Le peuple souverain est interdit: la macronie contre la démocratie
Une stratégie contre-insurrectionnelle est pratiquée par le Pouvoir en place. Il organise la « crise » permanente pour éviter la crise effective du changement radical de pratique gouvernementale. Il déstabilise pour se stabiliser lui-même. Il provoque le chaos volontaire pour imposer un ordre absolu: le sien!
Le peuple n’est pas à l’origine du soulèvement, c’est davantage le soulèvement qui fait le peuple en suscitant, en éveillant l’expérience et l’intelligence communes, un corpus d’humanité avec le langage de la vie réelle, avec ce qui précisément avait disparu de la société décadente, en voie d’effondrement…
Le mouvement des Gilets-jaunes est d’abord la célébration des retrouvailles citoyennes. Ces retrouvailles avec la puissance d’humanité, le dynamisme collectif, la complicité des ressentis, le partage du vécu, à travers leur consistance et leur intelligence, place le Pouvoir face à son impuissance en déjouant pas à pas toutes ses manœuvres de dressage qu’il pratique pour conserver la main. Les vérités humaines s’éprouvent, elles ne se prouvent pas.
Lorsque Occupy Wall Street agissait, ce mouvement ne revendiquait pas, il disait simplement le dégoût de la vie dégénérée que l’on impose aux gens. Il s’agissait de se saisir ensemble de notre commune condition: celle d’être chacun « réduit » au rang d’esclavagiste de soi-même, d’exploiteur de soi-même, d’abuseur de soi-même, de proxénète de soi-même et de sa force de travail… Prendre conscience de cela c’était un bouleversement existentiel qui reconnaissait la nullité éthique absolue de l’Occident judéo-chrétien dégénéré…
Si des adolescents, remplis d’idéal et d’espoir d’un monde juste et respectueux des valeurs de l’intériorité, se sont fourvoyés par ignorance et manque d’expérience, dans le « djihad », croyant prendre les armes au nom de la cause supérieure de l’homme se référant à un divin, pouvons-nous leur en faire le reproche aujourd’hui? Lorsque l’on entend les doléances des GJ, on écoute impuissant la litanie des conditions suicidaires de vie infligées à la classe majoritaire des exploités et des maltraités par le fascisme ultra libéral dominant la société pervertie. La révolte des GJ est éthique avant d’être politique.
Voilà pourquoi, les GJ doivent opposer à l’austérité du programme qui leur est imposé, une autre idée de la vie, comme celle qui consiste à partager plutôt que d’économiser, à échanger entre nous plutôt que de se taire chacun dans son coin, à se battre ensemble plutôt que de subir la répression et le joug des régimes totalitaires qui se sont emparés du pouvoir, à fêter nos victoires sur le Pouvoir en place plutôt qu’à s’en défendre, à amplifier le contact plutôt qu’au replis sur soi et à la réserve par peur d’être encore plus maltraité. Il s’agit, comme disait Evo Morales, de « bien vivre » plutôt que de « mieux vivre ». Dans cette éthique sociale il y a une politique absolument dissuasive pour le Pouvoir!
On sait comment procède le Pouvoir face à une révolte: il tente de prendre le contrôle symbolique du mouvement en lui attribuant certaines vertus et en disant ce qu’il n’est pas du tout, dans un premier temps. Puis, le temps est venu très vite qui était l’étape suivante consistant à l’enterrer, par le premier « dérapage » volontairement provoqué grâce à des gens spécialisés dans ce type d’opération « false flag ». L’indignation a été provoquée, entretenue, recherchée à dessein au sein de la masse profonde de la société dérangée dans sa conscience d’écorchée vive. Ainsi l’impuissance et le mensonge se mettaient à régner sur le mouvement sali par les experts en destruction massive de l’éthique légitime qui se trouvait au point de départ du mouvement de révolte.
Le Pouvoir installait son propre mensonge au cœur de la société en suscitant l’homme indigné! On se souvient de cet exemple parfait représenté par la réaction de Luc Ferry, qui indigné, basculait dans le mensonge sans hésiter, se demandant pourquoi les policiers ne tiraient pas sur les GJ en utilisant leurs armes! Un peuple en colère fait la révolution. Un peuple « indigné » proteste dans l’impuissance.
