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Le blog de Lucien PONS

Discours sur l’état de l’Union 2017 : Des vents favorables par Jean-Claude Juncker. (Partie I).

15 Septembre 2017 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #Comité pour une Nouvelle résistance, #La nation ., #Europe supranationale, #La France, #L'OTAN., #La République, #La finance dérégulée, #Le capitalisme;, #Le grand banditisme, #Les transnationales, #La lutte des classes, #l'horreur économique, #Le fascisme, #Politique intérieure

Discours sur l’état de l’Union 2017 : Des vents favorables
 
| Bruxelles (Belgique)
 
 
[PARTIE I]
 
 
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INTRODUCTION – DES VENTS FAVORABLES

M. le Président, Mesdames et Messieurs les membres du Parlement européen,

Lorsque je me suis présenté devant vous l’an dernier à la même période, ma tâche était, d’une certaine façon, plus facile.

Il était clair pour tout le monde que l’état de notre Union était pour le moins préoccupant

L’Europe comptait ses blessures et ses égratignures, après une année qui l’avait ébranlée jusque dans ses fondements.

Nous n’avions le choix qu’entre deux possibilités. Soit se rassembler autour d’un programme européen positif, soit se replier chacun sur soi en ignorant les autres.

Face à ce choix, j’ai plaidé pour l’unité.

J’ai proposé un programme positif pour, comme je l’ai dit l’année dernière, contribuer à créer une Europe qui protège, qui se donne les moyens d’agir et qui défend.

Au cours des douze derniers mois, le Parlement européen a contribué à donner vie à ce programme. Chaque jour qui passe, nous continuons à faire des progrès. Pas plus tard qu’hier soir, vous avez encore travaillé à un accord sur les instruments de défense commerciale et le doublement de notre capacité d’investissement européenne.

Je voudrais aussi remercier les 27 dirigeants de nos États membres. Quelques jours après mon discours de l’an dernier, ils ont approuvé mon programme lors de leur sommet de Bratislava. Ils ont ainsi choisi l’unité. Ils ont choisi de se rassembler autour de nos intérêts communs.

Ensemble, nous avons montré que l’Europe peut obtenir des résultats concrets pour ses citoyens, quand et là où c’est nécessaire.

Depuis lors, nous avons réussi des avancées parfois lentes mais irréversibles.

L’amélioration des perspectives économiques a joué en notre faveur.

Nous entrons à présent dans la cinquième année d’une reprise économique qui se fait enfin sentir dans chacun des États membres.

Ces deux dernières années, la croissance a été plus forte dans l’Union européenne qu’aux États-Unis. Elle se chiffre maintenant à plus de 2 % pour toute l’Union et à 2,2 % pour la zone euro.

Le chômage est au plus bas depuis neuf ans. Depuis le début de notre mandat, près de 8 millions d’emplois ont été créés. Et le taux d’emploi en Europe est plus élevé qu’il ne le fut jamais. Nous avons 235 millions d’Européens qui ont un travail.

La Commission européenne ne peut pas s’en attribuer seule tout le mérite. Cela dit, je suis sûr que si 8 millions d’emplois avaient été détruits, pour beaucoup c’eût été notre faute.

En réalité les institutions de l’Europe ont joué leur rôle en contribuant à faire en sorte que le vent tourne.

Nous pouvons nous attribuer le mérite de notre plan d’investissement pour l’Europe, qui a généré jusqu’à présent 225 milliards d’euros d’investissements. Il a accordé des prêts à plus de 445 000 petites entreprises et à plus de 270 projets d’infrastructure.

Nous pouvons nous attribuer le mérite d’une action déterminée, grâce à laquelle les banques européennes ont de nouveau la force de frappe financière nécessaire pour prêter aux entreprises et leur permettre de croître et de créer des emplois.

Et nous avons eu le mérite d’avoir contribué à la baisse des déficits publics qui sont passés d’un niveau de 6,6% à un niveau de 1,6%. Nous le devons à une application intelligente du Pacte de stabilité et de croissance. Nous exigeons une discipline budgétaire mais nous veillons à ce qu’elle ne nuise pas à la croissance. Cela fonctionne en fait très bien dans toute l’Union européenne - en dépit des critiques,

Dix ans après le déclenchement de la crise, l’Europe connaît enfin un rebond économique.

