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Le blog de Lucien PONS

11/6/1944 : 13 résistants, dont 5 lycéens niçois, fusillés par la Gestapo à Saint-Julien-du-Verdon (04)

8 Septembre 2018 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #Comité pour une Nouvelle résistance, #Histoire, #Europe supranationale, #La France, #La nation ., #La République

11/6/1944 : 13 résistants, dont 5 lycéens niçois, fusillés par la Gestapo à Saint-Julien-du-Verdon (04)
 

11 résistants, dont 5 jeunes du lycée Masséna, ont été fusillés, dans un champ, le 11 juin 1944 par la Gestapo niçoise, à Saint-Julien-du-Verdon (Alpes-de-Haute-Provence, anciennement Basses-Alpes) dans un champ. Un espace commémoratif rappelle cette exécution collective. 

Par Yves Lebaratoux avec Wikipedia

Les causes de l'exécution :

(Article détaillé : Bataille de Normandie).
Dans le cadre d'un débarquement allié à venir, la Résistance reçoit comme consigne d'intensifier les actions de guérillas et de formation de maquis aussi bien dans le nord que le sud de la France. Le lieu précis du débarquement est encore inconnu.
Le 3 juin 1944, un détachement de maquisards Francs-tireurs et partisans (FTPF) occupe le village de Saint-Pierre (Alpes-de-Haute-Provence).
Le détachement est commandé par Henri Hutinet alias Jean-Louis (Voray), ancien officier de l'armée d'armistice.
2 miliciens sont arrêtés, jugés, condamnés à mort et exécutés en public à 19h301.
Vers 21 heures, les maquisards quittent le village à bord de deux bus réquisitionnés.
Jean-Louis reçoit alors une information du sous-secteur FTP : la Gestapo de Nice (Alpes-Maritimes) va effectuer un déplacement par la route en direction de Digne (Alpes-de-Haute-Provence).

Première embuscade contre la Gestapo au col de Toutes-Aures...
L'ordre est donné d'attaquer les véhicules. Jean-Louis organise l'embuscade au col de Toutes-Aures, qui relie les vallées du Var et du Verdon (1.120 mètres d’altitude), entre Vergons et Annot1.
L'attaque a lieu le 6 juin 1944 à 8 h 45.
2 voitures sont interceptées par les maquisards. La 1ère voiture passe, puis est immobilisée après le col. La seconde est interceptée au niveau du col. Les chauffeurs sont tués. Dans la seconde voiture, 3 officiers allemands sont tués, dont l'adjoint (le lieutenant X) du chef de la Gestapo de Digne en uniforme SS.
De la 1ère voiture, s'enfuient, sous les tirs des maquisard,s 3 hommes (2 officiers et un civil) : le commandant Wolfram de la sûreté allemande de Digne, le capitaine Von Padorski et le lieutenant Heitman. Wolfram est grièvement blessé et décède quelques jours après à l'hôpital de Digne.
Les maquisards récupèrent les papiers, les documents, les bottes, les armes. Ils arrosent ensuite les cadavres d'essence avant de les faire brûler1,2.

Et 2ème à Saint-Julien-du-Verdon
Les maquisards FTP partent ensuite à Vergons (Alpes-de-Haute-Provence) où les villageois leur apprennent le débarquement en Normandie.
Ils se rendent ensuite à Saint-Julien-du-Verdon (Alpes-de-Haute-Provence) où ils arrivent vers midi.
Des habitants les aident à dresser un barrage de madriers et de matériaux divers pour contrôler la circulation au carrefour de 3 routes venant de Nice (Alpes-Maritimes), Castellane et Digne (Basses-Alpes).
Rapidement, une voiture de police française arrive de Castellane. Elle est suivie d'un camion remplis d'Allemands.
Les maquisards mitraillent le convoi au carrefour. Un convoi de camions chargé d'Allemands surgit alors depuis Saint-André-les-Alpes. 
Les maquisards décrochent vers la montagne. Dans la panique, les 2 convois allemands se tirent dessus et s'infligent ainsi des pertes. Au total, 7 Allemands sont tués.

Premières arrestations
Un détachement allemand arrive à Vergons dans l'après-midi. Paul Simon, le frère du maire, s'enfuit. Il est abattu.
6 personnes sont arrêtées : Angelin Audibert, Élie Bérault, Émile Goujon, César Guérin, Émile Mourrin et le maire Simon.
Ils sont amenés à Digne, puis finalement relâchés.
3 hommes sont arrêtés à Saint-André-les-Alpes et Digne (René Dedieu-Amour, Jean Pianetta et Jean Tarentola) suite à des coups de feu contre un collaborateur.
Les Allemands fouillent le village de Saint-Julien-du-Verdon et arrêtent le maire Jean Martel qui est déporté.

