Le changement de paradigme géopolitique s’accélère. Les indicateurs, dans le domaine de la défense notamment, sont très clairs : nous assistons en direct à l’effondrement de la puissance militaire américaine. Le reste va suivre.
Impasses technologiques et armes obsolètes
Après la première guerre du Golfe et l’effondrement de l’URSS, les États-Unis, aveuglés par leur succès et gonflés par leur hybris, ont perdu tout sens des réalités. Un mélange de religion et de supériorité technologique momentanée les a conduit à tout miser sur la technologie de la furtivité au détriment du reste, bref, à mettre tous leurs œufs dans le même panier. Comme si Dieu avait décidé de donner la force et la supériorité aux États-Unis pour l’éternité, quoi qu’il arrive.
Un quart de siècle plus tard, le résultat est là : pratiquement tous les programmes lancés dans les années 90 sont des échecs, à un titre ou à un autre :
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Le chasseur dit de « suprématie aérienne » F-22 a une disponibilité opérationnelle calamiteuse, un domaine de vol réduit et une furtivité douteuse en raison de défauts de conception.
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Le chasseur polyvalent F-35 est un échec technique et opérationnel, en plus d’être un gouffre financier. C’est l’avion qui va probablement couler l’USAF, l’US Navy et le corps des Marines, ainsi que les armées de l’air des pays qui se sont laissés entraîner dans ce désastre.
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Le porte-avions de classe Gerald Ford de 100 000 tonnes est incapable d’exécuter des fonctions élémentaires et cruciales tel que le catapultage d’avions de combat à pleine charge ; c’est un échec technologique et opérationnel.
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Le super-destroyer furtif de classe Zumwalt rencontre tant de dysfonctionnements de ses systèmes vitaux que l’un d’eux a failli couler en 2016 lors des essais à la mer.
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Les nouveaux sous-marins nucléaires lanceurs d’engins de classe Columbia rencontrent également de graves problèmes de fabrication.
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Etc.
Les causes de ces échecs sont multiples : corruption ; prix gonflés ; sous-traitance à des usines se situant hors des USA ; désintérêt pour la qualité. Cela forme un cercle vicieux qui a été longtemps masqué par une propagande mêlant singularité d’une nation au destin exceptionnel et illusion d’une suprématie technologique qui se croyait éternelle. Aujourd’hui, le voile se lève.
Les États-Unis sont donc contraints de mener leurs nombreuses opérations militaires dans le monde avec des outils anciens, même s’ils ont été améliorés au fil du temps. Et puisqu’en parallèle de la croyance dans le tout furtif, ils ont abandonné les recherches et développement dans le domaine de la guerre électronique, aujourd’hui ils ne peuvent plus effectuer une opération si les Russes ou les Chinois veulent s’y opposer, ainsi que l’illustre la guerre en Syrie.
De l’autre côté du monde, justement, de possibles ruptures technologiques s’annoncent. Vladimir Poutine, dans son discours du 1er mars 2018, a indiqué que la Russie disposait dorénavant de missiles hypersoniques (technologie MHD ?). La chine, quant à elle, a lancé, il y a deux ans, un satellite expérimental de communication quantique. De plus, elle a annoncé récemment qu’elle avait mis au point un radar quantique opérationnel. Bluff ou pas ? Peu importe, l’histoire est en route ; l’innovation et l’excellence technologique ont changé de camp.
La Syrie comme révélateur
L’efficacité de l’opération militaire russe en Syrie n’a plus à être démontrée, les différents rapports des hauts responsables militaires américains qui ont servi dans la région suffisent. Les déclarations du général Tony Thomas, chef du commandement des opérations spéciales des États-Unis, à l’occasion du symposium GEOINT 2018, décrivent une supériorité écrasante de la Russie sur les États-Unis dans le domaine de la guerre électronique. Un fait révélateur à cet égard est que l’USAF n’a pas osé engager son chasseur de cinquième génération dit « de suprématie aérienne », le F-22, dans des zones à haute densité électromagnétique. Elle ne l’a engagé que de manière symbolique, dans des endroits où il ne risquait pas grand chose.
La livraison à la Syrie des systèmes S-300 et de systèmes de guerre électronique modernes a provoqué un basculement de la thermodynamique régionale. Depuis le 17 septembre, Israël n’a plus mené aucune opération aérienne dans le ciel libanais ou syrien. Les systèmes antiaériens et de guerre électronique syriens livrés à la Syrie sont connectés au réseau global de défense aérienne russe, ce qui augmente leur efficacité car ils peuvent profiter de la détection lointaine offerte par les radars russes en bande HF. Il resterait néanmoins à connaître les règles d’engagement associées à cette intégration. Les militaires syriens auront-ils la pleine et entière responsabilité de l’emploi de ces armes ?