Lorsque nous regardons la télévision, au service du Pouvoir usurpé en place, nous vivons une expérience d’impuissance en étant contraints d’écouter les inepties et les mensonges du système sans pouvoir répliquer. La « gouvernance représentative », l’Assemblée Nationale, c’est exactement cela: une Assemblée d’impuissants qui se réunit pour écouter les sottises de la «majorité présidentielle», parfaite supercherie qui a fatalement entraîné les injustices à répétitions… Rien de bon ne peut sortir d’une assemblée qui est déjà corrompue par le simple fait d’être là pour servir le projet d’un mensonge organisé en Pouvoir illégitime.
Le mouvement des GJ capable de se mobiliser pour nourrir des milliers de personnes sur les ronds-points, de s’auto-organiser au quotidien pour un roulement de la présence sur place et par tous les temps, de construire des abris pour y passer les nuits, de prendre soin des blessés, de se réunir pour échanger, de mettre en commun les compétences et les moyens… signe déjà la véritable victoire politique des GJ qui ne prétendaient pas faire de la politique en allant dans la rue et sur les places, les ronds-points, les villes et les villages de France…
La macronie est un régime policier qui se prend pour une « démocratie », sans complexe et avec l’arrogance propre à son leader se prenant pour le Président de la République Française.
La souveraineté réside dans le peuple, mais celui-ci ne doit surtout pas l’exercer, dit Macron, en affirmant que la « démocratie est représentative » et qu’il ne faut pas « l’affaiblir » par cette lubie « populiste » du RIC en toutes matières qui est tombé là comme un cheveu sur la soupe. La gouvernance représentative est le propre de l’aristocratie et la gouvernance participative le propre de la démocratie.
C’est un gouvernement invisible qui dirige en réalité le pays: celui des manipulateurs d’opinions. Cette manipulation est rondement menée, intelligemment menée, rationnellement menée, consciemment menée sur les opinions, mais aussi sur les habitudes organisées des masses. Pour ce gouvernement invisible, gouverner c’est piloter les comportements d’une population, conduire sa conduite et lui indiquer où se trouve sa « liberté », en l’engageant sur le seul chemin possible du dressage et de la soumission acceptée grâce à ce leurre spectaculaire du conditionnement ou de cette « fabrique du consentement » volontaire…
Ainsi, tout naturellement, ce qui résiste à ce conditionnement ou à cette fabrique du consentement, sera traité de « terrorisme ». Les Castaner et Cie ont déjà lancé cette appellation en parlant des GJ , disant qu’ils « se faisaient les complices du terrorisme » en continuant à manifester samedi après samedi! Mais cela n’a pas marché, malgré l’apparition soudaine d’un épisode terroriste à Strasbourg en plein mouvement des GJ. Cet échec du Pouvoir à faire passer le mouvement de révolte des GJ pour « terroriste », ne pouvait que décrédibiliser davantage ce Pouvoir macronien de plus en plus perçu, par une écrasante majorité de Français, comme illégitime, incompétent, amateur.
