Discours sur l’état de l’Union 2017 : Des vents favorables par Jean-Claude Juncker. [PARTIE II]. A suivre.
Discours sur l’état de l’Union 2017 : Des vents favorables
par Jean-Claude Juncker
Réseau Voltaire | Bruxelles (Belgique) | 13 septembre 2017
En trois parties.
[PARTIE II]
UNE UNION PLUS UNIE
Mesdames et Messieurs les députés,
Liberté, égalité et état de droit, ces trois principes doivent être les fondations sur lesquelles nous construirons une Union plus forte, plus unie et plus démocratique.
Quand nous parlons de notre avenir, je sais d’expérience que de nouveaux traités et de nouvelles institutions ne sont pas les réponses attendues. Ce ne sont là que des moyens de parvenir à une fin – ni plus, ni moins. De nouveaux traités, de nouvelles institutions, cela nous parle, à nous, ici ; à Strasbourg comme à Bruxelles. Mais ailleurs, ils ne veulent pas dire grand-chose.
Les réformes institutionnelles ne m’intéressent que si elles contribuent à rendre notre Union plus efficace.
Au lieu de se lancer tête baissée dans de futurs changements de traités, qui devront venir un jour ou l’autre, nous devrions tout d’abord nous défaire de l’idée qui voudrait qu’on ne puisse gagner que si d’autres perdent. La démocratie est une question de compromis. Et avec de bons compromis, tout le monde est gagnant. Dans l’Union européenne les compromis ne sont ni négatifs, ni diffamants, ils permettent, au contraire, de combler et de réconcilier les différences. Celui qui n’est pas capable de faire des compromis n’est pas mûr pour la démocratie ni pour l’Europe. Cela devrait toujours être l’objectif du travail commun du Parlement, du Conseil et de la Commission.
Pour renforcer son unité, l’Union européenne doit aussi devenir plus inclusive.
Si nous voulons renforcer la protection de nos frontières extérieures, nous devons laisser la Bulgarie et la Roumanie rejoindre immédiatement l’espace Schengen. Nous devrions aussi permettre à la Croatie d’en devenir membre à part entière, une fois qu’elle en remplira tous les critères.
Si nous voulons que l’euro unisse notre continent plutôt que de le diviser, il faut qu’il soit plus que la monnaie de quelques. L’euro a vocation à devenir la monnaie unique de toute l’Union européenne. Tous nos États membres, sauf deux, ont le droit et l’obligation d’adopter l’euro dès qu’ils rempliront toutes les conditions.
Les Etats membres qui veulent intégrer la zone euro doivent aussi avoir la capacité de le faire. C’est la raison pour la laquelle je propose la création d’un instrument d’adhésion à l’euro, offrant une assistance de pré-adhésion technique et parfois financière.
Si nous voulons que les banques soient soumises aux mêmes règles et à la même surveillance sur l’ensemble de notre continent, nous devons encourager tous les États membres à rejoindre l’union bancaire. Et il est urgent de la compléter. Pour cela, il nous faut réduire les risques qui existent encore dans les systèmes bancaires de certains de nos Etats membres. L’union bancaire ne peut fonctionner que si la réduction et le partage de ces risques vont de pair. Pour y parvenir, comme chacun le sait, certaines préconditions doivent être rétablies comme la Commission l’a proposé en novembre 2015. Il ne pourra y avoir une garantie des dépôts commune que si chacun respecte ses devoirs nationaux.
Si nous voulons mettre fin à la fragmentation et au dumping social en Europe, les Etats membres devront se mettre d’accord sur le socle européen des droits sociaux aussi rapidement que possible, et au plus tard lors du sommet de Göteborg en novembre. Les systèmes sociaux nationaux resteront encore pour longtemps divers et distincts. Mais nous devrions au minimum travailler à une union européenne des normes sociales, pour déterminer ensemble ce qui est juste et injuste dans notre marché intérieur. Si l’Europe veut réussir, elle ne peut pas délaisser ses travailleurs.
Si nous voulons plus de stabilité dans notre voisinage, nous devons offrir des perspectives d’élargissement crédibles aux Balkans occidentaux. Il n’y aura pas de nouveaux pays membres, durant le mandat de cette Commission et de ce Parlement, parce que les critères d’adhésion ne peuvent pas encore être remplis. Mais dans les années qui viennent l’Union européenne comptera plus de 27 membres. Pour tous les pays candidats à l’adhésion, une priorité absolue doit être donnée au respect de l’état de droit, de la justice et des droits fondamentaux.
Cela exclut une adhésion de la Turquie à l’UE dans un avenir proche.
Depuis un certain temps, la Turquie s’éloigne à pas de géants de l’Union européenne. La place des journalistes est dans les rédactions, là où règne la liberté d’expression. Leur place n’est pas dans les prisons.
J’en appelle aux autorités turques : libérez les journalistes, et pas seulement nos journalistes. Arrêtez d’insulter nos Etats membres et nos chefs d’état et de gouvernement en les traitant de fascistes ou de nazis. L’Europe est un continent composé de démocraties mûres. Celui qui offense, se ferme la route vers notre Union. J’ai parfois le sentiment que la Turquie cherche à fermer ce chemin pour rendre ensuite l’Union européenne responsable d’un échec des négociations d’adhésion.
De notre côté, nous garderons toujours la main tendue en direction du grand peuple turc et de tous ceux qui sont disposés à coopérer avec nous sur la base de nos valeurs.
