Histoire non romancée de la déclaration Schuman, par Yannick Hervé.
Bibliographie en fin de texte
** Histoire non romancée de la déclaration Schuman
D'après l'histoire officielle, celle que l'on trouve dans les livres d'école la construction européenne a démarré suite à deux événement :
- le discours de Churchill en 1946 (en oubliant de dire que ce serait sans les anglais et sur un modèle intergouvernemental)
- et d'un point de vue opérationnel par la déclaration Schuman du 9 mai 1950. Schuman, grand visionnaire, aurait pris cette initiative à titre personnel et imposé ses vues à toute l'Europe (des 6 à l'époque).
Du fait de l'importance de cette date, la fête de l'Europe a eté fixée au 9 mai. Preuve de son caractère exceptionnel, Robert Schuman est en cours de béatification avec certainement une canonisation à suivre par l'église catholique romaine.
Voyons, basé sur un analyse historique, la réalité des choses.
***** Courte bio de Schuman
Rappelons que Robert Schuman est né citoyen allemand, le 29 juin 1886, au Luxembourg. Il y fréquenta l'école communale de Clausen avant de poursuivre ses études à l'Athénée grand-ducal.
En 1908, âgé de 22 ans et vivant seul avec sa mère veuve, Robert Schuman se fait réformer, prétendument pour raisons médicales. Cette décision, pas banale à l’époque, ne plaide guère pour son courage et son ardeur au combat, lui vaut d’être exempté du service militaire allemand long de deux ans.
Schuman, ayant perdu son père à 14 ans (en 1900) et sa mère à 25 ans (en 1911), aurait pu, n’ayant plus de famille proche, partir s’installer en France. Pourtant, il décida de rester allemand et fit le choix d’aller étudier le droit dans les universités allemandes. Ses études supérieures le conduisirent successivement à fréquenter les Universités de Bonn, Munich, Berlin et enfin celle de Strasbourg, la capitale du Reichsland annexé. Il s’installa enfin en 1912 à Metz, encore allemande, comme avocat.
Toutefois, la guerre de 1914 mobilise plus largement et il est affecté sous uniforme allemand, de 1915 à 1918, comme adjoint d’administration au responsable de la sous-préfecture allemande (Kreisdirektion) de Boulay en Moselle (1) . Ce travail, qui n’est pas subalterne compte tenu des diplômes et du métier d’avocat de Robert Schuman, lui vaudra d’être accusé, en 1919, par plusieurs organes francophones lorrains d'avoir servi comme officier de l'armée allemande et d'avoir été « embusqué » dans cette sous-préfecture.
Comme le note l’historien François Roth, Robert Schuman se montra ainsi un parfait sujet de l’Empire allemand, « respectueux des autorités et de l’ordre établi », et ne participant à aucune des manifestations du Souvenir français.
Robert Schuman, « nommé sous-secrétaire d’État aux réfugiés dans le gouvernement de Paul Reynaud en mars 1940.
Le 16 juin 1940, Schuman est confirmé par le maréchal Pétain dans ses fonctions de sous-secrétaire d’État. Après l’armistice, il fait partie des 569 parlementaires qui votent les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet. Mais Pierre Laval ne veut pas de lui dans le nouveau gouvernement formé le 12 juillet.
Robert Schuman rentre à Metz en zone occupée où il ne trouve rien de mieux à faire que de brûler sa correspondance. Puis... il se rend à la police pour discuter du rapatriement des réfugiés mosellans. On lui propose de collaborer avec les autorités allemandes. Il refuse.
Robert Schuman est placé en état d’arrestation et écroué de septembre 1940 à avril 1941.
Sur ordre d’Heinrich Welsch, le procureur allemand, Robert Schuman est sorti de prison, non pas pour être envoyé en déportation comme d’autres parlementaires français, mais pour être
placé en résidence surveillée à Neustadt-an-der-Weinstrasse dans la Forêt Noire.
Il s’enfuit vers la zone libre en août 1942, après avoir de nouveau refusé plusieurs offres de collaboration.