Nous devons cesser d’exiger quelque chose du Pouvoir. Nous devons agir par nous-mêmes, sans l’avis de ce Pouvoir actuel en place que nous devons ignorer. Tous nos blessés, tous nos frères maltraités par une police devenue une milice, par un appareil judiciaire qui a trahi son rôle indépendant en acceptant les ordres et directives du Pouvoir illégitime de la gouvernance représentative, ne l’ont pas été en vain, si c’est nous désormais qui tirions au sort les personnes qui feront l’Assemblée Constituante chargée d’écrire une nouvelle Constitution pour la France. Le Pouvoir peut tirer sur le peuple et le blesser gravement au nom même du peuple, parce qu’il est construit sur le principe d’une gouvernance représentative et non pas participative. Tant que nous serons dans une aristocratie ou théocratie, ce qui revient au même, la légitimité du Pouvoir se réclamant d’un principe supérieur, celui de « l’innocence » liée à l’exercice du pouvoir au nom d’un principe étatique se réclamant lui-même d’une abstraction, d’une transcendance, celle de l’État devenu le « pontife de la société laïque », réclamant l’immolation du désir des « sujets » en échange de leur soumission, nous ne serons pas en démocratie qui par nature est participative, c’est-à-dire, faisant valoir justement le « désir » des personnes qui a été confisqué par le système de gouvernance représentative…
La fonction de l’insurrection, c’est de destituer le Pouvoir en le privant de son fondement. L’insurrection démantèle les appareils du Pouvoir et ses symboles, mais aussi ce qui les justifie. Il faut abaisser ce gouvernement représentatif au niveau où se trouvent les insurgés, en acculant la police à n’être qu’une milice de voyous et l’appareil judiciaire, une association de malfaiteurs.
Nous ne devons pas faire la Révolution au nom de quelque chose. Car cela entraînerait un type d’organisation qui serait immédiatement ciblé comme la « légitimité » à abattre, le pôle à inverser, l’élément intrinsèque propice à la métamorphose en ce qu’il prétend combattre. Car, en réalité, nous n’avons pas besoin de gouvernance. Les humains ne sont pas obligatoirement des pervers et des loups pour leurs frères en humanité. Ils peuvent s’organiser sans avoir besoin d’un Pouvoir qui les conduise à l’image du troupeau de moutons qui est conduit par le berger éternel! Chaque citoyen responsable peut animer la vie commune par sa responsabilité et c’est cela le fondement de la légitimité d’une « gouvernance participative », la démocratie.
L’échec cinglant du système aristocratique ou « pontificaliste théocratique de l’État de droit », se voit déjà dans le fait de la monnaie unique européenne. Le pouvoir n’est même plus entre les mains de gens identifiables et identifiés, ceux que l’on voyait auparavant imprimés sur les billets de banque, désormais ce sont des bâtiments, des ponts, des constructions architecturales qui sont imprimés sur les euros, car le Pouvoir est désormais dans les infrastructures de ce monde et de ce fait il est devenu invisible, beaucoup plus difficile à cibler et à faire tomber. Les politiques, ces « élus » de la comédie politicienne, sont donc là pour un leurre, celui de la distraction et de la diversion, car ce ne sont pas eux qui exercent le vrai pouvoir sur nous les citoyens dépouillés de notre souveraineté depuis longtemps morte et enterrée. Le Pouvoir n’est plus dans les Institutions, il est dans l’organisation même de ce monde. Ce Pouvoir invisible n’a donc rien de secret (rien de la conspiration) puisque nous savons qui il est et où il est: dans l’organisation elle-même de ce monde modelé par une idéologie qui transcende les esprits devenus incapables de s’émanciper de son emprise s’exerçant sur eux grâce à son « invisibilité »…
C’est pour cela qu’un peuple peut se passer parfaitement d’un gouvernement, puisque le gouvernement est dans l’organisation du monde lui-même. Le gouvernement n’est plus dans le Gouvernement même représentatif! Macron pourrait dégager du jour au lendemain et rien ne changerait à la situation telle qu’elle est aujourd’hui. La misère du peuple serait la même. C’est aussi pour cela que dès qu’un mouvement de révolte s’attaque au cadre de la vie quotidienne, cette infraction devient un sacrilège provoquant des cris et protestations de la bien-pensance. Pourtant, si dans les émeutes, le besoin de « casser » est irréductible, cela provient justement de la perception plus ou moins ressentie de cet état de choses: que le Pouvoir est dans l’organisation elle-même de ce monde. S’attaquer à cette organisation c’est donc s’attaquer au Pouvoir lui-même. Le Pouvoir s’est fondu dans le décor et respecter ce décor, comme étant quasi sacré, veut dire respecter ce Pouvoir que l’on condamne, que l’on rejette, auquel nous n’accordons aucune légitimité, parce qu’il n’est pas la vie, mais l’enfermement de la vie et sa mise à mort symbolique en l’identifiant avec l’objet qui en soi est froid, vide de sens et de conscience capable de surconscience, de sacralisation…
L’insurrection, c’est la vie quotidienne qui se réinvite dans l’action et par l’action insurrectionnelle, bousculant le cadre rigide du Pouvoir descendu dans l’organisation de ce monde. Une insurrection c’est d’abord une capacité à l’auto-organisation de la vie commune qui de ce fait ravage les infrastructures du Pouvoir descendu dans les formes. Cette capacité à l’auto-organisation provoque un blocage du Pouvoir, car celui-ci est dans l’organisation de ce monde. Si je vais dans l’auto-organisation je sors de l’organisation, je m’en émancipe et le Pouvoir se retrouve sans pouvoir.