UNE UNION PLUS FORTE
Mesdames et Messieurs les députés,
Notre Union doit gagner aussi en force.
Je voudrais que le marché intérieur gagne en force.
Je voudrais que sur les questions importantes concernant ce marché les décisions puissent être plus souvent et plus facilement prises au Conseil à la majorité qualifiée avec une participation égale du Parlement européen. Il n’est pas nécessaire de modifier les traités pour cela. Il existe des clauses dites "passerelles" dans les traités actuels qui nous permettent de passer au vote à la majorité qualifiée au lieu de l’unanimité dans certains domaines, à condition que le Conseil européen le décide à l’unanimité.
Je suis d’avis que nous devrions introduire le vote à la majorité qualifiée sur les décisions concernant l’assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés, la TVA, une fiscalité juste pour l’industrie numérique et la taxe sur les transactions financières. Car l’Europe doit être capable de décider plus rapidement et plus efficacement.
Je veux une union économique et monétaire plus forte. La zone euro est aujourd’hui plus robuste qu’elle ne l’a jamais été. Nous avons notamment créé un mécanisme européen de stabilité (MES). Je pense que le MES devrait maintenant évoluer progressivement vers un Fonds monétaire européen, fermement ancré dans notre Union. La Commission fera des propositions concrètes en ce sens en décembre.
Il nous faut un ministre européen de l’économie et des finances, quiencourage et accompagne les réformes structurelles dans nos États membres. Il pourra s’appuyer sur le travail mené par la Commission depuis 2015 dans le cadre de son service d’appui à la réforme structurelle.
Ce ministre européen de l’économie et des finances devrait coordonner l’ensemble des instruments financiers de l’UE lorsqu’un État membre entre en récession ou est frappé par une crise menaçant son économie.
Je ne plaide pas pour la création d’une nouvelle fonction. Pour des raisons d’efficacité, je plaide pour que cette tâche soit confiée au commissaire européen en charge de l’économie et des finances – idéalement vice-président de la Commission européenne – et président de l’Eurogroupe.
Ce ministre européen de l’économie et des finances sera bien évidemment responsable devant ce Parlement européen.
Nous n’avons pas besoin de structures parallèles. Par conséquent, nous n’avons pas besoin d’un budget de l’euro distinct, mais d’une ligne budgétaire conséquente dédiée à l’euro zone dans le cadre de notre budget de l’UE.
Je n’ai pas de sympathie pour l’idée d’un Parlement spécifique de la zone euro. Le Parlement de la zone euro est le Parlement européen.
L’Union européenne doit être plus forte en matière de lutte contre le terrorisme. Ces trois dernières années, nous avons fait des progrès mais nous ne réagissons pas assez rapidement en cas de menaces terroristes transfrontalières. Je plaide pour la création d’une cellule européenne de renseignement chargée de veiller à ce que les données relatives aux terroristes et aux combattants étrangers soient automatiquement échangées entre les services de renseignement et la police.
De même, il me paraît tout à fait indiqué de charger le nouveau parquet européen de poursuivre les auteurs d’infractions terroristes transfrontalières.
L’Union européenne doit avoir aussi plus de poids sur la scène internationale. Et pour ce faire, elle doit être capable de prendre plus rapidement des décisions de politique étrangère. Je voudrais que les États membres examinent quelles sont les décisions de politique extérieure qui pourraient être adoptées non plus à l’unanimité, mais à la majorité qualifiée. Le traité le permet, si Conseil européen le décide à l’unanimité.
En matière de défense, des efforts supplémentaires sont nécessaires. La création d’un Fonds européen de la défense est à l’ordre du jour. La coopération structurée permanente dans le domaine de la défense est en bonne voie. D’ici à 2025, nous devrions disposer d’une union européenne de la défense opérationnelle. Nous en avons besoin. Et l’OTAN y est favorable.
Enfin, et dans la droite ligne des efforts menés par la Commission ces dernières années, je voudrais que notre Union se concentre davantage sur ce qui compte réellement. Nousne devons pas agacer les citoyens européens avec des règlements qui régissent les moindres détails de leurs vies. Nous ne devons pas proposer sans cesse de nouvelles initiatives mais rendre des compétences aux gouvernements nationaux dans des domaines où cela fait du sens.
C’est la raison pour laquelle cette Commission a été plus ambitieuse sur les grands enjeux, et plus discrète sur les dossiers de moindre importance. Elle a proposé moins de 25 initiatives nouvelles par an, alors que les Commissions précédentes en présentaient plus de 100. Nous avons rétrocédé des compétences dans les domaines où il est plus pertinent que ce soit les gouvernements nationaux qui prennent eux-mêmes les choses en mains. Grâce à l’excellent travail de la commissaire Vestager, nous avons délégué 90% des décisions en matière d’aides d’État aux autorités régionales ou locales.
Afin de mener à bon terme le travail que nous avons entamé, nous allons créer d’ici la fin du mois une task force « Subsidiarité et proportionnalité » pour regarder de plus près toutes nos politiques, afin que l’Europe n’agisse que là où elle a une vraie valeur ajoutée. Le premier vice-président qui a déjà mis toute son énergie dans le « mieux légiférer », présidera à cette task-force. Cette task-force Timmermans devrait comprendre des membres du Parlement européen ainsi que des parlements nationaux. Elle présentera un rapport de ses travaux dans un an.
[A suivre]