Combats et représailles
Les combats se poursuivent les jours suivants, notamment autour de Saint-André-les-Alpes, dont les maquisards de la 5ème compagnie de FTP et les groupes de l'Armée secrète (AS) de Gérard Pierre-Rose (alias Manfred) et Lagoutte (commandés par Trouyet alias capitaine Charles) prennent le contrôle le 9 juin 1944.
Des combats ont lieu vers 15 heures au col des Robines entre une colonne allemande (3 camions, 80 hommes environ) et la 5ème Cie FTP.
Les maquisards repoussent les Allemands qui ont 3 morts et un prisonnier.
2 prisonniers allemands capturés en descendant du train des Pignes doivent être exécutés à Saint-André-les-Alpes.
Mal fouillés, ils blessent 6 résistants d'origine russe avec des grenades. Ils sont maîtrisés et exécutés.
Un agent de la Gestapo est arrêté par les maquisards à Castellane ainsi qu'un membre du PPF. Ils sont jugés puis exécutés.
Pour venger les morts allemands et mater l'insurrection dans le secteur, la Gestapo de Digne décide de mener des représailles en exécutant 11 résistants à Saint-Julien-du-Verdon sur les lieux de l'embuscade du 6 juin 1944.
Cependant, l'insécurité qui règne sur le réseau entre Castellane et Digne l'empêche de mener à bien elle-même cette opération de répression.
Elle demande donc à la Gestapo de Nice d'organiser les représailles.
 

L'organisation de l'exécution par la Gestapo de Nice :

Le 10 juin 1944, 13 résistants sont extraits du quartier allemand de la prison de Nice. Ils sont poussés dans un fourgon cellulaire qui prend la route des Alpes.
Parmi les 13 résistants, se trouvent notamment 4 élèves du lycée Masséna de Nice (Gilbert Campan, Césaire Aubé, Francis Gallo et Roger Demonceaux) ainsi qu'un ancien élève (Jacques Adam).
Ces 4 lycéens ont rejoint le maquis du Férion le 6 juin 1944.
Ce maquis formé début juin 1944 sur les hauteurs de Bendejun attend un parachutage d'armes.
Les lycéens partent de Nice le 6 juin. Ils se sont donnés rendez-vous sous l'olivier de la paix devant le lycée Masséna.
Joseph Arnaldi, fondateur du groupe de résistants lycéens Jojo est présent pour leur dire au revoir.
L'agent de liaison Bernard Audibert les conduit à Bendejun. Ils arrivent au maquis de Férion.
Cependant la Milice et les Allemands ont repéré les mouvements des groupes de résistance.
Dans le même temps, ces derniers se rendent compte que le parachutage n'aura pas lieu, probablement du fait d'une incompréhension avec les Alliés sur le lieu de parachutage.
Le 9 juin, l'évacuation du maquis commence. Les lycéens quittent à leur tour le maquis accompagnés par Jacques Adam pour rejoindre la maison de campagne de M. Gallo, à l’Aire Saint-Michel.
Ils sont cependant arrêtés en route par la Milice (à Saint-André ou à Saint-Pancrace) qui les livre à des gendarmes allemands qui les conduisent à la prison de Nice.
3 des 11 fusillés de Saint-Julien-du-Verdon sont des résistants originaires de Puget-Théniers, membres du groupe François monté sur Puget-Théniers par Gabriel Mazier (alias capitaine François). Ces 3 résistants sont Nonce Casimiri arrêté le 29 avril 1944 ainsi que les frères Aimé et Roger Magnan arrêtés le 4 mai 19448.
 

2 résistants fusillés au Bar-sur-Loup :

Le fourgon qui emmène les résistants encadrés par des soldats allemands s'arrête une 1ère fois sur la commune du Bar (Alpes-Maritimes vers 19 heures au carrefour du Pré-du-Lac (quartier Saint-Andrieu).
Pierre Appolin et Joseph Graffino, deux FTP antibois, sont extraits du fourgon et exécutés quelques mètres plus loin, à l'angle de la route de Grasse et du chemin des Martelles, en représailles de l'attentat organisé par la résistance et qui coûte la vie au consul fasciste-républicain d'Antibes.
Cet attentat du 17 mars 1944 à Antibes a été organisé par le détachement Korsec.
Une stèle commémorative a été érigée sur les lieux de l'exécution des deux FTP. Leurs corps sont déposés par la population avec les corps des frères Albert et Marcel Belleudy. Les frères Belleudy sont des résistants membres des FTP et originaires de Vence. Ils sont exécutés pour avoir voulu désarmer des soldats allemands dans les Gorges du Loup à Gourdon. Une plaque commémorative de cette exécution existe à Gourdon à la sortie du canal du Foulon.
 
