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Le blog de Lucien PONS

Lettre de Christina Komi suite à la grande manifestation grecque dans la ville de Thessalonique à propos de la Macédoine, le dimanche 21 janvier 2018.

24 Janvier 2018 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #Comité pour une Nouvelle résistance, #Europe supranationale, #La France, #AMERIQUE, #L'OTAN., #Grèce, #Yougoslavie, #Macédoine

Lettre de  Christina Komi suite à la grande manifestation grecque dans la ville de Thessalonique à propos de la Macédoine, le dimanche 21 janvier 2018.

 

 

Chers amis,

deux mots pour vous transmettre la nouvelle d'une énorme manifestation (entre 700.000 et 1.300.000 personnes), inattendue, et bien évidemment sabotée par les médias (comme d'habitude) avant et après, qui a eu lieu à la ville de Thessalonique, avant-hier, dimanche 21/01/2018 à propos des dernières évolutions sur l'échiquier géopolitique relatifs à l'usage du terme "Macédoine".

Le peuple grec --tant découragé, déçu et humilié sur le plan économique-- a levé la tête et est massivement sorti dans les rues, pour une question qui relève du plan symbolique: pour un nom lié à son histoire, à son identité, à son territoire, à son patrimoine culturel.

 

A propos de cette question, j'ai pris le temps de traduire pour le public français, la lettre que le compositeur Mikis Theodorakis a adressé à un artiste originaire du pays voisin (et de la ville de Skopje) par rapport à la question. J'ai également rédigé une brève introduction, étant donné que la question est mal connue et mal entendue dans plusieurs milieux.

Je vous les fais suivre.

Vous pouvez les diffuser.

Christina Komi

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Lettre de  Christina Komi suite à la grande manifestation grecque dans la ville de Thessalonique à propos de la Macédoine, le dimanche 21 janvier 2018.

Introduction à la lettre du compositeur Mikis Theodorakis

A propos de l’usage du terme « Macédoine » et de la question politique de la dénomination officielle de ce petit pays situé au sud de l'ex-Yougoslavie. La question du nom de ce pays et de sa reconnaissance de la part de la Grèce est revenue ces derniers temps en première page de l'actualité en Grèce, sous l’urgente pression de l'Empire qui souhaite en finir rapidement avec cette question afin de pouvoir intégrer le nouvel Etat balkanique dans l'Otan, en vue de fermer définitivement les portes à un éventuel accès de la Russie en Méditerranée.

Etant donné l'extrême faiblesse de la Grèce en ce moment, pays sans souveraineté, hypothéquée dans tous les sens, mise sous la main de la Troika et des vautours, et « gouvernée » par des marionnettes, des traitres qui sont prêts à tout jeter aux charognards, on peut sentir déjà, le démembrement final venir : l'amputation territoriale.

Ça vaut la peine de lire cette lettre, que j'ai traduit du grec pour vous, et qui constitue la réponse du compositeur grec d'envergure internationale, Mikis Theodorakis, à la lettre de l'artiste Balagosa Nakoski, (originaire de Skopje).

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Lettre de  Christina Komi suite à la grande manifestation grecque dans la ville de Thessalonique à propos de la Macédoine, le dimanche 21 janvier 2018.

Lettre du compositeur Mikis Theodorakis

(Cher M. Nakoski,)

Je suppose que vous êtes très jeune et que, par conséquent, vous ne connaissez pas certains faits qui se sont produits il y a de nombreuses années et qui expliquent mon attitude actuelle à l'égard des relations entre nos deux peuples.

Avant la Seconde Guerre mondiale, lorsque le jeune et faible KKE voulait rejoindre l'Internationale communiste (Moscou), les Partis communistes bulgare et yougoslave lui ont posé comme condition, son accord à l'idée de la création d'un Etat communiste indépendant sous le nom de "Macédoine" qui comprendrait toute la Grèce du Nord.

Comme il était naturel, une tempête a éclaté en Grèce, ce qui a obligé le KKE à réviser cette position. Cependant, il en a été profondément marqué, marque qui, à mon avis, a été estompée quand le KKE a pris en 1941 la tête de la Résistance contre les Allemands.

A la fin de la guerre, a été créé la Yougoslavie communiste. En ce temps-là, Tito a nommé « Macédoine » la partie sud de ce pays (la région du Vardar), dans l'espoir qu'à l'avenir, il aurait la possibilité d’étendre le territoire de son pays jusqu'à la mer Egée.

