ASL/al-Nosra/EI : même combat, mêmes sponsors. Fin de la comédie. Par Françoise Compoint
ASL/al-Nosra/EI : même combat, mêmes sponsors. Fin de la comédie.
Le 21 novembre 2015
La tragédie parisienne du 13/11 a démasqué pas mal de protagonistes pro-islamistes se complaisant jusqu’ici dans leurs accoutrements passablement angéliques. L’Occident a brusquement découvert qu’al-Nosra ne faisait pas toujours du bon boulot, que le (vrai) futur calife en chef, M. Erdogan, était loin de servir les intérêts européens de l’OTAN si tant est que les faucons présidant à l’OTAN aient intérêt à défendre l’UE. L’Occident a aussi découvert, une certaine élite américaine y compris, que Poutine n’avait pas tort lorsqu’il refusait de faire le distinguo entre opposants modérés et radicaux, les premiers méritant des missiles « modérés » peints en rose les deuxièmes, un peu plus coupeurs de tête que leurs sympathiques collègues, en noir et blanc.
Dans un récent article évoquant les tenants et aboutissants de la boucherie de vendredi, j’avais envisagé deux types de dénouement : l’un d’eux prévoyait la création d’une coalition russo-française anti-EI (mais aussi plus largement anti-salafiste). Il semble, nous en sommes tous bien aise, que cette option ait eu raison des versatilités auxquelles sont sujettes des élites politiques ô combien frileuses. Il semble aussi que ce passage à l’acte, réprouvé par Obama et son équipe, se double d’un début ou du moins d’une tentative de nettoyage des réseaux islamistes éparpillés à travers les villes européennes. Molenbeek-Saint-Jean, naguère bercail d’un Philippe Vandermaelenn, récemment celui d’un Coulibaly, en est un exemple frappant. Consternant. Une quasi-hypertrophie du 93 avec tout le venin de l’anti-France qui berce la nécropole sacrée des rois de France. Veut-on dire que jusqu’ici Molenbeek n’était pas nettoyable ? Que ces pauvres gamins qui y naissent et se disent aujourd’hui mûrs pour le jihad ne sont que des paumés ? De nouveaux Misérables dont Hugo, s’il fut de ce monde, aurait dénoncé l’injuste Misère ? Allons donc ! Il n’y a que les niais et les autruches pour y croire. Ces gens-là ne sont pas des paumés mais des créatures qui se retournent ostensiblement contre leur créateur selon la très juste comparaison d’un amie facebookien. Le problème, c’est que l’abcès gonfle et suppure en France depuis les années Mitterrand. Que l’ennemi est enraciné dans une terre qu’il rejette depuis des décennies et dont il veut maintenant disposer à sa convenance. Le problème, c’est que la politique étrangère à la fois idiote et criminelle qui a été menée après la réintégration de la France dans le commandement intégré de l’OTAN sert aujourd’hui de prétexte au soulèvement des quartiers dits chauds de même qu’à la progression des zones grises à travers le pays. La France est un pays bien riche en centrales nucléaires (19 au total) c’est-à-dire en poudrières potentielles. Que faire ?
En principe, il faudrait sortir de l’UE vu que l’annulation provisoire de Schengen n’a pas grand sens. Il faudrait aussi sortir de l’OTAN vu que l’un des trois piliers de la sou-veraineté d’un pays tient à sa capacité de décider de la paix ou de la guerre. Il faudrait liquider tous les nids islamistes dispersés à travers la pays, tous sans exception, fermer les mosquées salafistes, interdire formellement des organisations telles que les Frères Musulmans, renforcer les contrôles d’identité, supprimer les allocs à vie et forcer une jeunesse vicieusement désoeuvrée à travailler. Enfin il faudrait réaffirmer, en théorie autant qu’en pratique, la prédominance historique et culturelle du christianisme en Franceen arrêtant la démolition des églises et en réformant des programmesscolaireslèche-culs et mondialistes. Combien de morts faudra-t-il encore pleurer, en France tout comme en Syrie ou ailleurs – hier, au Mali – pour que l’Europe pèse enfin les conséquences de ses leurres et de ses traîtrises ?
Les il faudrait que je viens d’égrener sont d’une banalité redondante etaffligeante. Ce que l’on constate cependant, c’est que ni les Fabius, ni les Valls, ni même Hollande en personne ne veulent avoir conscience de ces urgences. Pour une raison très simple : pour qu’ils le fassent, la France devrait reprendre la maîtrise de sa diplomatie et de son territoire. Il en va de même de tous les Etats constitutifs de l’UE.
