- par Henri Guaino
Réagissant à la décision de l’Assemblée nationale d’associer drapeaux français et européen dans les classes, Henri Guaino l’affirme : une nation n’a qu’une bannière et personne n’ira mourir pour une organisation comme l’Union européenne.
L’Assemblée nationale a approuvé un amendement qui rendrait obligatoire la présence du drapeau français dans les salles de classe. Curieuse idée à laquelle personne n’avait jamais songé depuis la création de l’école de la République. Il n’est pas sûr que cela suffise à réveiller le patriotisme, mais après tout le drapeau américain est bien présent dans les salles de classes aux États-Unis.
Ce n’est pas la présence du drapeau français qui pose problème mais la volonté d’associer le drapeau européen au drapeau tricolore comme s’il y avait équivalence entre les deux. C’est devenu une manie du politiquement correct : partout on met la bannière de l’Union européenne à côté du drapeau français comme s’il fallait s’excuser de montrer ce dernier en attendant de le faire disparaître. Ceux qui tiennent à cette association rétorqueront qu’elle est naturelle puisque la France est un pays membre de l’Union européenne.
Dans un vrai drapeau, il y a l’âme d’un peuple, dans l’enseigne d’une organisation il n’y a que de la communication
À ce compte-là, la France étant membre de l’ONU et même membre permanent du Conseil de sécurité, Il serait logique d’associer au drapeau français celui de l’ONU et tout naturellement aussi celui de l’OTAN dont la France est membre fondateur et, contrairement à ce que l’on entend parfois, n’a jamais cessé de l’être depuis sa création. Des soldats français ont bien été, ou sont encore, engagés sous la bannière de l’ONU et celle de l’OTAN. Pourtant on ne voit pas partout dans le pays le drapeau français associé à celui de l’OTAN et de l’ONU. Car c’est une chose de se battre sous un drapeau et une autre de se battre pour un drapeau, de risquer sa vie pour son drapeau. Sous la bannière de l’ONU et de l’OTAN, le soldat français ,comme le soldat américain, reste soldat de son pays et se bat pour lui. Les casques bleus qui sont tués en opération sont morts parce que leur pays leur avait confié une mission. Ils ne sont pas morts pour l’ONU : on meurt pour une patrie, pour un idéal, on ne meurt pas pour une organisation. L’ONU, l’OTAN sont des organisations qui peuvent parfois être les instruments d’un idéal mais elles ne sont pas par elle-même des idéaux ni des patries. Il y a du sacré dans la patrie, il n’y en a pas dans l’ONU ou dans l’OTAN, encore moins dans l’Union européenne sous la bannière de laquelle aucun soldat ne s’est jamais battu, aucun citoyen n’a jamais risqué sa vie.
L’Union européenne n’est pas la civilisation occidentale
Peut-on mourir pour l’Europe comme lord Byron alla mourir pour la Grèce à Missolonghi ? Mourir pour la civilisation européenne, oui. Mourir pour l’idéal humain que l’Europe a forgé et qui, au-delà de la diversité des nations, forme le socle de la civilisation occidentale, oui.
Mais l’Union européenne n’est pas la civilisation occidentale. L’union européenne n’est pas une culture ni un idéal: c’est, elle aussi, une organisation. L’Europe existait avant que cette organisation vit le jour, elle existera après. L’Union européenne n’est pas un régime. On peut mourir pour la République, pour la Démocratie, pour la Monarchie… on ne meurt pas pour une bureaucratie, pour une technocratie, pour une commission. On peut mourir pour la Liberté, mais l’Union européenne n’est pas la Liberté avec une majuscule. On peut mourir pour la Paix, mais l’Union européenne n’est pas la Paix et aucune organisation n’a jamais empêché la guerre. Un État fédéral n’empêche pas les guerres civiles, ni la guerre de sécession aux États-Unis, ni celle de la Yougoslavie, la Société des Nations n’a pas empêché la deuxième guerre mondiale, pas plus que l’espèce de monnaie unique qu’était l’étalon or n’a empêché la première guerre mondiale. Ce n’est pas l’Union européenne qui a donné la paix à l’Europe, c’est la paix qui a permis à l’Union européenne de voir le jour. Les organisations sont passagères, transitoires, elles changent, disparaissent, renaissent en fonction des circonstances. Une patrie, une nation, une civilisation ne sont pas une affaire de circonstances. L’Europe, la vraie, n’est pas une affaire de circonstances. Croire qu’avec une monnaie unique, un droit unique, une enseigne unique on va faire une nouvelle patrie, une nouvelle nation, relève d’une idée bien superficielle de ce que sont les patries, et les nations.
Dans un vrai drapeau, il y a l’âme d’un peuple, dans l’enseigne d’une organisation il n’y a que de la communication. N’importe quel bout de chiffon ne peut pas exprimer un sentiment national. Le drapeau tricolore, lui, «a fait le tour du monde, avec le nom, la gloire et la liberté de la patrie». Il se suffit à lui-même. La France n’a qu’un seul drapeau.