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Le blog de Lucien PONS

L’Otan cherche la destruction de la Russie depuis 1949

12 Janvier 2016 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #L'OTAN., #l'ONU, #AMERIQUE, #La Russie, #La France, #La guerre, #Terrorisme, #La guerre en Syrie - depuis le 20 août 2013, #Ukraine, #le nazisme

L’Otan cherche la destruction de la Russie depuis 1949

 
NATO-Russia

 

En 1990, après la chute du Mur de Berlin, le président américain George H. W. Bush, par l’intermédiaire de son secrétaire d’État James Baker, promit au Premier secrétaire Mikhaïl Gorbatchev qu’en échange de la coopération soviétique dans la réunification allemande, l’Otan, alliance de la Guerre froide, ne s’étendrait pas d’un pouce vers l’Est, en direction de la Russie. Baker dit à Gorbatchev : «Écoutez, si vous retirez vos 300 000 troupes d’Allemagne de l’Est et permettez la réunification de l’Allemagne dans le cadre de l’Otan, l’Otan ne s’étendra pas d’un pouce vers l’Est.»

L’année suivante, l’Union soviétique se désintégrait officiellement. Son alliance militaire défensive (le Pacte de Varsovie) s’était déjà dissoute. La Guerre froide était finie.

Pourquoi l’Otan ne s’est-elle alors pas dissoute mais au contraire s’est-elle étendue sans cesse, encerclant la Russie européenne ? Pourquoi n’est-ce pas un sujet central de discussion et de débat dans ce pays ?

L’Otan : une alliance anti-russe de la Guerre froide

Certains doutent que l’engagement de Bush ait jamais été pris, bien que Baker l’ait répété publiquement en Russie. Ou prétendent que l’engagement ne fut jamais mis par écrit d’où sa nullité légale. Ou prétendent que toute promesse faite aux dirigeants de l’Union soviétique, qui disparut en 1991, est inapplicable aux relations russo-américaines postérieures. Mais il est clair que les États-Unis, à la consternation des dirigeants russes, ont continué à se confronter à leur ennemi de la Guerre froide, principalement via l’expansion de l’Otan. Cette expansion n’est pas commentée dans les médias de masse américains qui traitent l’entrée d’une nouvelle nation dans l’Otan comme de l’entrée d’un nouvel État dans l’ONU, comme si c’était naturel et non problématique.

Mais rappelez-vous quelques points de l’histoire. L’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) fut créée le 4 avril 1949 comme une alliance militaire contre l’Union soviétique, principalement contre la Russie, composée initialement des États-Unis, du Canada, de la Grande Bretagne, de la France, de l’Italie, des Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg, du Danemark, de l’Islande, de la Norvège et du Portugal.

Elle se forma quatre ans après que les Soviétiques prirent Berlin d’assaut battant les nazis. (Comme vous le savez, l’Allemagne envahit la Russie six mois avant que le Japon n’attaque Pearl Harbour ; les États-Unis et la Russie furent alliés contre les fascistes ; les victoires clés dans la guerre européenne – Moscou, Stalingrad, Koursk – furent des victoires soviétiques contre les nazis. Les soldats US ne traversèrent le Rhin que le 22 mars alors que l’armée Rouge se rapprochait de Berlin, prenant la ville entre le 16 avril et le 2 mai, au prix de la mort de 80 000 Soviétiques. Si vous ne savez pas cela, vous n’avez pas reçu d’éducation correcte !)

Dans les quatre ans qui séparent la mort de Hitler de la formation de l’Otan, les deux grands vainqueurs de la guerre divisèrent l’Europe en zones d’influence. L’Union soviétique voisine avait contribué de façon écrasante à la défaite fasciste : plus de 8 millions de militaires et 12 millions de civils furent tués, comparés aux pertes des lointains États-Unis, qui subirent 186 000 morts en Europe et 106 000  dans le Pacifique.

Il peut sembler étrange que le moindre des héros de l’histoire (dans ce conflit épique contre le fascisme) ait reçu la plus grosse part du gâteau après la bataille : les États-Unis créèrent un bloc incluant la Grande-Bretagne, la France, l’Italie, la plus grande partie de l’Allemagne, les Pays-Bas, le Portugal et la plupart de la Scandinavie, alors que les Soviétiques imposèrent leur hégémonie – ou essayèrent – sur leur États clients moins riches. Mais les Soviétiques ne furent en aucun cas principalement intéressés à attirer les nations les plus riches dans leur orbite. Si tel avait été le cas, ils n’auraient pas retiré leurs troupes d’Autriche en 1955.

Au contraire, la Russie qui fut envahie plusieurs fois dans l’histoire depuis l’Ouest – par la Suède, la Lituanie, la Pologne, la France et l’Allemagne –, voulait surtout sécuriser sa frontière occidentale. Pour assurer l’établissement de régimes amis, elle organisa des élections en Pologne, en Tchécoslovaquie, en Hongrie et ailleurs (ces élections avaient autant de légitimité que celles tenues sous occupation américaine de l’Irak ou de l’Afghanistan ces dernières années ou n’importe quand en Amérique latine). Elles engendrèrent les républiques populaires d’Europe de l’Est.

Les États-Unis et les Britanniques grommelèrent contre les avancées géopolitiques de leur allié de guerre. En mars 1946, l’ex-premier ministre Winston Churchill, en visite aux États-Unis, fit allusion à un rideau de fer tombant sur l’Europe (peut être utilisait-il sans le savoir l’expression que Joseph Goebbels avait utilisée 13 mois plus tôt. Le ministre allemand de la propagande avait déclaré à un journal que «si le peuple allemand déposait les armes, les Soviétiques occuperaient toute l’Europe. Un rideau de fer tomberait sur cet énorme territoire»). Très effrayant.

Mais les États-Unis travaillaient dur à l’époque pour consolider leur propre bloc en Europe. En mai 1947, la CIA força les gouvernements italien et français à purger les ministres communistes des cabinets formés après les succès électoraux des années précédentes. (Les États-Unis avaient un énorme pouvoir acheté par les 13 milliards de dollars du Plan Marshall à partir d’avril 1947, destiné à raviver le capitalisme européen et à diminuer l’attractivité du marxisme).