 
 
 
 

 

L'exécution de 11 résistants à Saint-Julien-du-Verdon :

Le convoi poursuit sa route. Dans le fourgon, les résistants qui ont vécu l'exécution de leurs 2 camarades ne se font probablement plus d'illusion sur le sort qui les attend eux aussi. Les heures passent. Vers 5 heures du matin, le 11 juin 1944, le convoi arrive à l'entrée Saint-Julien-du-Verdon. Le fourgon s'arrête.
Les soldats allemands ouvrent les portes. Ils disent aux prisonniers "Vous êtes libres!". Ils descendent et sont exécutés par rafales de mitraillettes.
9 prisonniers au milieu du terrain reçoivent le coup de grâce.
2 autres, Aimé Magnan et Jacques Adam, qui se trouvent un peu plus éloignés, au pied du taillis en bordure, font le mort et ne reçoivent pas le coup de grâce. Ils sont cependant grièvement blessés. La Gestapo quitte les lieux et laisse les corps sur place.
 

 



Découverte des corps et décès des deux survivants :

Les corps des fusillés (9 tués sur le coup et deux décédés de leurs blessures) sont regroupés au cimetière de Saint-Julien-du-Verdon, adossés le long du mur et pris en photographie par la gendarmerie de Castellane afin de pouvoir les identifier. Les 2 photos (une rangée de 5 corps et une autre de 6 corps) ont été publiées avec les identités en légende dans le journal L'Ergot n°8, édition du 8 octobre 1944.
 

/ © fr.wikipedia.com


Plusieurs camions de soldats allemands ont été aperçus dans la commune ce matin du 11 juin 1944.
Vers 10 heures, l'abbé Alphonse Isnard, curé catholique de la paroisse, croise des soldats allemands qui le mettent en joue, tandis qu'il se rend à bicyclette à Castillon pour y célébrer la messe.
Il a également entendu peu après des coups de feu au loin.
Dans la matinée, M. Raybaud, l'oncle du maire, découvre les corps des résistants dans son champ.
Les habitants sont prévenus, ainsi que l'abbé Isnard. Ils vont observer la scène, mais la présence allemande dans la vallée les empêche d'approcher les corps.
Dans la nuit du 11 au 12 juin, l'abbé et quelques habitants s'approchent des corps. Ils constatent que certains ont été torturés. L'abbé Isnard retire un gant de la main de Gilbert Campan et se rend compte que la main est broyée.
C'est en s'approchant des 2 autres corps en bordure du champ que l'on réalise qu'ils sont encore vivants. Épuisé, Jacques Adam dit brièvement "Nous venons de Nice, nous avons été trahis. On nous a dit que nous étions libres. J’ai fait le mort".
Aimé Magnan est agonisant.
Une chaîne de solidarité se met en place malgré le danger. Des femmes, des hommes âgés, des enfants prennent le char à bancs de M. Laugier. Ensemble, ils le poussent et le tirent jusqu'à l’église paroissiale située hors du village. Là, les 2 blessés sont cachés dans la chapelle latérale droite et déposés sur 2 matelas. À leur chevet se trouvent Madame Maria Bœuf (dont deux fils mourront à Buchenwald), Madame Jeanne Collomb et Madame Odette Michel.
Pendant ce temps et malgré le danger, l'abbé Isnard se rend à bicyclette à Castellane pour chercher le médecin. Malheureusement, celui-ci est absent. Il se rend alors à Saint-André-les-Alpes auprès du docteur Dozoul. Ce dernier se rend immédiatement auprès des blessés. Il les examine et déclare qu'il ne peut plus rien faire. Leurs blessures sont trop graves et nécessitent des soins qu'on le peut leur prodiguer dans cette situation dramatique. L'abbé Isnard assiste les 2 hommes dans leurs derniers instants. Aimé Magnan décède en fin de journée le 12 juin sans avoir pu dire un mot. Jacques Adam n’a pratiquement rien dit et l'abbé Isnard ne lui pose aucune question pour ne pas l'épuiser.
L'abbé Isnard est lui aussi un résistant. Il est lié aux maquis et connaît l'importance du silence. Jacques Adam est décédé le 13 juin très tôt le matin.
 

/ ©

 

Profondément marqué par les événements, l'abbé Isnard écrit un poème en juillet 1944 :

 

/ © Phtoo en 1993


Onze garçons couchés,
La face contre terre,
Comme des tâches claires,
Sur le vert du grand pré.
Onze garçons fauchés,
Par la haine infernale,
Par la fureur bestiale,
En ce matin d'été.
Onze garçons vidés,
De leur ardente vie,
Cette vie qui sourit
Dans les jeunes années.
Onze corps torturés,
Bras en croix sur la terre,
Onze vies décimées :
On se tait, c'est la guerre.
Ils étaient onze et l'homme avait trahi.
 

Revoir les 2 reportages consacrés en 1993 à ces héros :

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