Et avec lui, un regain de confiance.

Les dirigeants de notre Union européenne à 27, le Parlement et la Commission sont en train de remettre le projet européen au cœur de notre Union.

L’an dernier, à Rome, nous avons vu les 27 dirigeants gravir un à un la colline du Capitole pour renouveler leurs vœux d’engagement mutuel et envers l’Union.

Tout cela m’incite à y croire : l’Europe a de nouveau le vent en poupe.

De nouvelles opportunités s’ouvrent à nous, mais elles ne resteront pas ouvertes éternellement.

Mettons cet élan à profit, profitons de ces vents favorables.

Et pour cela nous devons faire deux choses :

Premièrement, nous devons tenir le cap fixé l’an dernier. Il nous reste encore 16 mois durant lesquels le Parlement, le Conseil et la Commission peuvent accomplir de véritables progrès. Nous devons profiter de cette période pour terminer ce que nous avons commencé à Bratislava, et mettre en œuvre notre programme constructif.

Deuxièmement, nous devons nous fixer un objectif ambitieux pour l’avenir. Comme l’a écrit Mark Twain, quand les années auront passé, nous serons plus déçus par les choses que nous n’aurons pas faites que par celles que nous aurons faites. Le moment est venu de bâtir une Europe plus unie, plus forte et plus démocratique d’ici à 2025.

TENIR LE CAP

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les députés,

Alors que nous regardons vers l’avenir, nous ne pouvons pas nous laisser dévier de notre cap.

Ensemble, nous nous sommes fixés comme objectif de parachever une union de l’énergie, une union de la sécurité, une union des marchés des capitaux, une union bancaire et un marché unique numérique. Ensemble, nous avons déjà fait bien du chemin.

Comme l’a confirmé le Parlement, la Commission a déjà présenté 80% des propositions promises en début de mandat. Nous devons maintenant travailler ensemble pour que ces propositions deviennent des actes législatifs, et que ces actes se concrétisent dans la pratique.

Comme toujours, certaines concessions devront être faites. Les propositions présentées par la Commission pour réformer notre système d’asile commun ou pour établir de nouvelles règles plus solides sur le détachement des travailleurs sont des sujets de controverse. Nous obtiendrons de bons résultats si chacun bâtit sa partie du pont pour que les positions se rejoignent. Et je voudrais dire que la Commission sera ouverte au compromis, du moment que le résultat final est le bon pour l’Union, et équitable pour tous les Etats membres.

Nous sommes maintenant prêts à soumettre les 20% d’initiatives restantes d’ici à mai 2018.

Ce matin, j’ai adressé au président du Parlement européen, Antonio Tajani, et au premier ministre Jüri Ratas une lettre d’intention précisant les priorités pour l’année à venir.

Je ne vais pas vous énumérer ici toutes nos propositions, mais permettez-moi d’en mentionner cinq particulièrement importantes.

Premièrement, je voudrais que nous renforcions encore notre programme commercial européen.L’Europe est ouverte au commerce, oui. Mais réciprocité il doit y avoir. Il faudra que nous obtenions autant que ce que nous donnons.

Le commerce n’est pas un concept abstrait. Le commerce, ce sont des emplois, ce sont de nouvelles opportunités pour les entreprises européennes, grandes ou petites. Chaque milliard d’exportations en plus représente 14 000 emplois supplémentaires en Europe.

Le commerce, c’est l’exportation de nos normes sociales et environnementales, et de nos normes en matière de protection des données ou de sécurité alimentaire.

L’Europe a toujours été un espace économique attirant. Mais depuis l’an dernier, j’observe que nos partenaires du monde entier se pressent à notre porte pour conclure des accords commerciaux avec nous.

Grâce à l’aide du Parlement européen, nous venons de conclure avec le Canada un accord commercial qui s’appliquera de manière provisoire à compter de la semaine prochaine. Nous avons trouvé un accord politique avec le Japon sur un nouveau partenariat économique. D’ici la fin de l’année, nous avons de bonnes chances de faire de même avec le Mexique et les pays d’Amérique du sud.

