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Le blog de Lucien PONS

Non-assistance à langue en danger. Maurice Druon de l'Académie française [24 février 2004]:

6 Novembre 2015 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #La France, #AMERIQUE, #Europe supranationale, #La nation ., #La République, #La défense de la langue française.

Non-assistance à langue en danger
Maurice Druon de l'Académie française
[24 février 2004]

Il ne se passe guère de semaine que des lecteurs, affligés ou indignés par la dégradation progressive du français en France, ne me demandent:

« Que fait l'Académie française pour arrêter ce glissement funeste? »

L'un d'eux, haut magistrat, qui se dit « libéré depuis peu de la galère judiciaire », m'écrit: « Je m'étonne que la seule institution qui fasse autorité en la matière, la vôtre, ne diffuse pas, une fois l'an, une déclaration fracassante et très médiatisée aux fins de dénoncer les erreurs les plus graves de nature à précipiter l'agonie de cette langue. »

Chaque terme de cette proposition invite à commentaire. Et d'abord: « seule institution qui fasse autorité ». Cela est vrai, en principe. Les statuts donnés par Richelieu, en février 1635, à l'Académie assignaient à celle-ci pour principale fonction de « travailler à donner des règles certaines à notre langue et à la rendre pure, éloquente et capable de traiter les arts et les sciences ». Elle devait à cette fin composer en premier lieu un dictionnaire qui aurait le pas, ipso facto, sur tous autres.

Cette disposition d'importance assez comparable, dans l'histoire de la langue, à celle de l'ordonnance rendue à Villers-Cotterêts par François Ier, n'a jamais été ni abrogée ni modifiée. C'est toujours l'Académie qui est censée dire la règle en matière de vocabulaire, de grammaire, de syntaxe. Mais depuis une quarantaine d'années se sont multipliés des organismes ayant pour objet, à un titre ou un autre, la protection ou la promotion de la langue française.

Que l'Académie y ait été représentée « de droit », ce qui était manière de la prendre en otage, n'empêcha pas que ces organismes rognaient un peu son autorité. Elle n'était plus source unique de la règle. Et ne vit-on pas une excroissance du CNRS, l'Inale (Institut national de la langue française), destiné à la compilation lexicale, servir de caution à M. Jospin pour imposer, contre l'avis de l'Académie, l'aberrante, la vicieuse, l'absurde féminisation des noms des fonctions ? En desservant l'Académie au lieu de s'appuyer sur elle, les pouvoirs publics n'ont pas servi la langue.

Si mon correspondant souhaite que nous diffusions chaque année « une déclaration fracassante et très médiatisée », c'est parce que ne sont pas parvenues à sa connaissance nos décisions, mises en garde, lettres ouvertes aux ministres, adresses aux chefs du gouvernement ou de l'Etat, que nous publions au long des mois. Le nombre de celles que nous avons émises depuis vingt ans suffirait à faire un volume. Sont-elles assez « fracassantes », je ne sais. Elles sont en tout cas fermes et sévères. Le malheur est qu'elles ne sont pas reprises. Comment pourrait-on être « médiatisé » quand les médias ne s'intéressent pas à vous ? L'AFP diffuse, pas toujours, nos communiqués, et généralement en les abrégeant. Quelques journaux, très peu, y donnent écho ; la radio et la télévision jamais.

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Photo de Valérie Faisien.
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