par Karl Müller – Horizons et débats – N° 21, 17 septembre 2018
- Chemnitz est-il un présage?
- Est-ce la réapparition du fascisme à l’affût en Allemagne (du moins dans l’est du pays)?
- Est-ce une mise en scène du danger du fascisme?
- Ou veut-on simplement détourner les esprits des véritables problèmes? …
On pourrait y ajouter encore de nombreuses questions … et pour l’instant, il est certainement recommandé d’en poser davantage plutôt que de donner des réponses. On constate que même les personnalités officielles, à l’instar de la chancelière fédérale et du président du «Bundesamt für Verfassungsschutz» [Office fédéral pour la sécurité intérieure] prennent position de manière contradictoire.
L’homicide de Chemnitz a eu lieu il y a environ trois semaines, suivi de deux arrestations et de la recherche d’un troisième suspect. Il y a eu des manifestations et des contre-manifestations. Beaucoup de monde fut mobilisé. Chaque jour de nombreuses personnalités de haut rang et connues prennent position, le sujet fait les gros titres des médias. La situation est complexe.
Chemnitz n’est cependant pas un cas particulier. A plusieurs reprises, il y a déjà eu des manifestations et des rassemblements après le meurtre d’une personne par un agresseur issu de la migration ou un requérant d’asile – tant à l’Est qu’à l’Ouest de l’Allemagne. Depuis l’été 2015, l’atmosphère est de plus en plus tendue en Allemagne. On prétend maintenant que les protestations actuelles sont manipulées par l’«extrême droite». |
Ce qui manque aux gens ce sont des approches raisonnables de la part de la politique et des médias pour ramener la paix dans les esprits et pour résoudre les problèmes réels.
Les premières réactions officielles à la suite des événements de Chemnitz n’ont pas facilité la situation. On a prétendu que des milliers d’extrémistes de droite, venus de toute l’Allemagne, se seraient présentés à Chemnitz. Cette ville et toute la Saxe seraient un repère de l’extrémisme allemand de droite. La police de la Saxe aurait à nouveau été défaillante, etc., etc. On ne parlait pratiquement plus du fait qu’un homme avait été tué et deux autres blessés.
On se demande cependant pourquoi personne ne soulève la question de savoir d’où vient le désordre régnant en Allemagne, renforcé depuis l’été 2015. Ce qui, d’ailleurs, n’est qu’une étape dans une voie plus vaste menant vers un développement incertain qui dure depuis bientôt trente ans.
Nombreux sont ceux qui ont constaté que ce qui se dit et se trame de la part des politiciens responsables, les dossiers et les commentaires de nombreux médias n’ont que peu à voir avec leurs propres expériences quotidiennes.
Certains auront peut-être lu quelques livres comme, par exemple, celui de la policière Tania Kambouri intitulé «Deutschland im Blaulicht. Notruf einer Polizistin» [L’Allemagne illuminée par les gyrophares. Appel de détresse d’une policière] concernant l’État de droit,
Jens Gnisa
ou celui du président allemand de l’Ordre des juges, Jens Gnisa intiulé «Das Ende der Gerechtigkeit. Ein Richter schlägt Alarm» [La fin de la justice. L’appel de détresse d’un juge].
Stefan Schubert
Tout récemment a été publié le livre de l’ancien policier Stefan Schubert intitulé «Die Destabilisierung Deutschlands. Der Verlust der inneren und äusseren Sicherheit» [La déstabilisation de l’Allemagne. La perte de la sécurité intérieure et extérieure].
Il n’est pas simple de manier tout cela et de faire semblant de l’ignorer n’est pas la solution. Ne pas combattre l’injustice par davantage d’injustice, s’engager énergiquement en faveur de l’État de droit, rester libre et démocratique, respecter le droit et les lois – voilà une obligation pour tout un chacun. |
Il est bon de se demander pourquoi la politique et les médias réagissent si souvent de manière déraisonnable.
- A-t-on affaire à des réactions impulsives, incontrôlées?
- Est-ce un aveuglement idéologique?
- S’agit-il simplement d’une ignorance systématique face aux faits?
- Ou bien s’agit-il d’une planification politique?
Ce ne sont certainement pas partout les mêmes motivations, il y aura aussi parfois des mélanges.
Parfois, on peut lire que des évènements comme à Chemnitz sont utiles pour préparer l’engagement de l’armée, voire de l’OTAN, à l’intérieur de l’Allemagne.[1] Cela ne conduirait pas seulement à un affaiblissement supplémentaire des structures fédérales et des possibilités d’actions, mais mènerait également à la diminution de la souveraineté étatique.