Et aujourd’hui, nous proposons d’ouvrir des négociations commerciales avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande.

Je voudrais que tous ces accords soient finalisés d’ici la fin de ce mandat. Et je tiens à ce qu’ils soient négociés dans la plus parfaite transparence.

L’ouverture aux échanges doit aller de pair avec une transparence accrue de nos processus décisionnels.

Le Parlement européen aura le dernier mot sur l’ensemble des accords commerciaux. Donc, ses membres tout comme les parlements nationaux et régionaux doivent être tenus parfaitement informés dès le premier jour des négociations. La Commission y veillera.

Dorénavant, la Commission publiera l’intégralité des projets de mandats de négociation qu’elle présentera au Conseil.

Les citoyens ont le droit de savoir ce que propose la Commission. Fini le manque de transparence, finis les rumeurs et les procès d’intention dont la Commission ne cesse d’être l’objet. J’invite le Conseil à faire de même lorsqu’il adoptera les mandats de négociation définitifs.

Je voudrais dire une fois pour toutes : nous ne sommes pas des partisans naïfs du libre-échange.

L’Europe doit toujours défendre ses intérêts stratégiques.

C’est la raison pour laquelle nous proposons aujourd’hui un nouveau cadre de l’UE sur l’examen des investissements – "Investment Screening" en anglais. Si une entreprise publique étrangère veut faire l’acquisition d’un port européen stratégique, d’une partie de notre infrastructure énergétique ou d’une de nos sociétés dans le domaine des technologies de défense, cela ne peut se faire que dans la transparence, à travers un examen approfondi et un débat. Il est de notre responsabilité politique de savoir ce qui se passe chez nous afin d’être en mesure, si besoin, de protéger notre sécurité collective.

Deuxièmement, je veux rendre notre industrie plus forte et plus compétitive.

C’est en particulier vrai pour ce qui concerne notre base industrielle et les 32 millions de travailleurs qui en constituent la colonne vertébrale. Ce sont eux qui fabriquent les produits de toute première classe -nos voitures, par exemple - auxquels nous devons notre avance par rapport à d’autres.

Je suis fier de notre industrie automobile. Mais je suis choqué quand clients et consommateurs sont sciemment et intentionnellement trompés. J’invite l’industrie automobile à faire amende honorable et à corriger le tir. Au lieu de chercher à tromper et à induire en erreur, les constructeurs devraient investir dans les voitures propres qui sont celles du futur.

Nous présentons aujourd’hui une nouvelle stratégie industrielle pour l’Europe qui permettra à notre industrie de rester ou de devenir le numéro un mondial en matière d’innovation, de numérisation et de décarbonisation.

Troisièmement, je veux que l’Europe soit à l’avant-garde de la lutte contre le changement climatique.

L’année dernière nous avons fixé des normes climatiques globales avec la ratification de l’accord de Paris ici même, dans cette assemblée. Face à l’affaissement des ambitions dont font preuve les Etats-Unis, l’Europe va faire en sorte de rendre grande la planète qui est la patrie indivisible de l’humanité toute entière. La Commission présentera sous peu une proposition de réduction des émissions de carbone dans le secteur des transports.

Quatrième priorité pour l’année à venir : nous protégerons mieux les Européens à l’ère du numérique.

Au cours des trois dernières années, nous avons fait des progrès dans la sécurisation de l’internet. De nouvelles règles, proposées par la Commission, protégeront nos droits de propriété intellectuelle, notre diversité culturelle et nos données à caractère personnel. Nous avons intensifié la lutte contre la propagande terroriste et la radicalisation en ligne. Mais l’Europe reste mal équipée face aux cyberattaques.

Les cyberattaques sont parfois plus dangereuses pour la stabilité des démocraties et des économies que les fusils et les chars. Rien que l’année dernière, on a enregistré plus de 4 000 attaques par rançongiciel et 80% des entreprises européennes ont connu au moins un incident lié à la cybersécurité.

Les cyberattaques ne connaissent pas de frontières et n’épargnent personne. C’est pourquoi la Commission propose aujourd’hui de nouveaux outils, et notamment une Agence européenne de cybersécurité, pour mieux nous défendre contre ces attaques.

Cinquièmement : la migration restera sur notre radar.