Le chef de la station de la CIA à Rome se vanta plus tard que sans la CIA, qui finança une campagne incitant à la peur des Rouges et fomenta des clashs violents ayant fait parfois des victimes lors de meetings, «le Parti communiste aurait sûrement gagné les élections italiennes en 1948». (Toute personne qui pense que les Soviétiques truquèrent leurs élections alors que par principe, les États-Unis facilitèrent des élections honnêtes est un indécrottable naïf.)

Pendant ce temps – avant l’établissement de l’Otan en avril 1949 – les États-Unis et la Grande Bretagne avaient mené à partir de 1946 une guerre en Grèce, en faveur de la monarchie et contre les forces communistes qui avaient été la colonne vertébrale du mouvement anti-fasciste durant la Seconde Guerre mondiale. Les communistes jouissaient d’un large appui populaire et auraient pu gagner la guerre civile si les Soviétiques les avaient soutenus. Mais en respectant l’accord sur les zones d’influence établi à Yalta et à Potsdam, Staline ignora les appels à l’aide des communistes grecs et yougoslaves. Les partisans grecs capitulèrent en octobre 1949, six mois après la formation de l’Otan. (Mais l’Otan ne fut pas déployée durant cette intervention militaire qui fut considérée comme la première opération militaire de la Guerre froide des États-Unis selon la doctrine Truman, anti-communiste au sens large.)

Exactement un mois après la formation de l’Otan, les dirigeants pro-américains en Allemagne de l’Ouest annoncèrent unilatéralement la formation de la République fédérale d’Allemagne. (La République démocratique allemande, pro-soviétique, fut déclarée seulement six mois plus tard. Comme en Corée, les Soviétiques soutenaient la réunification des territoires occupés. Mais les États-Unis avaient l’intention d’établir des États clients et de diviser des nations, si nécessaire, pour endiguer les percées soviétiques. Ce fut aussi le cas avec le Vietnam.)

Quatre mois après la création de l’Otan, les Soviétiques effectuèrent leur premier test nucléaire avec succès. La Guerre froide commençait pour de bon.

L’Otan fut formée pour se confronter agressivement à l’URSS et exploiter les peurs d’une supposée menace d’attaque soviétique vers l’Ouest (pour imposer le système social soviétique à des peuples qui n’en voulaient pas). Cette menace ne s’est bien sûr jamais matérialisée. Les Soviétiques coupèrent Berlin-Est de la partie Ouest par le mur de Berlin pour éviter des évasions massives embarrassantes. Mais ils n’envahirent jamais l’Allemagne de l’Ouest et ne provoquèrent aucun conflit avec une nation de l’Otan durant la Guerre froide. (En fait, par comparaison avec les carnages qui s’abattirent sur l’Europe depuis 1989, des guerres civiles dans les Balkans et dans le Caucase aux bombardements terroristes de Londres, Madrid et Paris et au putsch néo-fasciste en Ukraine l’année dernière, la Guerre froide apparaît rétrospectivement comme une longue période de prospérité et de paix relative sur le continent.)

Comparons les Agressions US et Russo/Soviétiques durant la guerre froide

L’OTAN s’agrandit en 1952, incorporant la Grèce pacifiée et son rival historique, la Turquie. En 1955, il amena la RFA en son sein. A ce moment seulement, en mai 1956, 7 ans après la formation de l’OTAN, les Soviétiques établirent en réponse leur propre alliance militaire défensive. Le traité d’amitié, de coopération et d’assistance mutuelle (Pacte de Varsovie) n’incluait que 8 nations (contre 15 pour l’OTAN) : L’URSS, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, l’Allemagne de l’Est, la Hongrie, la Pologne, la Roumanie et l’Albanie.

Les forces du Pacte de Varsovie ne se déployèrent qu’une fois durant la guerre froide, pour écraser le mouvement de réforme en Tchécoslovaquie en 1968 (Elles ne furent pas utilisées durant la répression de la « révolution hongroise » de 1956, qui eut lieu cinq mois après la fondation de l’alliance. Cette opération fut effectuée par des troupes soviétiques et des forces loyalistes hongroises.). L’intervention en Tchécoslovaquie provoqua le retrait de l’Albanie du Pacte alors que la Roumanie protesta et refusa d’envoyer des troupes. Pratiquement, le Pacte fut réduit à 6 membres à comparer aux 15 de l’OTAN. L’alliance occidentale s’agrandit à 16 quand l’Espagne la rejoignit en 1982.

Entre 1945 et 1991 (quand le pacte de Varsovie et l’URSS se désintégrèrent), les Etats-Unis se sont engagés dans trois guerres majeures (Corée, Vietnam, Golfe Persique), ont envahi la Grenade et le Panama, sont intervenus militairement au Guatemala, République Dominicaine, Liban, Cuba, Cambodge, Laos, Nicaragua, Haïti et dans d’autres pays.

Durant la même période, les soviétiques ont envahi deux fois des nations est-européennes (la Hongrie 1956 et la Tchécoslovaquie 1968), pour maintenir le statu quo. Ailleurs, il y eut un bref conflit frontalier avec la Chine qui fit 150 morts de chaque coté. Et les Soviétiques ont bien sûr envahi l’Afghanistan en 1979 pour consolider le régime laïque aux prises avec l’opposition islamiste. C’est tout. En fait, si vous comparez avec le bilan américain, le leur est un peu maigre pour une superpuissance.

Cette opposition islamique en Afghanistan, comme nous le savons, s’est transformée en Talibans, al-Qaeda et le groupe fondé en Irak par l’ancien rival de Ben Ladan Abu Moussah al Zarqawi appelé maintenant ISIL ou Etat Islamique. Appelés, presque affectueusement par la presse américaine en 1980 moudjahidines (ceux qui sont engagés dans le djihad), ces militants religieux ont été glorifiés comme des combattants anti communistes sacrés par le conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter Zbigniew Brzezinski.

Brzezinski annonça au président américain six mois avant que les soviétiques n’envoient de troupes qu’en soutenant les djihadistes les US pourraient provoquer une intervention militaire soviétique. Les Etats-Unis, déclara-t-il, ont l’opportunité d’infliger aux Soviétiques leur guerre du Vietnam et peuvent saigner les Soviétiques comme ils ont saigné les Etats-Unis au Vietnam.