À partir de novembre 1942, Robert Schuman décide de vivre clandestinement, mais il opte pour le cadre bucolique d'abbayes trsè discrêtes. Il s’installe à l’abbaye d’En-Calcat, monastère bénédictin situé dans le Tarn, mais aussi à l’abbaye de Notre Dame des Neiges en Ardèche et à l’Abbaye de Ligugé dans la Vienne. À aucun moment il n’envisage de s’engager dans la Résistance.
À la Libération, le ministre de la Guerre, André Diethelm, exigea que « soit vidé sur-le-champ ce produit de Vichy ».
Les autorités de la France Libre le traitèrent pour ce qu'il était : à savoir un ex-ministre de Pétain et l'un des parlementaires ayant voté les pleins pouvoirs au maréchal en assassinant la IIIème République. Ces faits suffirent à le frapper « d’indignité nationale »
et « d’inéligibilité ».
Avec la volonté et l’ambition de reprendre des responsabilités politiques, il finit par écrire au général de Gaulle le 4 juillet 1945 pour le supplier de lui retirer ces marques d’infamie.
Il est très probable que cette démarche ait été appuyée par le clergé mosellan, mais aussi probablement le Vatican de Pie XII. Charles de Gaulle, qui avait une piètre image de Robert Schuman mais qui, avait le souci d’apaiser les tensions entre Français, céda à la supplique et intervint pour que l'affaire fût classée.
Un non-lieu dans l'affaire Rober Schuman fut prononcé par la commission de la Haute Cour le 15 septembre 1945 et Robert Schuman reprit sa place dans la vie politique française comme si
de rien n’était.
À peine relevé de sa peine d’inéligibilité pour collaboration, Robert Schuman se lance donc dans la politique de la IV ème République. Il est candidat aux législatives du 21 octobre 1945, et sa liste remporte quatre sièges sur sept en Moselle.
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** Déclaraton (Monnet-)Schuman
Collowald a rencontré Robert Schuman, au mois d’août 1949, qui lui avait confié, avoir rendez-vous à Washington, en septembre 1949, avec ce qu’on appelait les trois alliés, l’Américain Dean Acheson, secrétaire dEtat américain, l’Anglais Ernest Bevin et lui.
Les questions en suspend : désormais les Allemands vont avoir, puisqu’ils ont un Parlement, vont avoir un gouvernement – on ne sait pas lequel – ensuite une démarche démocratique mettra au point une coalition, il y aura une opposition, etc., donc, dans ce contexte, que vont devenir les problèmes des démontages, le problème de la Ruhr, le problème de la Sarre ?
Il faut quand même réfléchir, qu’est-ce qu’on va faire ?
Cette rencontre du mois de septembre, à Washington, à quelques heures près, a coïncidé avec l’élection de Konrad Adenauer, en septembre, autour du 20 septembre, à Bonn, comme premier chancelier.
(témoignage de Bernard Clappier, directeur de cabinet de Schuman)
Le 20 septembre 1949, lorsque Acheson, Bevin et Schuman sont ensemble, Dean Acheson se tourne vers Robert Schuman, pour lequel il avait beaucoup d’estime, il regarde Ernest Bevin en disant: «Écoutez, finalement, on va se retrouver à Londres au printemps – il
fixe le 10 mai – pour prendre des décisions (après-guerre, problème allemand, etc.). Chargeons notre collègue Robert Schuman, qui quand même est en première ligne, c’est un Lorrain, un Français qui connaît bien tout ce monde germanique, on va lui demander de nous faire une proposition.»
Dean Acheson entend vaguement un grognement de la part d’Ernest Bevin et Dean Acheson dit : «Eh bien, voilà, nous sommes d’accord.»
Bernard Clappier rajoute : «Il a quand même un peu bousculé Ernest Bevin.»
(Fin du témoignage de Clappier=
Le témoignage de Clappier montre quand même que c’est le ministre des Affaires étrangères américain qui pose un ultimatum à Robert Schuman en lui demandant de proposer quelque chose
sur le problème allemand de l’après-guerre. C’est une vérité historique qui n'est jamais rappelée souligne Collowald.
De son côté Jean Monnet, au commissariat au Plan, réfléchissait depuis longtemps à une approche économique, mais dans un contexte politique.
Il avait déjà évoqué cette solution en 1917 au cours d'un diner avec Arthur Salter, haut fonctionnaire anglais.