Si nous créons une auto-organisation généralisée de la Nation, nous évacuons purement et simplement la nature même du Pouvoir, comme si nous tirions la chasse des WC de la dépendance après s’en être débarrassée pour notre aisance.
Si le Pouvoir actuel dépend des flux, bloquons les flux, que ce soit directement ou indirectement. Directement c’est en bloquant les sites. Indirectement c’est en cessant d’utiliser les flux obligés, dominés, contrôlés par les dominants. On peut s’attaquer physiquement à ces flux en n’importe quel point du système, même sans bouger de chez soi, et grâce à cela attaquer politiquement le système dans sa totalité.
De là provient la réflexion suivante. Nous devons donc faire appel à ceux qui parmi nous ont une connaissance technique importante de l’organisation de ce monde. Cette connaissance nous permettrait de mettre hors d’usage ce que cette organisation a mis en place pour notre dépendance et notre dressage à la soumission. Cela nous donnerait aussi le temps de nous auto-organiser en toute indépendance, abolissant le lien matériel au Pouvoir et le lien politique qu’il crée de cette manière à nos dépens. Nous ne devrions pas craindre la pénurie si nous savons nous auto-organiser dans la solidarité et l’échange des compétences. Il s’agit de sortir d’une situation de survie pour aller vers une situation de vie. Si nous avons avec nous les savoirs techniques stratégiques, nous pourrons oser tout bloquer. Seule une force collective peut savoir comment fonctionne un système. Une fois devenus capables de comprendre comment fonctionne l’ensemble du système, nous pourrons le bloquer pour en sortir et mettre en place un nouveau rapport au monde, non marchandisé, mais en « communaux collaboratifs » auto-organisés et indépendants de tout pouvoir oppresseur et exploiteur.
Nous devons cesser de vivre dans l’ignorance des conditions de notre existence. C’est en sachant comment nous en prendre à l’organisation de ce monde que nous nous débarrasserons du Pouvoir qui s’y trouve et qui pénètre ainsi à loisir le coeur de chaque personne liée au système.
Les grands réseaux sociaux dominants ont été promotionnés pour occuper la place de la police. Pourquoi? Parce qu’une fonction policière permet au Pouvoir, qui est à l’intérieur de l’organisation du monde, de garder le contrôle sur cette organisation. Mais, là aussi, l’auto-organisation solidaire peut détourner cette fonction à son profit, comme les rassemblements des GJ l’ont réalisé.
Puisque le Pouvoir veut conduire la conduite des personnes, dépouillées de leur souveraineté citoyenne, il suffisait pour lui d’installer le contrôle par le traitement algorithmique des informations disponibles sur elles, sans avoir besoin de faire confiance, la confiance étant remplacée systématiquement par la surveillance. Ce gouvernement que l’on peut nommer « cybernétique », prépare la catastrophe assurée, puisque sa finalité est d’abord d’empêcher toute contestation, tout esprit critique ou divergent, pour créer perpétuellement un contrôle des systèmes par la circulation obligatoire des informations sur soi-même, faisant définitivement abstraction d’un droit de la protection naturelle de ses données et de leur confidentialité…
Ce système cybernétique qui se met en place, soigne les apparences en nous laissant croire que nous pouvons toujours communiquer librement entre nous, mais le projet ouvertement affiché c’est de « réinventer les systèmes sociaux dans un cadre rigoureusement contrôlé » (Déclaration d’un expert du MIT).