Attardons nous un moment sur la moralité de ceci. Les soviétiques ont aidé les vietnamiens à combattre un régime impopulaire soutenu par les Etats-Unis et à confronter l’horreur des assauts américains contre leur pays. Maintenant, en retour, comme Brzezinski le déclara, les Etats-Unis pouvaient aider les extrémistes islamistes à l’esprit médiéval à provoquer une intervention soviétique pour tuer des jeunes conscrits soviétiques et empêcher l’avènement de la modernité.

Les djihadistes anti-soviétiques furent accueillis à la Maison Blanche par le président Ronald Reagan pendant une visite en 1985. Reagan, montrant peut-être les premiers symptômes d’Alzheimer, clama qu’ils étaient « l’équivalent moral des pères fondateurs de l’Amérique ». A cette époque, une grande partie de l’aide américaine (CIA) aux moudjahidines était destinée à Gulbudding Hekmatyar, un féroce chef de guerre maintenant aligné avec les Talibans. Comme de nombreux anciens alliés des US (incluant Saddam Hussein) tombés en disgrâce, il fut la cible d’au moins une frappe ratée par drone en 2002.

Donc le seul et unique conflit militaire prolongé soviétique durant la guerre froide, de décembre 1979 à février 1989 et qui a coûté 14’000 vies soviétiques, fut un conflit avec ce que les experts américains vont appeler « terrorisme islamiste »

Les Soviétiques n’ont sûrement pas affronté des anticommunistes désirant la « liberté » comme cela peut être conceptualisé dans certaines idéologies modernes. L’ennemi incluait des leaders tribaux et des religieux qui s’opposaient à tout changement du statut des filles et des femmes, en particulier leur code vestimentaire et leur soumission à l’autorité patriarcale en matière de mariage.

Les révolutionnaires soutenus par les soviétiques étaient confrontés à des fanatiques ignorants des besoins médicaux des femmes, hostiles à l’idée de cliniques publiques et opposés à l’éducation des femmes. (En fait, les soviétiques ont réussi à augmenter le taux d’alphabétisation des femmes durant les années 80 – un fait non égalé par les nouveaux occupants depuis 2001 – mais ceci était principalement dû au fait qu’ils gardèrent le contrôle de Kaboul, où les femmes purent non seulement recevoir une éducation, mais aussi se déplacer sans foulards.)

Cette époque prit fin quand le régime de Mohammad Najibullah installé par les soviétiques fut renversé par les forces de l’alliance du Nord en Avril 1992. Les choses empirèrent. La guerre civile entre le pachtoune Hekmatyar et ses rivaux tadjiks éclata immédiatement et les forces d’Hekmatyar bombardèrent brutalement la capitale – chose qui n’était jamais arrivée durant les pires jours de la période soviétique.

Pendant que la guerre civile s’aggravait, les Talibans apparurent, se présentant comme des leaders moralement justes inspirés par la Shariah. Acquérant une large base sociale, ils prirent Kaboul en septembre 1996. Un de leurs premiers actes fut de saisir Najibullah, qui s’était réfugié dans un bâtiment des Nations Unis trois ans plus tôt , de le castrer et de le pendre en public, lui refusant un enterrement selon les rites musulmans.

Juste au moment où les néoconservateurs clamaient le triomphe du capitalisme sur le communisme et la supposée fin de l’histoire, le monstre de Frankenstein de l’Islamisme sortait sa vilaine tête. Il n’y eut pas de larmes pour Najibullah dans les capitales occidentales. Mais les Talibans étaient considérés avec inquiétude et dégoût et le siège aux Nations Unies resta aux mains du régime de l’alliance du Nord qui ne contrôlait que 10% du pays.

Comment la Guerre Froide encouragea l’Islamisme Radical

Bien sûr les Etats-Unis- qui ont fait leurs valises et sont partis après le retrait soviétique, laissant les pakistanais avec un problème massif de réfugiés et l’Afghanistan dans le chaos, ont saigné les soviétiques et quiconque osant s’allier avec eux. Et sûrement cette expérience contribua à la réalisation du voeu le plus cher de Brzezinski : l’écroulement de l’Union Soviétique.

Mais elle a aussi produit le terrorisme islamiste, à grande échelle, alors que les Etats-Unis, ayant auparavant organisé le recrutement et l’entraînement de légions de djihadistes provenant de tout le monde musulman pour attaquer l’Union Soviétique, étaient et sont encore obligés d’en gérer les conséquences et leur réponse provoque invariablement plus de terrorisme.

N’est-il pas évident que les actions militaires américaines contre les différentes cibles terroristes dans le Moyen Orient « élargi », incluant l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie, le Yemen et la Libye ont grandement gonflé les rangs d’Al Qaeda et de l’Etat Islamique ?

Et est ce que le cours des évènements en Afghanistan – où le gouvernement de Kaboul reste paralysé et stupide, les seigneurs de la guerre gouvernent les cités de province, la Cour suprême condamne des gens à mort pour des offenses religieuses, la plus grande partie de l’arrière pays est aux mains des talibans and les militants pénètrent vers le Nord – ne vous convainc pas que les Etats-Unis n’auraient pas dû s’allier aux djihadistes contre les forces laïques soutenues par les soviétiques il y a 35 ans ?

Dans une interview en 1998 publiée par le Nouvel Observateur, on demanda à Brzezinski s’il regrettait d’avoir donné des armes et des conseils aux futurs terroristes islamistes.

Brzezinski : Qu’est ce qui le plus important dans l’histoire du monde ? Les Talibans ou la chute de l’empire soviétique ? Quelques musulmans agités ou la libération de l’Europe centrale et la fin de la guerre froide ?

Q : Quelques musulmans agités ? Mais il a été dit et repété : Le fondamentalisme islamique représente une menace mondiales de nos jours.

Brzezinski : N’importe quoi ! Il a été dit que l’Occident avait une politique globale concernant l’Islam. C’est stupide. Il n’y a pas d’Islam global. Regardez l’Islam de façon rationnelle et sans démagogie ou émotion. C’est la religion dominante dans le monde avec 1.5 milliards de croyants. Mais qu’y a-t-il de commun entre les fondamentalistes saoudiens, les modérés marocains, les militaristes pakistanais, les pro-occidentaux égyptiens et le sécularisme d’Asie Centrale ? Rien de plus que ce qui unit les pays chrétiens.