Dans ses "Mémoires", Paul-Henri Spaak (autre père de l'Europe) évoque sa première rencontre avec Monnet à Washington en 1941 : "Nous parlâmes de l’après-guerre, de la façon dont il faudrait assurer la paix et l’avenir de l’Europe. Il m’exposa la philosophie et les grandes lignes de ce qui devait être un jour le plan Schuman."
Etienne Hirsch, ingénieur et résistant, rejoint Alger en juillet 1943 et devient l’un des plus proches collaborateurs de Jean Monnet. Un matin de l’été 1943, Hirsch surprend Monnet penché sur une carte en train de couvrir de hachures la Ruhr, la Lorraine, le Luxembourg, la Campine, le Borinage.
- "Que faites-vous ?"
- "C’est de là que vient tout le danger, lui répond Monnet. C’est grâce aux productions de charbon et d’acier que l’Allemagne et la France forgent les instruments de la guerre. Pour empêcher un nouveau conflit, il faut, sous une forme ou sous une autre, soustraire cette région aux deux pays qui, par trois fois en moins d’un siècle, s’étaient affrontés."
Dans une note fameuse, datée du 5 août 1943 à Alger, Jean Monnet s’interroge sur la manière de rétablir durablement la paix et d’assurer la reconstruction économique en Europe une fois
le conflit terminé.
Dans cette note, Monnet expose, en outre, ce qui constituera presque toute la teneur de la Déclaration Schuman : limitation des souverainetés nationales, subordination des intérêts particuliers à l’intérêt général, lutte contre le protectionnisme, nécessité pour l’Europe d’accroître ses débouchés sur le marché mondial, lien entre les réformes sociales internes et la création d’un ordre mondial plus équitable, lien également entre la modernisation et l’efficacité économique, et in fine, la constitution d’une fédération ou "entité" européenne.
Il se confie au Président du Conseil, Georges Bidault, dans une note du 18 avril 1948 : "L’effort des différents pays, dans les cadres nationaux actuels, ne sera pas, à mon avis, suffisant. En outre, l’idée que seize pays souverains coopéreront effectivement est une
illusion. Je crois que seule la création d’une fédération de l’Ouest, comprenant l’Angleterre, nous permettra en temps voulu de régler nos problèmes et finalement d’empêcher la guerre. J’en sais toutes les difficultés -peut-être l’impossibilité, mais je ne vois pas d’autre solution, si le répit nécessaire nous est accordé."
Depuis 1947, Bernard Clappier, directeur de Cabinet de Robert Schuman (alors ministre des Finances), est souvent amené à déjeuner avec Jean Monnet au siège du Commissariat au Plan.
Vers le début du mois de mars 1950, Jean Monnet entreprend de lui lire les notes qu’il a rédigées au sujet de l’Allemagne. Il ne lui en laisse pas de traces écrites mais cela n’empêche pas Clappier de mettre Robert Schuman au courant.
Un mois plus tard, début avril, Monnet interroge Clappier sur les réactions de R. Schuman. Clappier lui fait savoir que Robert Schuman "aime les écrits, les textes, qu'il peut étudier à loisir. C'est donc en lui remettant un texte qu'on pourra obtenir de lui une réaction sérieuse."
Le 12 avril 1950, Jean Monnet rencontre dans son bureau du Commissariat au plan un jeune professeur de droit de l’université d’Aix en Provence et jurisconsulte au Quai d’Orsay, Paul Reuter.
Le dimanche 16 avril 1950, Jean Monnet convie Paul Reuter et Etienne Hirsch chez lui, à Houjarray (Yvelines) près de Paris.
Rejoint plus tard par l’économiste Pierre Uri, ils rédigent une note de quelques feuillets qui contient à la fois l'exposé des motifs et le dispositif d'une proposition qui allait bouleverser tous les schémas de la diplomatie classique (Notes de Paul Reuter, nuit du 16 au
17 avril 1950 : "Paix – Europe – France-Allemagne – Renonciation partielle souveraineté… ")
Ils précisent l'idée d'un pool charbon-acier européen et rédigent un premier texte. Mais, déjà, tout est là : "L’Europe doit être organisée sur une base fédérale. Une union franco-allemande en est un élément essentiel, et le gouvernement français est décidé à l’entreprendre…".
