C'est « la dernière fenêtre ». De l’aveu même de l’Élysée, François Hollande tient l’ultime chance de mener un petit bout de la réforme institutionnelle promise lors de sa campagne. Mais plus question de parler du statut pénal du chef de l’État, de la proportionnelle ou du droit de vote des étrangers. De la « République exemplaire » de 2012, il ne reste que des bribes : vendredi, en plein cœur de l’été, le projet de loi de ratification de la Charte européenne des langues régionales a été adopté en conseil des ministres. Le président de la République pourrait convoquer le congrès de Versailles début 2016 pour l’adopter. Seule la réforme du Conseil supérieur de la magistrature pourrait également être proposée aux parlementaires.
La Charte européenne des langues régionales, adoptée en 1992 par le Conseil de l’Europe, traîne dans les tiroirs de l’exécutif depuis plus de vingt ans. En 1999, le président de la République Jacques Chirac et le premier ministre Lionel Jospin l’avaient partiellement signée, mais avaient renoncé à sa ratification après l’avis négatif du Conseil constitutionnel, convaincu que le texte mettait en péril la République. Depuis, il faut impérativement en passer par une réforme constitutionnelle, nécessitant la réunion d’un congrès et deux tiers des suffrages des parlementaires. Aucun chef de l’État ne s’y est risqué.
Pendant sa campagne de 2012, François Hollande l’avait pourtant promis. « Je ferai ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires », affirme la proposition numéro 56 de son programme électoral. Plusieurs parlementaires très investis sur le sujet ont été encouragés à lancer un ballon d’essai : ils ont déposé une proposition de loi constitutionnelle proposant la ratification de la Charte. Le 28 janvier 2014, elle a été adoptée à une large majorité, avec 361 pour et 149 contre. Surtout, le PS a presque réussi à faire le plein – huit voix seulement ont manqué au groupe socialiste, dont les 3 députés du MRC chevènementiste, traditionnellement opposé à la promotion des langues régionales. Il a également rallié la majorité des communistes, la totalité des écologistes, des Radicaux de gauche (à une exception près), et des centristes de l’UDI. Plus intéressant encore pour le gouvernement, 40 députés UMP ont voté pour et 15 autres se sont abstenus. Parmi eux, de nombreux élus bretons, alsaciens ou corses.
Depuis, la proposition de loi (déposée par un ou des parlementaires) sommeille sur le bureau du Sénat. De toute façon, pour être définitivement adoptée, elle doit être soumise à référendum. Un scénario qu’exclut François Hollande. D’où son choix d’en passer par un projet de loi (déposé par le gouvernement), qui n’a pas besoin d’un référendum mais du congrès de Versailles pour entrer en vigueur. Il en a pris l’engagement le 1er juin dans un courrier envoyé aux coprésidents du groupe d’études sur les langues régionales de l’Assemblée, le régionaliste breton Paul Molac et le socialiste alsacien Armand Jung. « Conformément à l’engagement que j’ai pris devant les Français pendant l’élection présidentielle, je souhaite que le Parlement permette la ratification de cette Charte. La révision de la Constitution est un préalable. La voie du Congrès me paraît la plus appropriée », écrit le chef de l’État.