En d’autres mots, gagner la compétition contre la Russie, la saigner jusqu’à l’effondrement, était plus important que le risque de promouvoir le fondamentalisme musulman militant. Il est évident que cette mentalité demeure, quand, dans le monde post 11 septembre, certains officiels du département d’Etat préfèreraient voir Damas tomber aux mains de l’EI plutôt que de la laisser défendre par les Russes en appui d’un régime laïque.

L’OTAN à la rescousse du monde post guerre froide.

Depuis la chute de l’Union Soviétique et la disparition du Pacte de Varsovie, qu’a manigancé l’OTAN ? Premièrement, elle a rempli un vide de pouvoir dans les Balkans. La Yougoslavie s’écroulait. Elle avait été neutre pendant la Guerre Froide, ni membre de l’OTAN ni du pacte de Varsovie. A mesure que les gouvernements tombaient en Europe de l’Est, les mouvements sécessionistes dans les républiques multi ethniques produisaient des conflits étendus. Le secrétaire d’Etat Baker s’inquiétait de ce que l’écroulement de la Yougoslavie ne provoquât une instabilité régionale et s’opposa à l’indépendance de la Slovénie.

Mais le ministre allemand des affaires étrangères, Hans Dietrich Genscher et le chancelier Helmut Kohl-grisés par la fierté de la réunification allemande et décidés à jouer un rôle plus important dans le monde – firent pression pour le démantèlement de la Yougoslavie. (Il y avait d’importants intérêts historiques allemands dans ce pays. Les Nazis avaient occupé la Slovénie de 1941 à 1945, établissant une garde slovène de 21’000 hommes et initiant des affaires économiques. L’Allemagne est maintenant de loin le premier partenaire commercial de la Slovénie. La position de Kohl prévalut.

La Yougoslavie, qui était un modèle d’harmonie interethnique,fut déchirée par des conflits ethniques dans les années 1990. En Croatie, les Croates combattirent les Serbes aidés par l’armée populaire yougoslave. En Bosnie Herzégovine, les bosniaques, les croates et les serbes se querellèrent sur la façon de diviser le pays. En Serbie, l’annulation de l’autonomie des provinces du Kosovo et de la Voïvodine provoqua la colère des Albanais. En 1995, les images d’hommes bosniaques émaciés dans des camps de prisonniers serbes furent largement diffusés dans les médias mondiaux alors que Bill Clinton était résolu à ne pas laisser un nouveau Rwanda (lisez génocide) se produire. Pas sous son mandat. L’Amérique allait sauver la situation.

Ou plutôt : L’OTAN allait sauver la situation. Loin d’avoir perdu son utilité après la guerre froide, déclara Clinton, l’OTAN était la seule force capable de relever ce genre de défi. Et donc, l’OTAN bombarda et bombarda , pour la première fois dans une vraie guerre, jusqu’à ce que les Serbes bosniaques implorent pitié. La configuration actuelle de la Bosnie herzégovine, une fédération dysfonctionnelle, incluant une mini république serbe, fut dictée par le secrétaire d’Etat Warren Christopher et son envoyé Richard Holbrooke au meeting de Dayton, Ohio en Novembre 1995.

La Russie, alliée traditionnelle des serbes, fut obligée de regarder passivement pendant que les Etats-Unis et l’OTAN redessinaient les cartes de l’ancienne Yougoslavie. La Russie était elle-même dans les années1990, sous la direction du bouffon alcoolique Boris Yeltsin, en piètre état. L’économie piquait du nez, le désespoir régnait, la longévité masculine avait dégringolé. La nouvelle politique était tout sauf stable. Pendant la crise constitutionnelle de septembre-octobre 1993, le président avait même ordonné à l’armée de bombarder le bâtiment du Parlement, pour forcer les législateurs à se soumettre à son décret de dissolution. Sous la poigne d’oligarques corrompus et du capitalisme sauvage occidental, les Russes étaient sans illusion et démoralisés.

Puis d’autres insultes arrivèrent de l’Occident. Durant la dernière année de Yeltsin, en Mars 1999, l’OTAN accueillit trois nations supplémentaires : la Tchécoslovaquie (plus tard la République tchèque et la Slovaquie), la Hongrie et la Pologne. Ce furent les 3 nations les plus puissantes du pacte de Varsovie, URSS et Allemagne de l’Est mise à part. Ceci était la première expansion de l’OTAN depuis 1982 (quand l’Espagne avait adhéré) et énerva le Kremlin, ce qui était compréhensible. Quelle peut bien être la raison pour l’expansion de l’OTAN à présent ? demandèrent les Russes, qui furent assurés que l’OTAN n’était dirigée contre personne.

Le Sénat a voté pour étendre l’adhésion à la Pologne, la Hongrie et la Tchécoslovaquie en 1998. A l’époque, George Kennan, le fameux diplomate américain qui développa la stratégie d’isolement de l’URSS pendant la guerre froide fut interrogé :

“Je crois que c’est le début d’une nouvelle guerre froide, prévint Kennan, âgé de 94 ans. Je pense que les Russes vont réagir petit à petit et cela va affecter leur politique. Je crois que c’est une erreur tragique. Il n’y avait aucune raison. Cela démontre un manque de compréhension de l’histoire Russe et soviétique. Bien sûr que la Russie va réagir négativement et ensuite les avocats de l’extension de l’OTAN prétendront qu’ils avaient toujours dit que les Russes sont comme cela mais ceci est simplement faux”

L’OTAN contre la Serbie

Dans le même mois de Mars 1999, l’OTAN (y compris ses trois nouveaux membres) bombarda Belgrade, la capitale de la Serbie. C’était la première fois depuis la deuxième guerre mondiale qu’une capitale européenne était victime de bombardements. La raison officielle était que les forces de l’état Serbe persécutaient les albanais de la province du Kosovo. La diplomatie avait échoué et l’intervention de l’OTAN était nécessaire pour remettre les choses en place. Cette justification fut accompagnée de rapports très exagérés de forces serbes tuant des kosovars, perpétrant un génocide.