Bien que le but de Monnet était la création d'une entité européenne qui jouirait de l'ensemble des attributs d'un Etat, la phraséologie anodine était délibérée afin d'éviter de transformer cettte entité en une autre institution intergouvernementale (comme la défunte SDN, l'ONU ou le Conseil de l'Europe). La formulation était volontairement insignifiante sans préciser que son objet était de dissoudre la souveraineté.
Il envoie son texte par respect au président du Conseil, Georges Bidault, et en même temps, il cherche à atteindre Bernard Clappier, qui est le directeur de cabinet de Robert Schuman mais ils ne se rencontrent pas. Dans la note explicative Monnet explique que la situation allemande devenait une cancer qui mettati en danger la paix.Il semble que Georges Bidault n'ait jamais eu le texte ou qu'il l'ai écarté le pensant sans importance.
Plus tard, Bernard Clappier indique à Jean Monnet qu’approche le week-end du premier mai et que son ministre va rentrer en Moselle, pour aller se reposer un petit peu.
Le vendredi 28 avril 1950, Jean Monnet remet à Bernard Clappier qui avait oublié le rappeler une note qui contient tous les éléments clés de la future Communauté européenne du Charbon et de l’Acier.
Le 29 avril 1950, Clappier accompagne son patron à la gare de l’Est qui part pour le week-end à Metz et il dit: «On vient de voir Jean Monnet et il m’a dit: parlez-en à Schuman. Voilà.»
Schuman emporte la proposition avec lui.
Il médite quarante-huit heures là-dessus. Il dit: «Ça, c’est formidable, on va lui donner une touche politique. Moi, ministre, je devrais reprendre la responsabilité, entre guillemets, de vendre ça à mes collègues, à mon gouvernement», parce que le ministre des Affaires étrangères ne peut pas prendre des initiatives de cette nature sans que ce soit entériné.
Schuman rentre à Paris et dit: «J’en fais mon affaire».
A peine rentré au Quai d'Orsay le ministre demande à Jean Monnet de le rejoindre. L'initiative est alors dans le champ de la responsabilité politique. Le temps presse, et le succès de l’opération implique une discrétion absolue.
Alors qu’il rédige les différentes versions, il y en a eu 9 différentes, de ce qui deviendra la Déclaration Schuman, Jean Monnet écrit le 3 mai au ministre des Affaires étrangères : "Il faut changer l'esprit des hommes. Des paroles n'y suffisent pas. Seule une action immédiate
portant sur un point essentiel peut changer l'état statique actuel. Il faut une action profonde, réelle, immédiate et dramatique qui change les choses et fasse entrer dans la réalité les espoirs auxquels les peuples sont sur le point de ne plus croire… Il ne faut pas chercher à régler le problème allemand qui ne peut être réglé avec les données actuelles. Il faut en changer les données en les transformant. Il faut entreprendre une action dynamique qui transforme la situation allemande et oriente l’esprit des Allemands, et ne pas rechercher un règlement statique sur les données actuelles."
Au Conseil des ministres du 3 mai, Schuman parle d'un projet d'initiative française à l’égard de l’Allemagne de la façon suivante : «Écoutez, vous savez qu’il faudra changer l’ordre le 10 mai, je dois être à Londres, vous vous souvenez, il y a une réunion là-bas. Bon, on va faire une proposition.»
Bidault: «Bon, eh bien, d’accord.» Il avait laissée le texte initial de Monnet dans un tiroir…
Le 6 mai 1950, Monnet et ses collaborateurs rédigent la neuvième et dernière version de ce texte. Jean Monnet veille à ce que ce travail soit entouré de la plus grande discrétion.
Outre Robert Schuman et le secrétaire général du quai d’Orsay, Alexandre Parodi, deux ministres sont dans la confidence, René Mayer (Garde de sceaux) et René Pleven (Ministre de la défense), ainsi que les collaborateurs de Monnet, Pierre Uri, Étienne Hirsch, Robert Marjolin ou encore Paul Reuter. Au total, neuf personnes !
