Atlantico : Ce mercredi, Jean-Michel Blanquer pendant sa conférence de rentrée a parlé de la prime au mérite pour les enseignants et a déclaré que l' "on a perdu la belle tradition des profs qui s'investissent dans le périscolaire". Comment aborder cette déclaration à une époque où les professeurs sont de plus en plus obligés de se tourner vers le périscolaire ou d'autres activités pour arrondir les fins de mois dans un contexte de gel des salaires et de reprise de l'inflation ?
Jean-Paul Brighelli : Voilà des années que, sous prétexte que l'inflation était contenue, les salaires de la fonction publique stagnent.
L'inflation repart à la hausse, mais les salaires, eux, ne bougent pas, au nom de la réduction des déficits. L'écart donc, se creuse. Quand on pense que les pensions alimentaires augmentent chaque année au rythme officiel de l'inflation, on mesure ce qu'un enseignant divorcé finit par payer — et ce qui lui reste, sur un salaire moyen, au bout de 15 ans de métier, des 30 000 € / an qu'il gagne. Soit moitié moins que son homologue luxembourgeois ou allemand, pour un temps de travail qui, contrairement à bien des légendes, est supérieur.
Encore faudrait-il distinguer enseignement primaire et secondaire. Le salaire de l'instituteur mexicain, par exemple, est inférieur d'environ 7000 € à celui de son homologue français. Mais celui du professeur du Secondaire mexicain est supérieur de près de 10 000 € à celui du Français. En jouant, non sans démagogie, sur une politique du "corps unique de la Maternelle à l'Université", les syndicats français sont parvenus à faire globalement baisser le salaire de tout le monde. Que l'on imagine, s'il vous plaît, comment se loge à Paris ou en proche banlieue un instituteur ou un professeur du Second degré débutant, avec 1500 euros par mois — mais les syndicats ont obtenu, en échange de l'abandon du logement sur place des instituteurs, qu'on les appelle "professeurs des écoles". Sûr que cela améliore l'ordinaire.
Du coup, effectivement, les enseignants tentent de joindre les deux bouts en travaillant pendant les vacances dans les centres aérés, en pratiquant l'aide aux devoirs, en succombant aux charmes péniblement tarifés (autour de 9 € de l'heure) de soupapes à gogos comme Acadomia — et autres boîtes à Bac de grande réputation et de faible niveau.