C’était des bêtises. Les Etats-Unis avaient demandé à la conférence de Rambouillet, France que la Serbie retire ses forces du Kosovo et restaure l’autonomie de la province. Le président Serbe Slobodan Milosevic avait accepté. Mais les Etats-Unis avaient aussi exigé que Belgrade accepte des forces de l’OTAN sur tout le territoire de la Yougoslavie, quelque chose qu’aucun leader d’un état souverain ne peut accepter. Belgrade refusa, soutenu par la Russie.

Un officiel haut placé du Département d’Etat (probablement la secrétaire d’Etat Madeleine Albright) se vanta à des reporters qu’à Rambouillet « Nous avions intentionnellement mis la barre trop haute pour que les Serbes acceptent. Les Serbes avaient besoin d’un petit bombardement pour être raisonnables ». Henry Kissinger, pas un pacifiste, déclara à la presse en juin : « Le texte de Rambouillet, qui appelait la Serbie à admettre des troupes de l’OTAN sur tout le territoire yougoslave, était une provocation et une excuse pour commencer à bombarder. Rambouillet n’est pas un document qu’un Serbe angélique aurait pu accepter. C’était un document diplomatique affreux qui n’aurait jamais du être présenté sous cette forme »

Les Etats-Unis avaient obtenu l’approbation de l’ONU pour les frappes de l’OTAN en Bosnie Herzegovine quatre ans plus tôt. Mais ils ne la cherchèrent pas cette fois, et n’essayèrent pas d’organiser une force des Nations Unis pour résoudre le problème du Kosovo. En effet, ils insistèrent pour que l’OTAN soit reconnue comme le représentant de la communauté internationale.

C’était outrageux. Mais l’opinion publique américaine était largement persuadée que les Serbes avaient refusé de négocier la paix de bonne foi et donc méritaient des bombardements applaudis par la presse, en particulier par la correspondante internationale de CNN Christiane Amanpour, qui avait ses entrées au département d’Etat et n’arrêtait pas de dire à ses spectateurs « Milosevic continue à faire des pieds de nez à la communauté internationale », parce qu’il refusait un ultimatum brutal de l’OTAN que même Kissinger avait qualifié de provocation.

Après que le massacre de masse des Kosovars est devenu une réalité (comme les bombes de l’OTAN commencèrent à tomber sur le Kosovo) et après deux mois et demi de bombardement sur Belgrade, un accord médié par les russes mit fin aux combats. Belgrade put éviter l’occupation de l’OTAN qu’il avait précédemment refusé ( en d’autres termes, l’OTAN n’était parvenu à rien de plus que ce que les Serbes avaient déjà concédé à Rambouillet)

Comme le cessez le feu entrait en vigueur le 21 juin, une colonne d’environ 30 véhicules blindés transportant 250 soldats russes fut déplacée de sa mission de maintien de la paix en Bosnie pour prendre le contrôle de l’aéroport de Pristina au Kosovo (Un petit rappel que la Russie aussi avait un rôle à jouer dans la région)

Ceci prit le commandant américain de l’OTAN Wesley Clark par surprise. Il ordonna que des parachutistes français et britanniques sautent sur l’aéroport mais le général britannique Sir Mike Jackson se déroba prudemment « Je ne vais pas faire commencer la troisième guerre mondiale par mes soldats » déclara-t-il.

Je pense que ce geste dramatique de dernière minute à l’aéroport a été décidé par l’étoile montante Vladimir Poutine, un conseiller d’Eltsin bientôt nommé Vice Président puis successeur d’Eltsine début décembre 1999. Poutine allait devenir un ennemi bien plus coriace pour l’OTAN que son embarrassant prédécesseur.

Coopération rime avec provocation

Rappelez vous comment deux ans plus tard, après le 11 septembre, quand les Etats-Unis invoquèrent la charte de l’OTAN auprès de ses alliés pour s’engager dans la guerre en Afghanistan, Poutine offrit d’autoriser l’alliance à transporter du matériel de guerre à travers le territoire russe (en 2012, le ministre des affaires étrangères Lavrov offrit à l’OTAN l’utilisation d’une base à Ulvanovsk pour transporter de l’équipement hors de l’Afghanistan). Cette invasion de l’Afghanistan était le troisième déploiement des forces de l’OTAN dans une guerre, après la Bosnie et la Serbie, et Moscou l’accepta comme un fait accompli. La Russie passa même sous silence ses inquiétudes quand les Etats-Unis établirent des bases dans les anciennes républiques soviétiques d’Ouzbekistan et du Kirghizistan.

Mais en 2004, l’OTAN s’étendit encore, pour intégrer l’Estonie, la Lettonie et la Lithuanie, qui avaient toutes fait part de l’Union soviétique et avoisinent la Russie. Au même moment, la Bulgarie, la Roumanie et la Slovénie furent admises, avec la Slovaquie qui s’était séparée de la République tchèque. Les Russes demandèrent à nouveau « Pourquoi ? »

En 2007, les Etats-Unis commencèrent à négocier avec les Polonais l’installation d’un complexe anti-missile en Pologne, avec un système radar en République tchèque. En principe, cet armement était destiné à détruire tout futur missile iranien lancé contre l’Europe ! Mais Moscou devint furieux, accusant les Etats-Unis de vouloir lancer une nouvelle course aux armements. En raison des sentiments anti-militaristes chez les Polonais et les Tchèques, les plans furent annulés en 2009. Mais ils pourraient être réactivés à tout moment.

En 2008, les Etats-Unis reconnurent le Kosovo, qui abrite désormais la plus grande base américaine hors des Etats-Unis (camp Bondsteel), comme un pays indépendant. Bien que les Etats-Unis aient considéré jusque là le Kosovo comme une province de la Serbie (et peut-être même avaient-ils compris sa signification profonde comme coeur de l’orthodoxie serbe), ils proclamèrent (par la voix de Condoleezza Rice) le Kosovo un phénomène « sui generis » (seul de son genre). Oubliez la loi internationale, elle ne s’applique pas.