Le 7 mai Schuman obtient un accord de principe mais secret d'Adenauer, qui a reçu le texte préliminaire le jour même, sans prendre l'avis de ses ministres. Schuman a ignoré le canal diplomatique des Ambassadeurs alors qu'il est le ministre des
affaires étrangères. Mais il a aussi ignoré toute la techno-structure française ainsi que les autres partenaires dont l'Angleterre qui n'a reçu qu'un résumé quelques heures avant la communication officielle.
Le texte final de la déclaration est prêt le 8 mai. Pour arriver le 10 mai à Londres, il faut que le Conseil des ministres, qui a été avancé de 24 heures à l'initiative de Pleven et Mayer, décide le 9 mai du projet a présenter le 10 mai à Londres, sur ce qui est deviendra la
déclaration Schuman.
En Conseil des ministres, alors que Bidault allait lever la séance, l’ordre du jour était épuisé, en disant: «Ah oui, Schuman voulait encore un point.»
Alors Schuman explique rapidement, pour avoir le feu vert. C’était le 9 mai vers midi et demi une heure moins le quart et le lendemain il fallait être à Londres avec un projet en grillant l’ambassadeur François Poncet.
En Conseil, il y eut quelques réticences de la part de certains, à l’instar de Georges Bidault, mais Pleven et Mayer se firent les avocats convaincants de la proposition Schuman. Finalement le Conseil des ministres français donna son accord.
La fille de l'ambassadeur raconte : «Oui, mais, mon père était fou de rage. Il a appris dans le train qu’il allait y avoir ou qu’il y a eu la déclaration Schuman, la conférence de presse.»
Dans la matinée du 9 mai, au moment même où Robert Schuman défendait sa proposition devant ses collègues en Conseil des ministres, Robert Mischlich, un de ses proches collaborateurs,
communiquait le texte définitif de la déclaration en main propre au Chancelier Adenauer, qui dû, pour le recevoir, interrompre une séance du cabinet fédéral à Bonn.
Le Chancelier fut immédiatement enthousiasmé par la proposition. Robert Mischlich, fort de l’approbation d’Adenauer, appela immédiatement Bernard Clappier qui demeurait dans un bureau
de l’Elysée, lieu où se tenait le Conseil des ministres. Ce dernier, après en avoir informé Schuman, appela Monnet au Commissariat du Plan : "C’est acquis, on peut y aller".
Adenauer avait proposé en mars 1950 que la France et l'Allemagne s'unissent pour former une nation. Leurs économies seraient gérées en commun, leurs parlements fusionneraient et leur citoyenneté serait partagée. Adenaueur enthousiaste au départ a été refroidi quand il a appris que Monnet en était l'instigateur car il le savait retors et fourbe.
La conférence de presse a lieu vers dix-huit heures dans le salon de l’Horloge du Quai d’Orsay devant une centaine de journalistes dont beaucoup d'étrangers. La lecture dura très exactement une minute et demie.
Schuman a pris la place qui lui avait été réservée au bout d’une grande table revêtue du classique tapis vert. Assis à sa droite, silencieux, Jean Monnet, l'auteur réel de tous ça.
Dans sa déclaration, Schuman dit au quatrième paragraphe :
"Dans ce but, le gouvernement français propose immédiatement l'action sur un point limité mais décisif.
Le gouvernement français propose de placer l'ensemble de la production franco-allemande de charbon et d'acier sous une Haute Autorité commune, dans une organisation ouverte à la participation des autres pays d'Europe."
Alors que quelques heures avant, la gouvernement n'était même pas au courant et il n'a pas donné son avis formel sur le contenu.
Monnet, avaient pris à l'avance des contacts avec la sidérurgie, les charbonnages, et ça, Schuman le savait.
Ce qui n'est écrit nulle par dans les histoires officielles c'est que Dean Acheson, le secrétaire d'Etat américain s'est arrêté le dimanche 7 mai 1950 à Paris (avec John Mc Cloy), sur la chemin de Londres pour une réunion de l'OTAN, dans le but de rencontrer Schuman de façon informelle. Et comme par hasard Monnet se trouvait aussi présent à cette rencontre "non planifiée". Dean Acheson a été mis dans la confidence par Schuman sur le déroulé des événements.
La plan annoncé par Monnet porté par Schuman reprend des propositions américaines présentées au printemps 1948 à Londres et même celles du Général Marshal et Dulles à Moscou en 1947. La
propostion est la concrétisation des discussions passées entre Monnet et William Clayton et de toutes ses propositions depuis 1917.
