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Quand Macron nous montre la voie |
Les élections présidentielles en Autriche, qui risquent de déboucher sur l'arrivée au pouvoir d'un Président qualifié d'extrême droite, sont révélatrices de l'impasse dans laquelle se trouvent aujourd'hui les partis politiques dans les pays de l'Union européenne. Comment comprendre, à cette lumière, ce qui se passe en France et ce phénomène "Macron"?
Au premier tour des élections présidentielles en
Autriche, le candidat du parti FPO, Norber Hofer, a atteint 36,4% des voix, suivi de loin par le candidat écologiste Alexander Van der Bellen (20,4%) et une candidate indépendante, Irmgard Griss (18,5%). La grande surprise fut l'échec flagrant des candidats "naturels" de ces partis classiques autrichiens, écartés dès le premier tour avec 11,2% des voix: le social-démocrate Rudolf Hundstorfer (SPO) et le conservateur Andreas Khol (OVP). Norber Hofer incarne l'aile dite libérale de ce parti, loin des dérapages extrémistes et il attire l'électorat.
Même si la fonction du président autrichien est essentiellement honorifique, cet échec représente un réel coup de semonce pour le chancelier autrichien Werner Faymann (SPÖ) et le vice-chancelier Reinhold Mitterlehner (ÖVP), dont les mandats courent jusqu'en 2018. Les deux partis ont toujours contrôlé la présidence depuis la Seconde guerre mondiale, soit avec un élu issu de leurs rangs, soit avec un indépendant qu'ils soutenaient.
Les analystes ont expliqué cette montée du parti FPO par la crise des migrants et la montée du chômage. Autrement, dit, la crise sociale et économique pousse l'électorat à remettre en cause la possibilité des partis traditionnels à régler les problèmes qui les touchent réellement. Le tout sur fond de crise de l'Union européenne, de rejet de ce qu'elle représente aujourd'hui, de cette confiscation de l'Europe.
Et cette question ne se pose pas uniquement en Autriche, nous voyons globalement le même schéma en France. En
2014, seulement 8% des français avaient confiance dans les partis politiques. A ce niveau, ce n'est plus une crise de confiance, c'est une capitulation en rase campagne. Pour des raisons évidentes de pouvoir, les partis, et l'élite qui les accompagnent, ne peuvent remettre réellement ce système en cause, car l'on ne coupe pas une branche sur laquelle on est assis.
La proposition la plus populiste est celle de remettre en cause la Ve République, mais surtout de garder ces partis, comme si le problème venait de la Constitution et non des politiciens modernes qui sont incapables d'en être à la hauteur. En effet, comment garder une Constitution pour un pays souverain, qui se respecte et défend une politique, revendique des intérêts propres avec cette "élite" qui flotte dans des vêtements de pouvoir trop large pour elle. Comme on peut le lire dans cet article du
Monde:
Dans ce contexte d’impuissance publique, il y a urgence à ouvrir un débat sur l’incapacité des institutions de la Ve République à déverrouiller les blocages de l’action politique.
Il y a eu d'autres tentatives de placébos, notamment cette fièvre de renommer les partis. Comme si cela était suffisant pour régler un problème qui n'a même pu être masqué.
Dans cette confusion générale des genres, nous avons vu appraître de nouvelles personnalités, devant incarner le renouveau dont les français ont besoin et revendiquent bruyamment. Un certain renouveau devant donc être offert au bon peuple, autant en contrôler l'orientation. Et la tête de premier de la classe du gendre idéal, un Macron sorti de la finance pour sauver l'état, nous a été servi sur un plateau. Et sur un plateau de gauche, sinon il n'aurait pas été suffisamment perceptible - à droite.
Ainsi, la distinction classique droite / gauche, libérale / socialiste peut éclater en petits morceaux qui seront recollés selon un nouveau canevas. Certes, Macron déclare ne pas aimer la gauche d'aujourd'hui. Il y a peu de chance que celle d'hier lui ait plu d'avantage. En tout cas, il a sa conception de la gauche. Une conception qui remet en cause cette distinction à laquelle les gens sont habitués:
"Moi je ne mens pas aux gens, je dis ce que je pense, je le dis depuis le début. Je suis de gauche, c'est mon histoire. Mais la gauche aujourd'hui ne me satisfait pas. […] À mes yeux, le vrai clivage dans notre pays [...] est entre progressistes et conservateurs, c'est ce clivage que je veux rebâtir maintenant et je ne veux pas attendre 2017. […] Je veux pouvoir construire une action commune avec toutes les bonnes volontés qui croient à ce progressisme pour le pays"
Traduction: il n'y a plus de droite et plus de gauche. Sur ce point il a raison: il a même activement travaillé à ce résultat. La dichotomie semble plus s'orienter, en transversale des partis politiques, sur un axe globaliste et anti-étatique et un axe étatiste et revendiquent l'existence d'intérêts nationaux. Mais ce que Macron propose est loin de cela. En remplacement, l'on doit voir apparaître des progressistes (ceux qui sont avec lui, quelle que soit leur appartenance politique) et des conservateurs (ceux qui sont contre lui, quelle que soit leur appartenance politique).
Autrement dit, les progressistes sont des réformateurs qui vont de l'avant, pour les conservateurs il ne reste que le passéisme. Un des petits problèmes de la théorie de Macron, dichotomie facile et superficielle, est qu'elle ne précise pas dans quel sens - choisi - va ce "progrès". Comme s'il n'y avait qu'un seul sens, donc pas de choix possible. Si ce n'est cette voie, c'est donc du conservatisme, à savoir une résistance au progrès.
C'est justement ici que se trouve le point d'ancrage idéologique de Macron: il n'est pas apolitique, il est anti-politique et anti-démocratique car il rejette le débat en dehors de la sphère de l'acceptable.
Est-ce réellement de ce changement dont a besoin la France. L'on peut en douter.