La même année 2008, l’OTAN annonça effrontément que la Géorgie et l’Ukraine « deviendraient membres de l’OTAN ». Là dessus, le président comique de la Géorgie Mikheil Saakasvili bombarda Tskhinvali, capitale de la république autoproclamée d’Ossétie du Sud qui avait résisté à son intégration dans la république de Géorgie depuis la chute de l’Union Soviétique en 1991. Dans ce cas, la Russie défendit l’Ossétie du Sud, envahissant la Géorgie, et elle reconnut ensuite l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de la République d’Abkhazie. (Ceci peut être vu comme une réponse du tac au tac à la décision américaine de reconnaître l’indépendance du Kosovo six mois plus tôt.)

Ce fut une guerre de 6 jours, coûtant la vie à 280 militaires (y compris 100 du coté Ossète du Sud/Russe) et environ 400 morts civils. Et il n’y a plus eu de guerre russe depuis. La Crimée n’a pas été « envahie » l’année dernière mais plutôt saisie par les force russes en place, bénéficiant du soutien populaire général. Et il y a peu d’indices que les forces régulières russes se battent contre les forces d’état ukrainiennes. Des Ukrainiens d’origine ethnique russe le font, recevant sans aucun doute du soutien de leurs cousins à travers la frontière historiquement changeante. Mais l’accusation de l’invasion russe de l’Ukraine est un cheval de bataille du département d’Etat, de la propagande automatiquement reprise par les experts-marionnettes de la presse officielle, pas une réalité contemporaine.

Saakasvili s’attendait peut être à être soutenu par les Etats-Unis lorsqu’il provoqua Moscou en août 2008. Mais alors qu’il recevait un soutien ferme du sénateur John McCain, qui déclara « Nous sommes tous Géorgiens maintenant », il reçut peu d’aide du département d’Etat de George W Bush, soucieux de ne pas provoquer la 3e guerre mondiale. La Géorgie n’était pas encore un état membre de l’OTAN capable d’invoquer la clause de défense mutuelle de la charte de l’OTAN.

Saakasvili quitta ses fonctions en 2010 et est maintenant poursuivi par la justice géorgienne pour abus de fonctions. Après un bref passage à la Fletcher School of International Law and Diplomacy in 2014, il a acquis la nationalité Ukrainienne, perdant par la même occasion sa nationalité géorgienne et (un des nombreux exemples de la folle gouvernance ukrainienne , incluant Yatsenyev et Poroshenko) fut nommé gouverneur d’Odessa en mai dernier !

Etant donné la débâcle de 2008, des pays comme l’Allemagne sont peu enclins à accepter une admission de la Géorgie. Ils voient peu de bénéfices à provoquer la Russie en étendant sans arrêt l’alliance défensive de la guerre froide. Cependant, la Croatie et l’Albanie furent ajoutées à l’OTAN en 2009, la première année de l’administration Obama, juste à temps pour participer à la quatrième guerre de l’OTAN contre la Libye.

A nouveau, il n’y avait aucune raison pour une guerre. Le colonel Kadhafi avait été très amical avec les régimes occidentaux depuis 2003, et coopérait avec la CIA contre le terrorisme islamiste. Mais quand le « printemps arabe » balaya la région en 2011, certains leaders occidentaux (dirigé par le président français Nicolas Sarkozy mais incluant la toujours va-t-en guerre Hillary Clinton) se sont convaincus eux-mêmes que la chute de Kadhafi était imminente et qu’il valait mieux aider l’opposition à le déposer et ainsi rentrer dans les grâces de n’importe quel successeur.

Le conseil de sécurité de l’ONU approuva une résolution pour établir une zone de non-survol pour la protection des civils des troupes supposés génocidaires de Kadhafi. Mais ce que l’OTAN libéra fut quelque chose de différent. Une guerre contre Kadhafi, qui mena à son meurtre brutal et à l’horrible chaos qui règne depuis en Libye, une base fiable pour Al-Qaida et l’EI. La Russie et la Chine protestèrent toute les deux, alors que la guerre était encore en cours, que l’OTAN avait déformé la signification de la résolution de l’ONU. Il est peu probable que ces deux membres permanents du conseil de sécurité se laisseront à nouveau duper dans une telle coopération.

Nous pouvons donc ajouter l’échec de Libye aux états dysfonctionnels de Bosnie, Kosovo et Afghanistan à notre liste des exploits de l’OTAN depuis 1991. Pour résumer : Depuis la chute de l’URSS, les US et certains alliés (souvent en leur qualité d’alliés de l’OTAN) ont mené des guerre contre les Serbes Bosniaques, la Serbie, l’Afghanistan, l’Irak et la Libye tout en frappant des cibles au Pakistan, au Yemen, en Somalie, et ailleurs avec impunité. La Russie est allée en guerre une seule fois : pour 8 jours en août 2008, contre la Géorgie.

Et pourtant, tous les commentateurs des principaux journaux télévisés vous disent, en vous regardant droit dans les yeux, que Poutine est un envahisseur.

Pourquoi l’extension de l’OTAN

Donc pendant que l’OTAN ne cessait d’accueillir de nouveaux membres, elle montrait un penchant grandissant à partir en guerre, d’Asie Centrale à l’Afrique du Nord. On peut se demander pourquoi ?

La raison putative en 1949 était la défense de l’Europe occidentale contre une supposée invasion soviétique. Cette justification est encore utilisée : quand les supporters de l’OTAN parlent aujourd’hui en faveur de l’inclusion de la Lithuanie par exemple, ils vont argumenter, que si la Lithuanie était restée en dehors de l’alliance, les Russes l’auraient sûrement déjà envahie en prétextant la défense des droits des minorités russes.

Il y a en fait très peu d’indices des ambitions russes ou des ambitions personnelles de Poutine de recréer l’empire tsariste ou l’Union soviétique. Poutine s’est plaint il y a quelques jours « Nous ne voulons pas du retour de l’URSS mais personne ne nous croit. » Il a aussi affirmé que les gens qui ne ressentent pas de nostalgie pour l’Union soviétique, comme le disent la plupart des citoyens de l’ancienne URSS assez âgés pour s’en rappeler, n’ont pas de coeur alors que ceux qui veulent la restaurer n’ont pas de cerveau.

Pendant l’expansion inexorable de l’OTAN entre 1999 et 2009, la Russie répondit non pas par des menaces mais avec une calme indignation.