La police cybernétique prévoit d’agir directement sur le virtuel afin de structurer les possibles. Prochainement, ceux qui refuseront d’utiliser Google, Amazon, Facebook, Apple, seront traités en suspects, déviants, divergents, voire même « terroristes » potentiels.
Tous ceux qui refuseront d’avoir un profil virtuel, un smartphone ou un contact habituel avec des systèmes de données online, seront suspectés d’avoir quelque chose à cacher et donc susceptibles d’enfreindre la loi! La mesure « antiterroriste » consistera alors à créer un fichier des « gens cachés ». Si vous n’avez aucun profil sur un réseau social, cela entraînera ipso facto des fouilles approfondies lorsque, par malheur, vous vous présenterez dans un aéroport. Cela pourrait même aller jusqu’à vous interdire carrément de voyager!
Il faut encore ajouter que le désert humain a été poussé à un point extrême pour avoir rendu désirable, chez un grand nombre, l’existence par et sur les réseaux sociaux! La liberté et la surveillance relèvent au final du même paradigme de la gouvernance par l’organisation du système. Pour nous, actuellement, dans ce monde qui est le nôtre, il n’y a de liberté que surveillée.
« Le pacifisme ment et se ment en faisant de la discussion publique et de l’assemblée le modèle achevé du politique », dit le Comité Invisible, dans « A nos amis », 2014, p.137.
C’est au nom de la paix qu’ont été menées les plus sanglantes campagnes d’extermination. Nous devons nous souvenir que nous avons naturellement un système immunitaire qui nous protège de tout corps étranger, de tout virus, de toute attaque auto-immune et qui se charge d’éliminer ce qui n’est pas reconnu comme ami au cœur de la complexité de notre organisme vivant. Le système immunitaire fait une fois l’expérience gravée dans sa mémoire de ce qui est du soi et de ce qui n’est pas du soi, de ce qui constitue un élément ami. Lorsqu’un élément inconnu de sa mémoire se présente à lui, il est considéré comme ennemi et l’élimine.
Nous devons nous inspirer de cette loi naturelle qui assure l’harmonie et la cohérence ou l’homéostasie de ce corps complexe qui nous constitue. Il nous faut donc une stratégie qui vise, non pas cette nouvelle gouvernance noyée dans l’organisation de ce monde, mais sa propre stratégie, afin de la retourner contre elle-même. Ce pouvoir diffus, noyé dans l’organisation du monde, doit croire qu’il gagne au moment même où il sera entrain de perdre.
Les révoltés, les révolutionnaires, les dissidents de ce monde-là constituent à la fois l’enjeu du Pouvoir et sa cible. Les GJ et tous ceux qui les soutiennent, sont ceux qu’il doit conquérir ou dresser pour les contrôler. En réalité, il n’y a personne à organiser, nous sommes nous-mêmes la force qui grandit de l’intérieur, qui s’organise elle-même et se développe de l’intérieur. La répression policière tente toujours de séparer les « gouvernés » de leur puissance politique à agir, en isolant ceux qu’elle qualifie de « violents », alors que l’agir politique est en soi une violence faite au système qui veut l’inaction, la sidération, la pétrification des individus et leur silence accompli.
Chaque fois que la répression tombera sur l’un d’entre nous, qu’il sache que le système cherche simplement à le séparer du reste des hommes afin de pouvoir le ficher dans une identité politique même fictive, mais lui permettant par la suite de nous éliminer sans chercher à rien comprendre de nos motivations. Il est indispensable d’habiter pleinement ce que nous pouvons acquérir par le combat politique, faute de quoi, le Pouvoir s’en ressaisira pour y réinstaller sa dominance et prédominance, du moins tant qu’il pourra exister et en attendant de l’avoir définitivement anéanti.
Puisque ce monde est traversé par un ensemble de flux, il est donc devenu un immense réseau. Ce qu’il faut en même temps comprendre, c’est la mobilité et non sa présence sur un lieu géographique quelconque.