Même si les questions gravitant autour de la migration ont souvent suscitées débats et polémiques, nous sommes parvenus à faire des réels progrès sur de nombreux plans.

Aujourd’hui, nous protégeons nos frontières extérieures de façon plus efficace. Plus de 1 700 officiers du nouveau corps de garde-frontières et garde-côtes, soutiennent maintenant les 100 000 garde-frontières nationaux des États membres et patrouillent notamment en Grèce, en Italie, en Bulgarie et en Espagne. Nous avons des frontières communes mais les Etats qui sont en première ligne du fait de leur situation géographique ne doivent pas être les seuls responsables de leur protection. Frontières communes et protection commune doivent aller ensemble.

Nous sommes parvenus à endiguer les flux de migrants irréguliers, sources de grande inquiétude dans de nombreux pays. Nous avons réduit de 97% le nombre des arrivées irrégulières en Méditerranée orientale grâce à l’accord que nous avons conclu avec la Turquie. Et, cet été, nous avons réussi à mieux contrôler la route de la Méditerranée centrale : les arrivées y ont diminué de 81% en août par rapport au même mois de l’année dernière.

De cette manière, nous avons considérablement réduit le nombre des vies humaines perdues en Méditerranée. Près de 2 500 personnes sont mortes cette année, ce qui est une véritable tragédie. Je n’accepterai jamais que des êtres humains trouvent la mort en pleine mer.

Je ne peux pas parler de migration sans rendre un hommage appuyé à l’Italie pour sa persévérance et sa générosité. Cet été, la Commission a encore travaillé en étroite coopération avec le premier ministre Paolo Gentiloni et son gouvernement pour améliorer la situation, notamment en formant les garde-côtes libyens. Nous continuerons à apporter un soutien massif à l’Italie, tant opérationnel que financier. Parce que l’Italie sauve l’honneur de l’Europe en Méditerranée.

Nous devons aussi et de toute urgence améliorer les conditions de vie des réfugiés en Libye. Je suis atterré par les conditions inhumaines qui prévalent dans les centres de rétention ou d’accueil. Ici, l’Europe a une responsabilité collective et la Commission agira de concert avec les Nations Unies pour mettre fin à cette situation scandaleuse qui ne saurait durer.

Même si cela m’attriste de voir que tous nos États membres ne montrent pas encore le même degré de solidarité, l’Europe, dans son ensemble, a continué à faire preuve de solidarité. Rien que l’année passée, nos États membres ont accordé l’asile à plus de 720 000 réfugiés, ou ont pourvu à leur réinstallation. C’est trois fois plus que l’Australie, le Canada et les États-Unis ensemble. L’Europe, contrairement à ce qui est dit, n’est pas une forteresse et ne doit jamais le devenir. L’Europe est, et restera le continent de la solidarité où doivent pouvoir se réfugier ceux qui sont poursuivis pour des raisons inacceptables.

Je suis particulièrement fier des jeunes Européens qui se portent volontaires pour donner des cours de langue aux réfugiés syriens ou de tous ces jeunes qui, par milliers, se sont mis au service de notre nouveau corps européen de solidarité. Ils donnent vie et couleur à la solidarité européenne.

Nous devons aujourd’hui redoubler d’efforts. Avant la fin du mois, la Commission présentera une nouvelle série de propositions centrées sur les retours, la solidarité avec l’Afrique et l’ouverture de voies de migration légales.

Concernant plus particulièrement les retours : les personnes qui ne sont pas en droit de séjourner en Europe doivent regagner leur pays d’origine. Alors que seulement 36% des migrants en situation irrégulière sont renvoyés, il est évident que nous devons considérablement intensifier notre action en la matière. C’est seulement de cette manière que l’Europe pourra faire preuve de solidarité à l’égard des réfugiés qui ont réellement besoin d’une protection.

