La justice donne le feu vert à la ferme des "1.000 vaches"
La ferme picarde dite des "1.000 vaches", exploitation laitière industrielle à Drucat, près de l'aérodrome d'Abbeville, dans la région des Hauts-de-France, le 20 juin 2014 / © AFP/Archives / FRANCOIS LO PRESTI
Le tribunal administratif d'Amiens en a décidé ainsi et annulé les sanctions financières prises par la préfecture à l'encontre de l'exploitant, la SCEA (Société civile d'exploitation agricole) Côte de la justice, financée par le puissant groupe régional Ramery (BTP). "C'est une victoire importante pour l'exploitation, la confirmation de ce que nous disons depuis deux ans alors que tout le monde nous riait au nez", s'est félicité Me Pierre-Étienne Bodard, avocat de la SCEA.
Cette décision ne clôt cependant pas définitivement le dossier, l’État ayant la possibilité de faire appel. La préfecture de la Somme n'a fait aucun commentaire.
Le projet était contesté localement par des détracteurs de l'agriculture industrielle, notamment l'association Novissen, qui revendique 3.000 adhérents, et la Confédération paysanne. Réélue ce mois-ci députée de la Somme, l'ex-secrétaire d’État à la Biodiversité Barbara Pompili fait partie des opposants, qui avaient mené des opérations empêchant l'entrée et la sortie de bovins et de camions.
Cette ferme géante, dont la taille envisagée est sans précédent en France, est située à Drucat, non loin d'Abbeville. Un permis d'exploitation avait été délivrée en 2013 pour un troupeau limité à 500 têtes de bétail. Ouverte en septembre 2014, la ferme compte actuellement près de 800 vaches. "Notre dossier a été construit pour 1.000 vaches, si on nous ramène à 500 vaches, ça peut être compliqué", soulignait Michel Welter, le directeur de l'exploitation.
L'enquête publique sur l'extension du cheptel s'était soldée par un avis favorable. "Face à la suppression des quotas, à la libéralisation du marché, et à la concurrence européenne, ce type de ferme est une réponse pour faire face aux importations de lait (Allemagne, Danemark)", avaient soutenu les enquêteurs.
Mais pour Ségolène Royal, alors ministre de l’Écologie, ce projet entraînait "des modifications et augmentations substantielles de plusieurs sources de pollution, notamment l’augmentation de la quantité d’effluents, l’impact sur les odeurs liées au stockage de fumier et de lisier ou l’impact lié au trafic routier supplémentaire".
La justice ne s'est pas, néanmoins, prononcé sur le fond. Le tribunal d'Amiens s'est borné à estimer que l'absence de réponse dans un délai de deux mois de la préfecture au projet d'accroissement du cheptel valait validation tacite. Il s'est appuyé sur une disposition législative selon laquelle "le silence gardé pendant deux mois par l'autorité administrative sur une demande vaut décision d'acceptation", selon le texte du jugement communiqué à l'AFP.
Or, l’État ne s'est pas manifesté autrement que par la notification en juillet 2015 de sanctions à l'encontre de l'exploitant, qui avait adressé son projet de développement à la préfecture quatre mois plus tôt. Selon le tribunal administratif, ce projet devait s'analyser comme une demande formulée à l'administration.
"La SCEA a bénéficié à l'expiration du délai de deux mois courant à compter du 16 mars 2015, soit le 16 mai 2015, d'une décision implicite d'acceptation de sa demande", écrit le juge.
Conséquence de cette décision, les amendes, sous forme d'astreinte, infligées par l’État à l'exploitant sont nulles, et l’État devra à ce titre lui rembourser 8.580 euros.
Pour Me Grégoire Frison, avocat de Novissen, "la préfecture a saboté le dossier: c'est la première ferme d'élevage et ils loupent le délai? Quand c'est des petits éleveurs, ils le respectent scrupuleusement. Depuis le début nous soupçonnons des collusions entre la préfecture et (le groupe) Ramery".
En mai 2016, Mme Royal avait demandé au préfet de la Somme une nouvelle enquête publique... qui n'a pas commencé, l’État choisissant d'attendre l'issue du contentieux par la justice administrative.
(©AFP / 29 juin 2017 19h42)
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