« Puisque le projet d’une totalité organisée s’effriterait à sa base, c’est depuis la base, depuis des bases sûres et connectées entre elles que l’on reconstruirait la nouvelle organisation mondiale, en réseau, de la production de valeur. » (Idem, p. 177)
S’organiser serait donc trouver des gens qui travaillent ensemble, qui s’entendent sur les projets de vie, qui apprennent à se connaître honnêtement, qui recruteront d’autres personnes ayant les mêmes motivations, qui formeront des réseaux de connivences, qui créeront une nouvelle société émancipée du monde orwellien de la surveillance et du dressage.
Maintenant, il nous faut ajouter que l’innovation, la création, la fécondité des valeurs n’ont jamais aussi bien fonctionné que sur un tas de ruines.
Le capitalisme sauvage ne se pose plus le problème de la « société », car selon lui, celle-ci est verrouillée pour longtemps; il se pose désormais la question de la « gouvernance ». Pourquoi l’enjeu de cette révolution présente est-il majeur?
Parce que dans les villes, il y a ceux qui sont nantis et qui font fructifier leur capital important de privilégiés et les autres qui sont devenus les « inemployables », les « chômeurs de longue durée », ceux qui sont inutiles, encombrants, ceux que peu à peu on relègue dans des zones que l’on finira par boucler en les surveillant par drones, hélicoptères et opérations policières musclées pour casser du dissident. La société sera partagée en « populations à risque » et en « populations au fort pouvoir d’achat ». Une certaine classe moyenne sera absorbée par les classes populaires afin de pourvoir aux besoins de « l’élite ». C’est ce scénario qui se profile à l’horizon. Il est donc grand temps de s’y mettre pour briser cette logique apocalyptique. Le partage a déjà été fait entre ceux que l’on veut faire vivre et ceux qu’on laisse volontairement mourir.
Les GJ font partie de ceux que l’on veut voir mourir d’eux-mêmes: donc, ce Pouvoir est content d’entendre les revendications des GJ, car elles prouvent bien qu’ils sont entrain de crever effectivement. Le plan a donc bien fonctionné, il a été efficace et le but a été atteint.
Voilà pourquoi, Macron ne veut absolument pas changer de cap, puisque ce qui était recherché a été atteint! En manifestant, les GJ donnent au Pouvoir l’occasion de précipiter leur mort, si à un moment donné le Pouvoir parvient à légitimer l’usage des balles réelles sur cette « foule haineuse » dont il faut à tout prix se débarrasser…
Pourquoi donc, tous ceux qui découvrent qu’ils sont voués à l’extermination sociale, devraient-ils continuer à se laisser gouverner? Pourquoi ne prendraient-ils pas les armes à un moment donné? C’est ce à quoi il faut logiquement s’attendre. Tout est fait pour provoquer la guerre civile en France.
Voilà pourquoi, aujourd’hui, le Pouvoir a peur de la sécession. Il a peur que ces populations d’indésirables ne se regroupent hors des villes et ne constituent des organisations autonomes, en rupture complète avec le modèle ultra libéral dominant. C’est cela sa hantise actuelle et il cherche à détruire cette convergence de la dissidence sécessionniste. Il ne s’agit pas de se laisser aller à une marginalité inoffensive pour le système. Il s’agit d’habiter un territoire et d’assumer sa configuration située du monde, notre façon d’y vivre et d’y demeurer, nos valeurs, nos vérités, et à partir de cela entrer en conflit ou en complémentarité avec les autres entités sociales du monde. Il s’agit de se lier stratégiquement aux autres zones de dissidence, comme la communauté de Marinaleda en Espagne le fait avec le Venezuela, Ecuador, Bolivia… Il s’agit de communiquer avec ces autres contrées amies, sans frontières. La sécession peut rompre avec la conception ancienne du territoire national. Il s’agit de se regrouper en archipels de communautés de destin, même si des milliers de km nous séparent… On a évoqué le village de Marinaleda qui vit déjà cette expérience depuis les années 70; on peut aussi citer celui de Tarnac en France; on peut encore citer le Val de Suse en Italie. Ce qui lie tous ces gens, ce sont les mêmes gestes de la résistance, les blocages, les occupations de terres abandonnées, l’émeute insurrectionnelle par la création de territoires innovants coupant l’herbe sous les pieds des mégapoles voraces et dominantes.