Dans ses mémoires Acheson avoue qu'il n'a pas compris tout de suite la portée du projet, n'y voyant que la construction d'un cartel industriel. Puis il en saisit l'importance et demande à Pierre Uri, un collaborateur de Monnet, d'écrire une note de soutien et 'explication qui sera diffusée en même temps que la proposition.
Le 10 mai à Londres, Schuman retrouve Dean Acheson mais tout est déjà fixé.
Le 23 mai, Monnet rencontre Adenaueur pour lever les dernières oppositions.
Les anglais, au grand dam de Dean Acheson, ont refusé de s'associer à une initiative supranationale non démocratique.
Cette décision, en ces termes peu diplomatiques, a été signifieé le 2 juin par un compte-rendu du Gouvernement. C'était le réponse attendue par Monnet qui savait que les anglais s'opposeraient à la supranationalité et à la fédération qui faisaient partie de ses plans.
Le 3 juin, le Benelux et l'Italie sont invités à la table des négociations d'un comité interministériel sous la présidence de Jean Monnet, représentant nommé pour la france (alors qu'il n'était pas au gouvernement).
Le traité a été signé le 18 avril 1951 pour mettre en place la CECA.
La ratification a eu lieu en décembre 51.Comme dit le professeur Lavergne : "Les députées votèrent les yeux grands fermés."
Monnet a été nommé premier président de la haute autorité.
Pour ouvrir la première session, il déclara aux délégués : "Vous prenez part au premier gouvernement d'Europe".
Et le grand bordel européen était lancé ....
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Donc, à la fameuse question: " Qui est le père de la déclaration Schuman ?"
On peut répondre : Sur une impulsion de américains, c'est une propostion concrétisant un vieux rève de Monnet au service des intérêts des industriels, portée par Schuman et finalisée par les américains, en grande partie à leur profit, avec l'échec de l'intégration anglaise.
Cet acte fondateur de ce qui est devenu l'UE a été imposé par 9 personnes, en autonomie totale du gouvernement, avec le soutien des américains et sans même en avoir informé la représentation nationale qui n'a donc pas pu ni en débattre ni se prononcer.
C'est la définition d'un coup d'Etat.
On peut aussi, se poser la question "Quel en était le véritable objectif".
Le texte proposé au comité interministériel en juillet 1950 par Monnet comporte la clause suivante :
"Le retrait d'un etat qui s'est engagé à participer à la Communauté ne devrait être possible que si les autres l'acceptent et en fixent les conditions. Cette règle résume la transformation fondamentale voulue par la proposition française. au-delà de l'acier et du fer, elle pose les fondations d'une fédération européenne. Dans une fédération, aucun Etat ne peut entrer en sécession de manière unilatérale."
On peut alors, sans exagérer, parler de complot contre les Etats et leurs peuples.
Yannick HERVE (26/07./16)
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Bibliographie :
La grande dissimulation
Christophe booker et Richard North
Préfacé par Jacques sapir
Collection L'artilleur, Le Toucan éditeur
ISBN : 97828100007189
La France et les Origines de l'Union européenne
Matthias Kippong
OpenEdition, ISBN : 9782110910561
Histoire économique et financière de la France
Tome II : 1932-1952
Michel Margairaz, OpenEdition, ISBN : 9782110811219
L'idéologie européenne
Landais, Monville et Yaghlekdjian
Editons Aden, ISBN : 978293040512
Témoignage de Paul Collowald
Ancien directeur général de l’information à la Commission européenne et au Parlement européen ainsi que directeur de cabinet du président du Parlement européen, Pierre Pflimlin.
Porte-Parole de Robert Marjolin, VP dela CE.
Interview par Étienne Deschamps, prise de vue : Alexandre Germain.
Sanem: CVCE [Prod.], 27-28.06.2002. CVCE, Sanem.
http://www.cvce.eu/…/interview_de_paul_collowald_la_declara…
Un article de Touteleeurope.eu et sa longue bibliographie
"La genèse de la Déclaration Schuman du 9 mai 1950"
http://www.touteleurope.eu/…/la-genese-de-la-declaration-sc…