La solidarité ne peut pas être une solidarité exclusivement intra-européenne. Il s’agit aussi de mettre en place une plus grande solidarité avec l’Afrique : l’Afrique, berceau de l’humanité, est un continent noble et jeune. Notre fonds fiduciaire pour l’Afrique, doté d’une enveloppe de 2,7 milliards d’euros, ouvre des possibilités d’emploi partout sur le continent africain. Mais, alors que le budget de l’UE a assumé le gros du financement, la contribution de tous nos États membres réunis ne s’élève qu’à 150 millions d’euros. Le fonds atteint maintenant ses limites. Nous connaissons les risques d’une pénurie de financement : en 2015, de nombreux migrants ont voulu rejoindre l’Europe quand et parce que les fonds du Programme alimentaire mondial de l’ONU se sont épuisés. J’invite donc les États membres à joindre le geste à la parole et à veiller à ce que le fonds fiduciaire pour l’Afrique ne connaisse pas le même sort.

Nous allons aussi travailler à l’ouverture de voies de migration légales. La migration irrégulière ne s’arrêtera que lorsque les migrants auront une autre option que d’entreprendre un voyage périlleux. Nous sommes sur le point de réinstaller 22 000 réfugiés venant de Turquie, de Jordanie et du Liban et je m’associe à l’appel lancé par le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés Filippo Grandi pour réinstaller 40 000 autres réfugiés originaires de Libye et des pays voisins. Pour le reste, l’Europe est un continent qui vieillit, raison de plus pour le doter d’un système de migration légale qui est une nécessité. C’est la raison pour laquelle la Commission a fait des propositions pour faciliter l’accès des migrants à la carte bleue européenne, et je vous remercie du soutien que le Parlement apporte à notre proposition. Je plaide pour un accord ambitieux et rapide sur ce dossier important.

HISSONS LES VOILES

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, et Mesdames et Messieurs les députés,

Je n’ai mentionné que quelques-unes des initiatives que nous devrions mettre en place au cours des seize prochains mois.

Mais cela ne suffira pas pour regagner le cœur et l’esprit des Européens.

Nous devons maintenant fixer un cap pour l’avenir.

En mars, la Commission a présenté son Livre blanc sur l’avenir de l’Europe, qui décline en cinq scénarii le visage que pourrait prendre l’Europe d’ici à 2025. Ces scénarii ont été débattus, analysés et même parfois complètement décortiqués. Je m’en félicite car c’était exactement le but recherché. J’ai voulu lancer ainsi un processus qui permette aux Européens de déterminer eux-mêmes leur propre voie pour l’avenir.

Parce que l’avenir de l’Europe ne peut pas être dicté par ses seuls dirigeants.Il ne peut être que l’aboutissement d’un débat démocratique débouchant sur un large consensus. Cette assemblée y a activement contribué avec ses trois ambitieuses résolutions sur l’avenir de l’Europe et en participant à de nombreux événements publics parmi les 2000, et plus, que la Commission a organisés depuis mars.

Le moment est venu de tirer les premières conclusions de ce débat. Le moment est venu d’aborder la prochaine étape : passer de la réflexion à l’action, du débat à la décision.

Je voudrais aujourd’hui vous présenter ma vision des choses : mon scénario personnel - si vous voulez – mon "sixième scénario".

Ce scénario est le fruit de dizaines d’années d’expérience personnelle. Toute ma vie, j’ai vécu et travaillé pour le projet européen. J’ai connu de bons et de mauvais moments.

J’ai occupé bon nombre de sièges autour de la table de négociation : en tant que ministre, Premier ministre, président de l’Eurogroupe, et maintenant président de la Commission. J’étais là, à Maastricht, Amsterdam, Nice et Lisbonne, quand notre Union évoluait et s’élargissait. Je me suis toujours battu pour l’Europe. J’ai parfois souffert avec et à cause de l’Europe, et il m’est même arrivé de douter de l’Europe.

Avec l’Union européenne, j’ai aussi traversé des hauts et des bas, mais je n’ai jamais perdu cet amour de l’Europe.

Car il n’y pas d’amour sans déconvenue, en tout cas très rarement.

Alors il faut aimer l’Europe, parce quedans ce monde troublé, l’Europe et l’Union européenne ont réussi une performance unique, imposer la paix à l’intérieur et à l’extérieur de ses frontières. Et la prospérité si ce n’est pour tous, en tout cas pour un grand nombre. Nous devrions méditer sur cela à l’occasion de l’Année européenne du patrimoine culturel qui doit célébrer en 2018 notre diversité culturelle.