Récemment, une délégation de députés polonais s’est rendue en Syrie et ont réaffirmé que les victoires du peuple syrien face aux groupes terroristes avaient empêché l’extension du terrorisme vers l’Europe. Ils ont souhaité que le gouvernement syrien puisse éradiquer le terrorisme et reprenne le contrôle entier du pays. S’agit-il d’un ballon d’essai envoyé par l’Union européenne, dont certains pays – la France en particulier – ont beaucoup à se faire pardonner ?
Précédemment, le rédacteur en chef du quotidien koweïtien Al-Shahed s’était rendu en Syrie pour interviewer le président Bachar al-Assad. Au cours de cette interview, Bachar al-Assad avait déclaré : « La guerre va bientôt se terminer ; la Syrie retrouvera sa place centrale dans le monde arabe et s’impliquera dans les questions relatives à l’Oumma islamique. Tous les réfugiés retourneront dans leurs villes et villages d’origine. »
Ces deux anecdotes illustrent le basculement en cours. Le changement de régime n’aura pas lieu. Les instigateurs de ce changement vont devoir retomber sur leurs pieds. Du reste, le mouvement de la Turquie, de l’OTAN vers l’OCS, après bien des atermoiements, est un indice beaucoup plus profond de la bascule en cours.
Cela étant, la partie orientale de la Syrie, à l’est de l’Euphrate, dans laquelle se trouve une forte présence militaire américaine, et française, reste à reconquérir. Il sera très intéressant d’observer la façon dont cela va se passer. Assistera-t-on à une confrontation directe entre les forces occidentales et les forces syriennes appuyées par l’aviation russe, ou bien verra-t-on les Occidentaux se replier sagement ? À cette occasion, nous évaluerons le niveau de santé mentale des dirigeants occidentaux et les rapports de force.
Les conséquences économiques
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la puissance militaire américaine avait permis d’imposer la domination financière et économique américaine sur le monde occidental, puis sur le monde entier.
La chute de la puissance militaire américaine coïncide logiquement avec la fin de sa suprématie économique. Un faisceau d’indices le montre :
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Depuis la crise de 2008, nous assistons à la dé-dollarisation de l’économie mondiale. Lente au début, celle-ci s’accélère. Les pays de l’OCS ainsi que ceux qui déplaisent à la puissance américaine (Cuba, Venezuela, etc.) échangent de plus en plus dans leurs monnaies respectives, sans utiliser le dollar.
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La convertibilité du rouble et du yuan en or est en marche, si ce n’est déjà fait.
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Les places boursières de Saint-Pétersbourg et de Shanghai ont respectivement lancé la cotation du pétrole et de l’or, mettant ainsi fin au monopole occidental en la matière.
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La Russie et la Chine ont développé leur propre système d’échange inter-bancaire. Jusqu’alors, le monopole était détenu par les Américains avec le système SWIFT. Les pays qui résistent à la toute puissance américaine s’y abonnent, l’Iran en tête, et la Turquie.
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La Russie s’est délestée de ses bons du trésor américain. la Chine fait de même à son rythme ; elle est passée d’environ 2 400 Milliards en 2008 à environ 1 200 Milliards actuellement. Elle est en mesure de faire s’effondrer le dollar si elle le décide.
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Les stocks d’or détenus par les différentes puissances relèvent du secret. Néanmoins, l’on estime que les données officielles sont largement fausses, que les USA surestiment leur stock tandis que la Chine sous-estime le sien, et ce, dans des proportions très importantes.
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Etc.
Tout cela illustre, d’un côté un monde qui s’écroule tandis que d’un autre, un monde naît. Du reste, la tendance actuelle des USA à lancer des menaces de sanctions économiques tous azimuts – Chine, Inde, Iran, Cuba, Venezuela, Nicaragua, Turquie, etc. -, pour des prétextes divers, est le signe évident d’un pays qui perd le contrôle. Il s’agit d’un aveu de faiblesse. Il faut être idiot ou soumis pour s’imaginer que ces menaces sont crédibles.
Conclusion
Il reste que les USA sont une puissance nucléaire et qu’un animal blessé peut avoir des réactions inattendues. La récente sortie des USA du traité sur les armes nucléaires de portée intermédiaire peut être inquiétante d’un certain point de vue, mais ce n’est pas certain. Il se pourrait que cette mesure soit orientée face à la Chine qui n’a pas signé ce traité. L’avenir le dira.
Quoi qu’il en soit, la puissance nucléaire est peut-être la dernière carte maîtresse dans les mains de cette puissance aux abois. Le pire n’est pas certain, mais il faut rester vigilant.
Régis Chamagne