Après avoir versé des larmes hypocrites sur les martyrs de la sottise dirigeante, Obama a réitéré un ultimatum encore plus hallucinant : soit Assad reste au pouvoir et la Syrie s’enfonce dans un chaos abyssal, soit le pouvoir de Damas démissionne et cède la place à un gouvernement de coalition nationale composé de différentes fractions opposantes. Simultanément, Erdogan fait des siennes en menaçant la France d’attentats encore plus meurtriers si elle n’arrête pas ses frappes contre « les militants [dits] modérés » (voir entretien accordé au journal Ar-Rayah). Daesh y est présenté sous une sauce lénifiante voire hallucinogène : sa cause, mêlée à celle des militants syriens pour la libération du peuple – duquel ?! – donne une image d’ensemble en accord avec celle d’une ASL, on s’en souvient, littéralement glorifiée par les autorités françaises. Bruxelles n’a jamais condamné les agissements de la Turquie. Au mieux pourrait-on entendre de la part de politiques qui ne sont plus au pouvoir qu’Ankara joue un rôle dangereusement ambigu et qu’il conviendrait peut-être d’élucider cette ambiguïté.
Selon des sources alternatives foisonnantes, Moscou ne fait pas vraiment confiance à Paris pour ce qui est de son intention de pulvériser l’EI. Vous me direz : et le de Gaulle ? Et le bombardement du centre d’approvisionnement pétrolier près de Deir Ezzor ? Et le plan de soutien de la Russie à la marine française sur le terrain ?En réalité, nul besoin d’aller piocher dans une presse alternative parfois en effet peu fiable pour tirer le même type de conclusion. La vive émotion du vendredi dernier passée, il serait bon de revenir aux révélations d’Eric Denécé, ancien officier du renseignement et de Bernard Squarcini, ancien directeur de la DCRI : les deux viennent tout juste d’être publiées, à titre préventif, j’imagine, étant donné que le renseignement aurait à répondre de ce qui s’est passé vendredi 13.11. Selon M. Denécé, les services secrets n’ont jamais reçu d’ordres spécifiques par rapport aux jihadistes français revenant en France. Curieux, n’est-ce pas, surtout après la boucherie de janvier ? Selon M. Squarcini, Manuel Valls aurait refusé de prendre en compte la liste de jihadistes français combattant en Syrie au seul motif que la France refusait de collaborer avec le renseignement syrien tant que Bachar el-Assad resterait au pouvoir. C’était il y a certes deux ans. Personne ne pouvait imaginer le janvier noir de Charlie et le 13 novembre lugubre du Bataclan. Mais alors que d’attentats avaient pu être déjoués sans que les Français ne le soupçonnent ! Si M. Squarcini dit vrai – et une personne d’un tel acabit ne saurait mentir surtout que le (les) coupable (s) est (sont) pointé (s) du doigt – devrait-on qualifier la réaction de M. Valls de crime de haute trahison ? Lorsque le Premier ministre belge, C. Michel, propose aux éléments radicalisés (= jihadistes en puissance) le port de bracelets électroniques, je me demande également si nous avons affaire à un cas clinique ou à un cas de haute trahison.
Des litres d’encre ont déjà été déversés sur la lâcheté et la pseudo-incompétence d’élites pseudo-représentatives alors autant arroser le tout d’une liste de faits expliquant en quoi est-ce que Moscou aurait raison de ne pas faire confiance ou de faire modérément con-fiance à la France. Nous avons plus d’une fois insisté sur le côté mythique ou factice de l’ASL(Armée syrienne libre). La réunion de Vienne qui s’est tenue le 14 novembre a débouché sur deux impératifs pour le peu aberrants mais formellement acceptés par la Russie en accord, visiblement, avec Damas vu qu’aux dernières nouvelles Assad condi-tionnerait son départ à une victoire totale sur l’EI. Ces deux impératifs, les voici : primo, formation d’un gouvernement de coalition nationale – visant, mettons-le donc entre parenthèses, à coaliser moultes fractions de l’opposition – secundo, réforme de la Con-stitution existante. Que la Syrie ne soit pas sous protectorat ou sous mandat n’inquiète a priori personne alors passons. Par contre, et c’est là qu’il y a du très mauvais sang à se faire, il faut savoir que le pays est déchiré entre 7000 groupes et groupuscules sala-fistes. C’est sans compter qu’il y a un pacte de non-agression entre l’ASL et le Front al-Nosra et c’est aussi sans compter que les protégés de nos preuses démocraties ont enfin pris la parole et ne se cachent plus d’être ce qu’ils sont.
C’est ainsi qu’Ahmad Rahal, ex-commandant syrien de la Marine de Guerre et actuel-lement représentant des forces dites d’opposition de l’ASL reconnaît combattre l’armée gouvernementale aux côtés de Jaabat al-Nosra.Il a accordé une interview exclusive au journal russeVesti.Nous ne pouvons pas faire la guerre à al-Nosra, dit-il, bien qu’il s’agisse en effet d’une organisation terroriste affiliée à Al-Qaïda. Notre priorité pour le moment c’est le Hezbollah, les Irakiens, les Iraniens [et l’Armée arabe syrienne] qui combattent le peuple syrien.