UNE UNION DE VALEURS

Etre attaché aux mêmes valeurs, nous apporte un sentiment d’appartenance.

Pour moi, l’Europe est un projet plus vaste que le marché unique, la monnaie, l’euro. Elle a toujours été une question de valeurs.

Dans mon sixième scénario, l’Europe repose sur trois principes fondamentaux, que nous devons toujours défendre et promouvoir : la liberté, l’égalité et l’état de droit.

L’Europe est d’abord une union de la liberté. De la liberté face à l’oppression et à la dictature que notre continent, surtout l’Europe centrale et orientale, ont hélas trop bien connus. Je veux dire la liberté de faire entendre sa voix, en tant que citoyen et en tant que journaliste, cette liberté dont nous pensons bien trop souvent qu’elle relève de l’évidence. Ce sont des valeurs sur lesquelles s’est construite notre Union. Mais la liberté ne tombe pas du ciel. Nous devons nous battre pour qu’elle triomphe. En Europe et dans le monde.

Deuxièmement, l’Europe doit être une union de l’égalité.

Cela veut dire l’égalité entre ses membres, grands ou petits, de l’Est comme de l’Ouest, du Nord comme du Sud.

L’Europe s’étend de Vigo à Varna, de l’Espagne à la Bulgarie.

L’Europe doit respirer avec ses deux poumons, avec celui de l’est et avec celui de l’ouest. Sinon notre continent s’essouffle.

Dans une Union où tous sont égaux, il ne peut y avoir de citoyens de seconde classe. Il est inacceptable qu’en 2017, des enfants meurent encore de maladies qui auraient dû être éradiquées depuis longtemps en Europe. Les enfants de Roumanie ou d’Italie doivent avoir le même accès aux vaccins contre la rougeole que les autres enfants d’Europe. Pas de si, ni de mais qui tiennent. C’est la raison pour laquelle nous travaillons avec tous les États membres pour soutenir leurs efforts de vaccination sur le plan national. En Europe on ne peut pas accepter des morts quand elles peuvent être évitées.

Dans une Union où tous sont égaux, il ne peut y avoir de travailleurs de seconde classe. Ceux qui font le même travail, sur un même lieu, doivent toucher le même salaire. Les propositions de la Commission sur le détachement des travailleurs visent à assurer cet objectif. Nous devrions faire en sorte que toutes les règles de l’UE en matière de mobilité des travailleurs soient mises en œuvre de manière juste, simple et efficace par un nouvel organisme européen d’inspection et d’application des règles. Il y a quelque chose d’absurde à disposer d’une Autorité bancaire pour faire appliquer les normes bancaires, mais pas d’une Autorité commune du travail pour veiller au respect de l’équité dans notre marché unique. Nous devons la créer.

Dans une Union où tous sont égaux, il ne peut y avoir de consommateurs de seconde classe. Je n’accepterai pas que dans certaines régions d’Europe, les gens se voient proposer des produits alimentaires de moindre qualité que dans d’autres pays, sous des marques et des emballages pourtant identiques. Les Slovaques ne méritent pas d’avoir moins de poisson dans leurs poissons panés, les Hongrois moins de viande dans leurs repas, ou les Tchèques moins de cacao dans leur chocolat. La réglementation de l’UE interdit déjà ce genre de pratiques. Il nous reste à renforcer les moyens dont disposent les autorités nationales pour réprimer toute pratique illégale partout où elle est constatée.

Troisièmement : En Europe la force du droit a remplacé la règle du plus fort. Cela signifie que l’autorité de la loi est garantie par un pouvoir judiciaire indépendant.

Appartenir à une Union fondée sur l’état de droit, cela veut dire qu’il faut savoir accepter et respecter un jugement. Les États membres ont accordé à la Cour de justice de l’Union européenne la compétence pour statuer en dernier ressort. Les jugements de la Cour de justice européenne doivent donc être respectés dans tous les cas. Ne pas le faire ou saper l’indépendance des juridictions nationales, revient à déposséder les citoyens de leurs droits fondamentaux.

L’état de droit n’est pas une option dans l’Union européenne. C’est une obligation.

Notre Union n’est pas un Etat, elle est une communauté de droit.

[A suivre]
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