Malheureusement pour nous, la Grèce, après sa libération des Allemands, a été amenée à la guerre civile (1944-1949), et le gouvernement d'Athènes s'est vu complètement dépendant de l'aide des puissances occidentales. Et les Anglais ne voulaient surtout pas contrarier Tito dans l'espoir qu'il ferait ce qu'il a effectivement fait : interrompre ses relations avec Moscou. A cause de son impuissance, le gouvernement grec n'a pas protesté à ce moment là, alors que tout le monde savait que par ce nom de « République de Macédoine »
le leader yougoslave créait un cheval de Troie : pour se débrouiller de faire ce qui était sa tâche en tant qu'homme du Komintern, créer une Macédoine communiste qui arriverait jusqu'à la mer Egée.

 

C'est alors que naît le mythe de l'origine des habitants de cette région, les soit disant descendants d'Alexandre le Grand, ainsi que tout ce que l’on connaît aujourd'hui et qui est inclus dans la Constitution de votre pays : la Grande Idée du Salut, avec laquelle de nombreuses générations ont été nourries, et à laquelle des gens comme vous sont, je suppose, tout à fait liés. Et je comprends que, puisqu'ils ont grandi avec ce mythe, ils se considèrent comme étant des Macédoniens.

Mais de votre côté, vous aussi devez reconnaître que nous Grecs, nous avons raison de protester quand, sous le prétexte de ce nom, vous nous emmenez face à des incongruités comme celle-ci : vous faites circuler des cartes d'un pays appelé Macédoine dont les frontières arrivent jusqu'au Mont Olympe ; prétendant ainsi que nous, Grecs, nous sommes des occupants étrangers de notre propre ville Thessalonique --de Thessalonique la grecque-- et encore d'autres propositions qui défient l'intégrité même de notre pays.

Alors comment me demandez-vous d'être ... "cosmopolite" quand par l'intermédiaire de tous ces mythes une série des gens essaient de démembrer ma patrie?

Cher M. Nakoski, le Destin, a voulu que je devienne un témoin direct des manipulations subtiles du leader yougoslave et de son cabinet qui ont, par ailleurs, essayé de me rendre complice de leur politique de «Grande Macédoine». C'était à l'époque où j'avais composé la musique pour la bataille de Sioucheka et je visitais souvent la Yougoslavie en tant qu'invité de Tito, que j'ai tant admiré et apprécié.

C'est alors que Tito lui-même m'a demandé d'écrire la musique pour un film qui traitait de la région sud de son pays. Quand j'ai lu le script, j'ai constaté que le film nous présentait nous, les Grecs, comme des conquérants de la ville de Thessalonique et oppresseurs de ses habitants. J'ai alors non seulement refusé d'écrire la musique, mais j'ai eu le courage d’avoir une confrontation nette avec Tito. Car j'ai constaté que son raisonnement était le suivant : puisque sa Macédoine à lui, communiste, était une « nécessité historique », il était tout à fait légitime de procéder à la création d'un Etat communiste au détriment d'un pays limitrophe capitaliste, comme la Grèce.

 

Suite à ceci, nos relations ont été troublées, surtout quand je lui ai fait remarquer que je ne comprenais pas comment un homme comme lui, qui avait mis sa patrie au-dessus de Moscou et de Staline, était incapable d'apprécier mon propre patriotisme à moi et le fait que je le mettais avant tout.

Dans toute ma vie, j'ai montré, me semble-t-il, combien j’ai à coeur la coexistence pacifique des peuples.

Et je n'hésite pas de dire que je n'ai rien contre vos compatriotes, comme je n'avais rien contre eux non plus à l'époque où j'ai dirigé « Zorba » à Skopje.

Mais quand je vois que la coexistence pacifique de ces deux peuples devient une arme aux mains de forces obscures qui exploitent les peuples, et que le résultat est le danger imminent d'une amputation territoriale de mon pays, je ne peux pas rester les bras croisés, je ne peux pas ne pas réagir par toutes mes forces.

Sincèrement,

Mikis Theodorakis

 

Le lien de la lettre publiée en grec :

https://spithathessalonikis.blogspot.fr/2018/01/blog-post_12.html?spref=fb

Lettre de  Christina Komi suite à la grande manifestation grecque dans la ville de Thessalonique à propos de la Macédoine, le dimanche 21 janvier 2018.
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