Les remarques de Poutine sur la dissolution de l’Union soviétique comme une tragédie géopolitique et ses affirmations occasionnelles au sujet du droit de la langue et des autres droits des Russes dans les anciennes républiques soviétiques ne constituent pas des menaces militaires. Comme toujours, les néoconservateurs sélectionnent une phrase ici et là quand ils essaient de décrire Poutine comme (encore) un autre Hitler. En fait, les Russes ont, de façon relative, été la voix de la raison ces dernières années. Alarmés par les conséquences des actions américaines dans le Moyen Orient, ils ont cherché à contenir l’impérialisme américain tout en défiant le terrorisme islamiste.

En août 2013, Obama menaça d’attaquer la Syrie, pour punir le régime d’avoir utilisé des armes chimiques contre son peuple (les accusations ont été discréditées par Seymour Hersh entre autres). Une intervention adroite du ministre des affaires étrangères russe Sergueï Lavrov et le refus de la Chambre des communes britannique d’appuyer une attaque (s’assurant que, comme la guerre d’Irak, elle ne recevrait pas le soutien de l’OTAN) et une opposition interne ont contribué à éviter une autre guerre américaine au Moyen Orient.

Mais c’est comme si les va-t-en guerre du département d’Etat dépités par le succès russe à protéger leur allié syrien du destin de Kadhafi, et vexés de leur capacité constante à maintenir des bases aériennes et navales sur la cote Syrienne, redoublaient d’efforts pour provoquer la Russie. Comment le faire mieux qu’en interférant en Ukraine, qui a non seulement fait partie de l’Union soviétique mais aussi de l’Etat Russe depuis 1654 et qui était le centre du Rus de Kiev originel au dixième siecle ?

L’OTAN courtisait l’Ukraine depuis 1994, cinq ans avant que l’alliance ne s’étende pour inclure la Pologne, la Hongrie et la Tchécoslovaquie. Kiev a signé le plan d’action d’adhésion à l’OTAN en 2008, quand Victor Yushchenko était président, mais c’était en suspens quand Victor Ianoukovitch fut élu en 2010. Jouissant du solide soutien de l’Est russophone, Ianoukovitch gagna ce que les observateurs internationaux appelèrent une élection libre et démocratique.

Ianoukovich ne voulait pas que l’Ukraine rejoigne l’OTAN. Il voulait une Ukraine neutre maintenant les relations traditionnelles entre l’Ukraine et la Russie. Cela exaspéra Victoria Nulan, la tête du bureau Eurasie au Département d’Etat qui fit du projet d’attirer l’Ukraine dans l’OTAN le but de sa vie. Ceci serait le prix ultime pour l’OTAN en Europe de l’Est. Un pays de 44 millions d’habitants bien éduqués, de la taille de la France, stratégiquement situé sur la Mer noire historiquement dominée par la flotte russe de la Mer noire. Un pays divisé ethniquement entre l’Est russophone et généralement pro russe et l’Ouest plus orienté vers l’Occident et parlant l’ukrainien, avec un mouvement néofasciste vigoureux et férocement anti-russe- prêt à être utilisé.

Nuland, une ancienne aide de Cheney dont la vision du monde néoconservatrice a attiré favorablement l’attention de Hillary Clinton, et donc sa promotion, est la femme du politologue néoconservateur et avocat de la guerre en Irak Robert Kagan (Kagan fut un membre fondateur du célèbre think tank Project for a New American Century). Le couple représente les deux facettes d’un incessant complot néoconservateur : ceux qui travaillent à la destruction de la Russie et ceux qui travaillent à la destruction du Moyen Orient, utilisant consciemment des mensonges pour embrouiller les masses quant à leur but véritable.

Au National Press Club en Décembre 2013, Nuland se vanta que les Etats-Unis (à travers des ONG comme le « National Endowment for Democracy ») avait dépensé 5 milliards de dollars pour soutenir les « aspirations européennes » de l’Ukraine. Cette formulation délibérément vague est censée faire référence au soutien américain à l’admission de Kiev dans l’Union européenne. Le tort de Ianoukovitch, selon les US, n’était pas qu’il rejetait l’adhésion à l’OTAN, ceci ne fut jamais mentionné. Ianoukovitch avait soi-disant trahi les aspirations pro européennes de son peuple en ayant initié puis rejeté un accord d’association avec le bloc de commerce, craignant que cela ne signifie un régime d’austérité de style grec imposé au pays depuis l’extérieur.

A partir de Novembre 2013, la foule se rassembla sur le Maidan à Kiev pour protester entre autres contre le changement d’avis de Ianoukovitch au sujet de l’adhésion à l’EU. Le département d’Etat américain embrassa leur cause. On peut se demander pourquoi les Etats-Unis auraient des intérêts à promouvoir l’adhésion d’un pays à l’UE alors qu’elle constitue un bloc commercial concurrent. Quelle différence cela fait-il pour vous et moi si l’Ukraine a des liens économiques plus étroits avec la Russie ou l’Union Européenne ?

Le sale petit secret des Etats-Unis est de vouloir tirer profit de cet élan à rejoindre l’Europe pour attirer l’Ukraine dans l’OTAN, ce qui aurait pu être considéré comme la prochaine étape naturelle dans le réalignement de l’Ukraine.

Profitant de la colère populaire contre la corruption de Ianoukovitch mais aussi travaillant avec des politiciens connus pour être favorables à l’admission dans l’OTAN et à l’expulsion des forces navales russes de leur base de Crimée qu’elles occupent depuis 1780, et incluant les forces néofascistes qui haïssent la Russie mais détestent aussi l’Union européenne, Nuland et son équipe, y compris l’omniprésent John Mc Cain, firent leur apparition sur le Maidan, distribuant des cookies et encourageant la foule à destituer le président.

Cela fonctionna bien sûr. Le 22 février, à un jour de la signature d’un accord médié par l’Europe en vue de réformes gouvernementales et de nouvelles élections, et pensant que la situation s’était détendue, Ianoukovitch fut forcé de fuir pour sauver sa vie. Les forces néo-fascistes de Svoboda et du Secteur droit servirent comme troupes d’assaut pour renverser le régime. Les manoeuvres machiavéliques de Nuland avaient triomphé.

Il semblait qu’aprés 14 ans d’expansion, l’OTAN pourrait bientot être capable d’accueillir un énorme nouveau membre dans ses rangs, complétant l’encerclement de la Russie et fichant dehors la flotte russe, transformant la Mer noire en un lac de l’OTAN.

