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Le blog de Lucien PONS

Gattaz contre Molière. Article du journal "RUPTURES"

20 Mars 2017 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #Comité pour une Nouvelle résistance, #Europe supranationale, #La France, #AMERIQUE, #La mondialisation, #l'horreur économique

Gattaz contre Molière
Gattaz Molière

La « clause Molière » fait des vagues. Le président du Medef en personne est monté au créneau pour dénoncer les dérives « nationalistes » qu’il attribue à cette disposition. Celle-ci, qui a été votée par plusieurs Conseils régionaux (dominés par Les Républicains) prévoit que l’attribution d’un marché de travaux publics est conditionnée à l’engagement d’employer des salariés maîtrisant la langue française.

Officiellement, il s’agit d’assurer la sécurité sur les chantiers. Dans les faits, le but est de freiner l’extension galopante de l’emploi de « travailleurs détachés », traduction pratique de la libre circulation de la main d’œuvre au sein de l’UE. Un principe fondateur de l’intégration européenne qui permet de mettre les travailleurs des différents pays en concurrence directe les uns avec les autres.

Depuis l’élargissement de l’Union européenne à l’Est et la généralisation de cette règle sans restriction, des centaines de milliers de salariés sont ainsi embauchés par des sociétés souvent spécialisées à l’Est qui profitent des immenses écarts de salaire et de protection sociale entre Etats membres. Certes, un plombier polonais expédié en France bénéficie en principe du minimum salarial qui prévaut dans l’Hexagone. Mais, outre que cette disposition est bien souvent impunément bafouée  à travers diverses astuces, les cotisations sociales, elles, sont celles du pays d’origine.

L’accélération de cette pratique a conduit le Parlement européen à adopter quelques semblants de garde-fous en 2014. Il fut alors promis que, cette fois, ces pratiques seraient sérieusement encadrées. Deux ans plus tard, rien n’a changé. Sous la pression notamment des PME du bâtiment dans les pays de l’Ouest, qui voient leurs marchés s’envoler au profit des grandes entreprises recourant à la main d’œuvre de l’Est à bas prix, une nouvelle révision est envisagée. Les dirigeants des pays d’Europe centrale font barrage.

Tirs de barrage

Du coup, des biais tels que ladite clause Molière sont mise en place, d’autant que cette concurrence accrue sur le marché du travail passe de moins en moins inaperçue parmi les citoyens (et « nourrit les populismes » s’effraie-t-on du côté de LR).

Il n’en fallait pas moins pour déclencher des tirs de barrage. Des préfets – comme celui de la région Rhône-Alpes – saisissent la justice contre la clause. Le ministre des Finances a diligenté une étude auprès de ses services quant à la légalité de mesures faisant obstacle à la libre circulation. La CFDT, et même la CGT, ont dénoncé des intentions « visant à marcher sur les traces du Front national ».

 « Vous commencez comme ça, ensuite vous fermez les frontières françaises, et puis vous finissez par sortir de l’euro » – Pierre Gattaz

Ces oppositions viennent de recevoir un soutien de poids : Pierre Gattaz, le patron des patrons, a solennellement mis en garde : « vous commencez comme ça, et puis après vous commencez à faire du favoritisme, et puis ensuite vous fermez les frontières françaises, et puis vous finissez par sortir de l’euro ». Pardi…

Quant au patronat européen, il s’est insurgé contre la « discrimination des travailleurs en fonction de leur langue », et a appelé à sévir sans faiblesse : « nous comptons sur la Commission européenne et sur les gouvernements nationaux pour garantir l’application de la libre circulation en Europe ».

De son point de vue, il a parfaitement raison : l’Union a été conçue, dès son origine, pour assurer la « quadruple liberté » de circulation : des biens, des services, de la main d’œuvre et des capitaux. C’est grâce à cette dernière que les grands groupes peuvent fermer une usine là pour la délocaliser ailleurs – dernier exemple en date : la multinationale Whirlpool qui supprime son établissement de la Somme pour aller produire des lave-vaisselle en Pologne (un article détaillé sur cet exemple paraîtra dans l’édition de mars de Ruptures).

Une pratique parfaitement légitime, non ? Car comme dirait M. Gattaz, vous commencez par vous indigner des délocalisations, et vous finissez par vouloir sortir de l’UE…

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