Ce n’est pas ainsi qu’on pacifiera l’Allemagne. |
Prenons connaissance de ce qu’a écrit un important journal suisse dans son feuilleton le 3 septembre 2018:
1 cf. Willy Wimmer dans son article «Droht wieder ein ‹sächsischer Oktober› und kommt nach der Reichswehr jetzt die Bundeswehr zum Einsatz?» du 1er septembre 2018 https://www.world-economy.eu/pro-contra/details/article/droht-wieder-ein-saechsischer-oktober-und-kommt-nach-der-reichswehr-jetzt-die-bundeswehr-zum-einsatz/
Ceterum censeo: la démocratie directe peut aider à pacifier un pays km. L’Allemagne souffre de l’aliénation entre une grande partie de sa population et les responsables politiques dans une démocratie représentative tant au Parlement qu’au gouvernement. Même lors de certains jugements de justice, les citoyens se demandent s’il s’agit réellement de justice prononcée «au nom du peuple». Les raisons en sont multiples. L’une d’elles consiste dans l’impression de la population de n’avoir que très peu d’influence lors des prises de position politiques. Alors même que l’article 20, alinéa 2 de la Loi fondamentale précise que le pouvoir d’État est exercé par le peuple au moyen d’élections et de «votations», ces dernières lui ont été jusqu’à présent refusées sur le plan fédéral. Les raisons avancées ne sont pas crédibles. Un certain nombre d’arguments pourraient sans autre être acceptés lors de l’expression de droits de démocratie directe, par exemple l’exigence envers les médias et les publications officielles d’accorder la même place aux deux parties engagées dans une votation. Il serait également heureux que les partis renoncent à lancer des initiatives pour une décision de démocratie directe. La Suisse a démontré depuis 1848, année de la naissance de la Confédération, comment s’y prendre pour réaliser, pas à pas, au niveau fédéral une démocratie directe et de contribuer ainsi à la paix sociale. Car chaque Suisse sait qu’en cas de désaccord avec une loi et voulant l’empêcher (référendum), ou s’il souhaite apporter un changement à la Constitution (initiative populaire), il en a le droit et la possibilité de le faire. La démocratie directe helvétique ne garantit au peuple pas seulement les droits populaires. Il serait erroné de croire que ces droits populaires sont dirigés contre le Parlement et le gouvernement. Bien au contraire: la démocratie directe helvétique a eu pour effet de rapprocher le peuple et ses politiciens, en rappelant aux politiciens leurs devoirs, notamment de ne pas prendre des décisions sans tenir compte de la volonté des citoyennes et citoyens. Il existe en Allemagne depuis longtemps des possibilités de lancer des référendums législatifs et des initiatives tant constitutionnelles que législatives. En 2002, une proposition a été déposée au Bundestag. Lors du vote, elle a obtenu une bonne majorité, mais malheureusement pas suffisante pour apporter un amendement à la Loi fondamentale. Depuis lors, les partis dominants du Parlement bloquent toutes les initiatives du même type. Mais rien n’a changé quant au sens et à la nécessité d’avoir des instruments de démocratie directe sur le plan national. Actuellement cela pourrait être une importante contribution à la pacification de l’Allemagne et une perspective de développement. |
Ce qu’Angela Merkel et Hans-Georg Maassen ont dit littéralement Déclaration de la chancelière fédérale Angela Merkel lors d’une conférence de presse du 29/8/18: «Nous avons des enregistrements vidéo sur le fait qu’ont eu lieu des chasses à l’homme, des attroupements et des réactions haineuses dans les rues. Cela n’a rien à voir avec notre Etat de droit.» Source: https://www.bundesregierung.de/Content/DE/Artikel/2018/08/2018-08-29-gewalt-in-chemnitz.html
Hans-Georg Maassen, président du «Bundesamtes für Verfassungsschutz», dans un entretien accordé au journal «Bild» le 6/9/18: «Je partage le scepticisme face aux articles de presse parlant de chasses à l’homme de l‘extrême droite à Chemnitz. Le «Verfassungsschutz» ne dispose d’aucune information fiable selon laquelle de telles chasses auraient eu lieu […]. Il n‘y a aucune preuve que la vidéo diffusée sur Internet au sujet de cet incident présumé soit authentique. […] D‘après mon évaluation prudente, il y a de bonnes raisons de croire qu‘il s‘agit d‘une désinformation délibérée, peut-être pour détourner l’attention du public du meurtre de Chemnitz.» |
Maassen affirme: aucune trace de chasse à l’homme Samedi, lors d’une réunion avec le secrétaire d’État à l’Intérieur Stephan Mayer (CSU) et d’autres représentants du ministère, Maassen a confirmé sa position.
Source : https://www.bild.de/politik/inland/politik-inland/maassen-bliebt-dabei-kein-beleg-fuer-hetzjagden-in-chemnitz-57146950.bild.html du 9/9/18 |