trésorerie urgemment nécessaire. Le chevalier blanc n’est autre que Vladimir Poutine. «Ce n’est pas parce que la Grèce est criblée de dettes qu’elle est pieds et poings liés et qu’elle n’a pas de politique étrangère indépendante», avait déclaré Poutine précédemment.
Selon Der Spiegel, citant un haut responsable du parti au pouvoir Syriza, la Grèce s’apprête à signer un contrat gazier avec la Russie dès mardi, qui pourrait apporter jusqu’à €5 milliards dans les caisses vides de la Grèce.
Ce geste pourrait renverser la situation pour le pays surendetté, selon un haut responsable grec.
Reuters ajoute que lors de sa visite à Moscou au début de ce mois, le Premier ministre grec Alexis Tsipras a exprimé son intérêt à participer au gazoduc qui acheminerait le gaz russe en Europe via la Turquie et la Grèce.
Selon l’accord proposé, la Grèce recevrait des avances de fonds de la part de la Russie, basés sur les profits futurs liés au gazoduc. Le ministre grec de l’Énergie a dit qu’Athènes rembourserait Moscou après 2019, lorsque le gazoduc devrait commencer à fonctionner.
Les membres du gouvernement grec n’étaient pas immédiatement disponibles pour commenter l’article du Spiegel.
Bien sûr, pour ce qui est de la Grèce, la probabilité d’un remboursement effectif est négligeable: après tout, la probabilité pour que la Grèce fasse défaut est astronomique, et €5 milliards changeront peu de choses au processus de viabilisation de la dette grecque. Et Poutine le sait très bien.
Cependant, le dirigeant russe n’agit pas par bonté, il s’engage simplement dans un autre mouvement calculé visant à faire d’une pierre deux coups.
- Après la mort du South Stream, avec lequel l’Union européenne a fait pression sur la Bulgarie pour qu’elle refuse le passage du gazoduc russe vers l’Europe, la Russie avait besoin d’un itinéraire alternatif contournant entièrement l’Ukraine (et la Bulgarie), quelque chose qui pourrait avoir lieu, selon le plan du Kremlin, au cours des trois prochaines années. Avec la Hongrie et la Serbie, tout à fait désireuses de faire transiter le gaz russe vers le terminal central européen en Autriche, la Grèce était le lien manquant pour un transit terrestre. Avec cet accord, la Russie a le feu vert pour étendre le Blue Stream jusqu’en Autriche et préserver sa domination sur le marché de l’énergie européen tout en laissant l’Ukraine totalement hors des négociations.
- Tout aussi important peut-être, la Russie pourra apparaître soudain comme le généreux bienfaiteur volant au secours de la Grèce, et, à son tour, contrarier la zone euro et se concilier davantage l’opinion publique qui lui est favorable. Pour rappel, nous avions montré il y a quelques semaines que la cote de la Russie dans la population grecque est plus élevée que celle de la zone euro. De cette manière, la Russie a juste gagné un allié critique pour un prix très bas, seulement €5 milliards, sans même avoir à restructurer l’ensemble du bilan grec au cas où la Grèce serait sortie de l’euro et serait attirée dans l’Union économique eurasiatique. Ce qui signifie aussi que toutes les futures tentatives d’imposer de nouvelles sanctions à la Russie par l’Europe échoueront à cause du véto grec.
La Russie n’est pas seule à chercher à partager les dépouilles de l’eurozone en train de s’effondrer: Beijing a aussi cherché à investir dans les infrastructures grecques et a racheté pour €100 millions de la dette publique à court terme, selon un article du Telegraph de la semaine dernière.
Ironiquement, ce n’est personne d’autre que le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble qui a dit que les Grecs sont libres de poursuivre leurs accords avec la Russie et la Chine, en se précipitant pour éviter une faillite imminente. Il s’avère que les Grecs ont décidé de faire exactement ce que l’Allemand a suggéré, et le résultat ne sera certainement pas du goût de l’Allemagne.
La seule question qui découle de ce qui pourrait bien être un autre coup de maître de Poutine est ce que fera l’Europe maintenant que Poutine a, en l’espace de moins d’une année, non seulement annexé la Crimée mais totalement attiré la Grèce (et le cadeau méditerranéen gracieux de Chypre) à sa sphère d’influence.
* * *
Alors que nous sommes sûrs que les dirigeants européens seront désappointés par la carte jouée par la Grèce pour sortir de la prison de la Troïka grâce à la Russie, le peuple grec a déjà exprimé son avis sur celui auquel il fait le plus confiance…
Malgré toute la propagande occidentale…
Traduit par Diane, relu par jj pour le Saker Francophone