Les zapatistes du Chiapas ont réussi leur insurrection contre le désastre ultra libéral, en décidant de sortir du cadre national Mexicain et donc en s’extrayant de la situation de la « lutte locale » contre le « mondial ». Ils se sont liés à beaucoup d’autres forces dispersées à travers le monde. Le Pouvoir mexicain était du coup impuissant sur son propre territoire et au-delà de ses frontières. Nous pourrions aussi, nous Français, opérer ce genre de chose, car cette expérience est reproductible comme elle se fait depuis les années 70 à Marinaleda en Espagne.
L’État n’est qu’une mafia qui a vaincu les autres mafias en gagnant le droit de les traiter en criminelles. C’est notre organisation quotidienne dans la complémentarité qui nous fait découvrir que l’État est inutile, que le gouvernement est superflu, que sans lui la coopération devient aussitôt naturelle.
Les communaux collaboratifs c’est la promesse faite entre des personnes de se tenir ensemble, se jurant assistance; c’est s’engager à se soucier les uns des autres et à se défendre contre tout oppresseur. Une commune c’est un serment commun. Le communal collaboratif c’est le serment de se confronter ensemble au monde. C’est compter sur ses propres forces communes pour s’assurer la liberté, l’égalité et la fraternité. Il s’agit d’une qualité de lien et une façon d’être dans le monde. La commune de Paris en 1871 c’était cela : des gens qui ont consenti à se lier les uns aux autres.
Les communaux collaboratifs doivent à la fois faire exister leur originalité territoriale en dehors de l’ordre global, tout en constituant des liens forts avec les autres consistances locales… Le communal est un « commun », c’est-à-dire ce qui ne peut pas être possédé en propre. Il n’est « commun » que s’il permet de s’exprimer, à travers lui. La situation actuelle d’un grand nombre va entraîner un retour massif de l’économie sociale et solidaire. Il faut faire attention de n’être pas entraîné dans ce qui a été instrumentalisé par la Banque Mondiale en Amérique du Sud, pour une « pacification politique à bon marché », comme prévention à l’insurrection.
« La commune est l’organisation de la fécondité : elle fait naître toujours plus que ce qu’elle revendique. » (Idem, p.221)
Un esprit unifié, opérant en commun son projet, produisant une richesse commune avec le bonheur de le rendre réel pour tous, met fin à l’économisme marchand en faisant de l’amitié une priorité de la vie sur la nécessité des besoins… Nous organiser est une puissance qui rend joyeux. Cette fécondité qui a été anéantie par le capitalisme sauvage est le cauchemar de la gouvernance représentative ayant assuré le triomphe de ce désastre humain que l’on appelle ultra libéralisme. Cette organisation en communaux collaboratifs est vu comme un danger à ruiner coûte que coûte. Voilà pourquoi, nous devons anticiper la résistance et prévoir ses moyens. Le secret, c’est qu’il faut aller voir ailleurs, aller à la rencontre des autres qui font la même démarche. Il faut discerner les mouvements qui convergent, les communes amies, les alliances possibles, les résistances nécessaires selon une logique de la stratégie et non pas de la dialectique. Il ne faut pas de leader particulier; pas de tête que le Pouvoir pourrait couper; pas d’individu à isoler pour tuer un mouvement. Notre organisation doit rester polynucléaire, sans hiérarchie, communaliste, diffuse, invisible au sens institutionnel. En fait, la guerre de tous contre tous n’est pas ce qui vient quand l’État n’est plus là, mais c’est ce qu’il organise habilement tant qu’il existe.
Jean-Yves Jézéquel
Le peuple souverain est interdit: France et démocratie, Première partie
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, 26 avril 2019