S’il est vrai que nous n’en sommes plus à une incohérence près, celle de M. Rahal est débordante d’humour. Si même on croit à la sincérité de ses propos, ceux-ci sont aussi injustifiables que ceux de Vlasov qui avait pactisé avec les nazis non point par solidarité pour leur idéologie mais par haine des Rouges. Quelques lignes plus loin, ce Vlasov syrien nous apprend que les Américains auraient favorisé l’essor de l’islamisme plus de 70.000 anciens militaires ayant fui le pays par leur grâce.
Moins conciliant que son frère d’armes mais semblerait-il plus crédible, Abdul Jabbar al-Oqaidi, ancien colonel de l’Armée arabe syrienne et commandant de l’ASL extrêmement médiatisé par les USA, indique sans équivoque que l’opposition en question (ici, l’ASL) bénéficie, de un, d’un soutien massif de la part des USA et de la Turquie (revoir menaces récentes d’Erdogan), coordonne son action avec al-Nosra, de deux, estime que l’EI est un ennemi secondaire dont la barbarie n’est liée qu’aux lacunes culturelles de ses membres,de trois. Qui plus est, renchérit-il à titre personnel, il n’y aurait pas de conflit avec les leaders de l’EI, une organisation « frère » malgré les erreurs tactiques qui la compromettent. Lorsqu’un journaliste de Vesti lui demande en quoi est-ce que les méthodes auxquelles l’ASLa recours diffèrent de celles auxquelles a recours l’EI,al-Oqaidi ne trouve rien à répondre.
A moins de supposer que ces deux individus mentent platement – ce qui n’expliquerait pas les accolades d’al-Oqaidi avec l’ancien ambassadeur US à Damas, Robert Stephen Ford, en 2013, ou la rencontre en Turquie d’Adam Kinzinger, membre du Congrès, avec des représentants de l’ « opposition modérée » – il devient clair que le ministère des Affaires étrangères français continue à rouler dans l’ornière étasunienne et impose à la Syrie baasiste une alternative purement salafiste. Le drame du Bataclan, celui du Stade de France, des cafés et des trottoirs parisiens n’aura servi à rien.
Nous aimerions croire aux succès pratiques mais aussi hautement symboliques d’une coalition russo-française du genre Normandie-Niemen mais les faits énoncés ont raison de nos attentes.
- On notera ainsi qu’en Syrie les objectifs de la France et de la Russie divergent. Paris espère renverser Assad. Les autorités françaises – atlantistes jusqu’à la moelle des os – ne sont pas (encore) prêtes à rejeter les injonctions des States. Quand bien même l’EI et al-Nosra seront pourchassés, l’ASL n’est nullement visée. La Russie aspire à pourchasser toutes les fractions islamistes combattant un pouvoir légitime, sans distinction de couleurs et/ou de discours. Elle bénéficie en cela du soutien de l’Iran et de la Chine.
- Si Assad a conditionné son départ à la défaite de l’EI, c’est bien qu’il ne croit pas que la libération viendrait de la coalition occidentale et que celle-ci s’allierait à la Russie. Si donc la libération du sol syrien viendrait de l’armée syrienne, de la Russie, de l’Iran et de la Chine, Assad n’aurait aucune raison de démissionner étant donné qu’il a été réélu par le peuple syrien en 2014 (résultats confirmés par un grand nombre d’observateurs parmi lesquels pas mal d’Occidentaux) et que les trois Etats mentionnés ne demandent pas son départ par respect pour la souve-raineté du pays. On ne juge pas les vainqueurs qui ont naturellement le dernier mot.
- Malgré la teneur pessimiste des deux précédents points, je pense, nous pensons tous, en tout cas pour la plupart d’entre nous, que l’Europe n’a rien perdu de son potentiel guerrier. « Guerrier » dans tous les sens du terme, pas seulement martial. Cela ne concerne pas les élites actuelles mais le peuple qu’elles ne repré-sentent pas. Je songe avant tout à la France. Le combat sera long et il n’est pas certain que les urnes soient une solution à l’heure qu’il est. Lorsque les Russes écrivent sur les missiles qu’ils larguent copieusement sur les positions de l’EI et de ses sosies « Pour les nôtres, pour Paris » (SIC), c’est bien qu’ils croient à ce peuple de France qui n’a rien à voir avec les Hollande, les Valls, les Fabius et leurs larbins boboïsés que la mort de millions de personnes depuis l’Afghanistan et l’expansion de l’anti-France ne regardent manifestement pas.
Françoise Compoint