Hélas pour les néoconservateurs et les « interventionistes libéraux », le nouveau régime d’Arseniy Yatsenyuk et de ses alliés du Parti de Svoboda, choisi par Nuland, s’aliéna immédiatement la population russophone, qui demeure en rébellion armée rendant le pays ingouvernable, alors même que son économie s’effondre ; et l’idée d’expulser les russes de Sebastopol est devenue inimaginable.

Mais que veulent les stratèges de l’OTAN ? Où vont cette expansion sans fin et ces provocations irréfléchies ?

La Russie, une menace existentielle ?

Avant tout, les avocats de l’OTAN, bien qu’ils répètent souvent « qu’ils ne sont pas contre la Russie, que ceci n’a rien à voir avec la Russie » prennent en considération effectivement une constante menace russe. Le général Sir Adrian Bradshaw, l’officier britannique le plus gradé de l’OTAN, déclara en février que la Russie pose une évidente menace à notre existence ». Le général Joseph Votel, commandant des opérations spéciales US déclara au forum d’Aspen sur la sécurité en juillet que la « Russie pourrait poser une menace existentielle aux Etats-Unis »

Le président du House Armed Service Committee Mac Thornberry (R-Texas) a conseillé à Obama de signer une loi de financement militaire car la Russie pose une menace existentielle aux Etats-Unis. Le philanthrope George Soros (qui aime financer des révolutions « de couleur ») écrivit dans la New York Review of Books en octobre que l’Europe « est face à un défi russe à sa propre existence »

Ce sont des mots absurdes et stupides venant de personnalités haut placées. N’est-il pas évident que c’est la Russie qui est encerclée, pressée et menacée ? Que son budget militaire est une fraction du budget américain et que sa présence militaire globale est minuscule comparée à l’empreinte américaine ?

Mais quiconque regarde les débats des candidats présidentiels américains et qui peut percevoir la prévalence de la paranoïa au sujet de la Russie, la qualification sans réfléchir de Poutine comme nouveau Hitler, et l’expression obligatoire de la détermination à rendre l’Amérique plus forte peut comprendre pourquoi l’expansion de l’OTAN est horriblement dangereuse.

Les gens qui ne pensent pas rationnellement ou dont l’esprit est tordu par l’arrogance peuvent regarder la carte de l’expansion de l’OTAN et penser fièrement « Les choses doivent être ainsi ! Pourquoi quiconque questionnerait le besoin des nations de se protéger en s’alliant avec les Etats-Unis ? Ce sont des alliances comme l’OTAN qui préservent la paix et la stabilité dans le monde »

(Certains sont capables de penser cela, peut-être, mais le fait est que le monde est devenu moins paisible et beaucoup moins stable qu’il ne l’était pendant la guerre froide, quand les deux superpuissances se contrôlaient l’une l’autre. Les Etats-Unis ont émergé comme, ce qu’un diplomate français a appelé une « hyper-puissance » ou un hyper pouvoir intervenant avec impunité dans de multiples pays et produisant de nouvelles et souvent horribles formes de résistance.)

Les gens regardant une carte de l’OTAN en Europe peuvent aussi mentalement colorier le Montenegro. Cette petite république de l’Adriatique de moins de 650’000 habitants a été formellement invitée par l’OTAN à soumettre sa candidature le 2 décembre. Quels autres pays devront encore signer ?

Comme mentionné en 2008, l’OTAN annonça que la Géorgie et l’Ukraine adhéreraient. Mais leur cas est actuellement en attente. La Biélorussie, coincée entre la Pologne et l’Ukraine, a été sous le contrôle autoritaire du président Alexander Lukashenko depuis 1994. Le régime, considéré comme proche de Moscou, a été visé par une révolution de couleur ratée financée par les Etats-Unis en mars 2006. Le favori américain était Mikhail Marynich, un ancien ambassadeur en Lettonie et supporter de l’adhésion à l’OTAN. (Il participa à une réunion de l’OTAN à huis clos « Guerre et Paix » à Riga en Novembre 2006.)

Puis il y a la Moldavie, l’ancienne République soviétique de Moldavie, située entre la Roumanie et l’Ukraine. A l’est se trouve la république sécessioniste de Transnistrie, où les Moldaves sont une minorité et les Russes et les Ukrainiens représentent presque 60% de la population. C’est une zone de conflit gelé. Le rêve néoconservateurservateur est de changer tous ces régimes et de tous les amener dans le giron de l’OTAN.

Un Anneau pour les gouverner tous, Un Anneau pour les trouver,

Un Anneau pour les ramener tous et dans les ténèbres les lier

Au pays de Mordor où s’étendent les Ombres.

Que faites-vous quand vous avez complété l’encerclement occidental de la Russie ? Mais bien entendu vous déstabilisez le pays lui-même, espérant le scinder ! La Russie reste une nation multi-ethnique, multi-culturelle. Il y a des tensions et des mouvements sécessionistes à exploiter dans le Caucase en particulier, mais aussi en Sibérie et dans la péninsule de Karélie.

Si la Russie est une menace existentielle, sa propre existence est une menace, juste ? Donc pourquoi ne pas la démembrer ? La logique de l’expansion de l’OTAN ne requiert-elle pas un ennemi ? Et l’Amérique ne dirige telle pas le monde en battant des ennemis ?

Et si c’était l’OTAN la vraie menace ? (Après tout, dans son dernier projet majeur, n’a-t-il par détruit totalement l’état moderne de Libye et comme résultat déstabilisé le Mali ?)

Ne devrions-nous pas nous réjouir des tensions dans l’OTAN et de l’échec des états membres à allouer 2% de leur recette aux dépenses militaires ? Ne devrions-nous pas nous réjouir des résistances à l’extension de l’OTAN, des plaintes au sujet des pressions coercitives des Etats-Unis et des appels à plus de coopération avec la Russie plutôt qu’à la confrontation et la destruction ?

Gary Leupp

Article original en anglais :

NATO-Russia

NATO: Seeking Russia’s Destruction Since 1949

source originale : counterpunch.org, le 25 décembre 2015

Traduction : https://beerblogsite.wordpress.com

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