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Affaire Dieudonné: après l’hystérie, retour à la raison?

Les temps sont durs, sombres et hystériques comme des veilles de drame. La folie qui s’empare de la France depuis plusieurs semaines m’interroge. Plus de problèmes de chômage, plus de difficultés de logement, fini la débâcle et les fermetures d’usines, au revoir échec scolaire et protection du système de santé. Voici venue l’heure de la QuenelleTM.

Comment a-t-on pu en arriver là ?

Que nous dit cette polémique de l’état du pays ?

Que reste-t-il à construire et quelle est l’ampleur des fractures traversant le peuple qui, dans toute sa diversité, partage une France qui pour conjurer le déclin, semble toujours à deux doigts de se jeter dans un gouffre…

J’ai longtemps hésité à intervenir, convaincu que le discours et l’analyse rationnelle n’ont plus prise sur des situations si polarisées où personne n’écoute plus qui que ce soit et où chacun est sommé de prendre position, pour ou contre, validé ou banni à jamais du cercle de l’acceptable. Mais c’est justement lorsque le monde semble devenir fou qu’il faut s’asseoir au calme et, toujours, chercher à comprendre, si l’on veut sortir par le haut de cette névrose collective.

Quarantaine…

Au début il y a Dieudonné, humoriste tout simplement.

Il est Noir et ça change quelque chose : On sait s’accommoder des Noirs lorsqu’ils sont là pour nous divertir, beaucoup moins lorsqu’ils nous interrogent.

Au début il y a un sketch, dénonçant l’attitude des colons israéliens, conclu par une expression (« Isra Heil ») qui lie l’occupation israélienne et les pratiques nazies.

On peut légitimement questionner l’à-propos d’un tel lien dans le sketch qui, même si les déplacements de population et le massacre font partie des actes inhumains qu’a pratiqué et continue de pratiquer Israël, peut choquer à juste titre des juifs (ou non), qui ne soutiennent pas automatiquement les injustices du régime israélien et ne partagent pas nécessairement son projet, politique et colonial.

Plus que l’expression, c’est le fait qu’à une heure de grande écoute, la violence de l’occupation sioniste était montrée pour ce qu’elle est : une inhumaine violation de la dignité la plus élémentaire des Palestiniens, de manière incontournable, ineffaçable et provocante.

S’ensuivit un procès d’opinion en antisémitisme : Dieudonné était diabolisé, progressivement décrit comme l’indésirable et insupportable monstre que l’on voulait faire de lui, tandis qu’à mesure que montait la prime à la dieudophobie, les soutiens de la veille se distanciaient de lui. Interdit de spectacle à l’Olympia, agressé, insulté, menacé, mis sous haute pression, voici qu’il était à l’écart, en quarantaine médiatique, donc en dissidence populaire.

Ce qui était une marginalité subie est devenu une posture.

Antisystème, par conséquence.

Antisioniste, par cohérence.

Antisémite, par décadence.

Car il y a bien une évolution dans le discours de Dieudonné, fruit d’un long et complexe processus.

La construction d’une icône

D’une part, il faut introduire et comprendre la mobilisation de l’arme humoristique contre des injustices réelles. Le rire est l’un des mécanismes cognitifs les plus subtils, les plus puissants et, de ce point de vue, l’expérience qu’a vécue Dieudonné lui a permis d’améliorer son écriture et sa maitrise du jeu, jusqu’à en devenir l’un des plus populaires humoristes de France. Le rire joue avec les structures, conscientes et inconscientes, de ce qui fait notre fondement : les non-dits, ce qui relève ou non de l’acceptable, quelque chose de profond que l’on ne contrôle pas nécessairement. L’utilisation de l’humour et de la dérision dans la lutte pour/contre des idées n’est pas nouvelle. Elle a permis, souvent, de contrer l’influence (apparemment) toute puissante d’un pouvoir autoritaire, de questionner des modèles de société, de restituer la dimension grotesque d’une politique ou d’un personnage. De Chaplin à Coluche, il y a plus que du rire qui se joue sur scène et c’est pour cela que, dès qu’il porte des idées, l’humour devient une affaire très sérieuse. Dieudonné a très vite intégré cette dimension à ses spectacles et placé son humour au service d’un message. C’est bien ce message qu’il convient d’interroger.

Toute personne qui se sert de sa plume fait un choix, en conscience. Et tous les nez rouges du monde n’évacueront pas cette responsabilité. Charlie Hebdo qui s’en dédit.

Voilà pourquoi le talent de Dieudonné et le fait qu’il se place dans le champ de l’humour n’évacue en rien la charge idéologique, qu’on la juge problématique ou non, de ses propos. De la même manière que certains mettent de l’humour dans leurs idées, d’autres mettent des idées dans leur humour. Dans les deux cas, il y a quelque chose qui relève de l’acte consenti. C’est précisément ce consentement qui convoque la responsabilité.

D’autre part, le positionnement sociologique et politique de l’artiste, de ses soutiens et de son public joue un rôle dans l’évolution de Dieudonné. Cet entourage, dont on voudrait dresser le portrait d’un groupe monolithique d’imbéciles racistes et antisémites, est en fait très varié : différentes religions, différentes appartenances sociales, professionnelles et culturelles. Au delà de l’humour, c’est également une forme de dissidence qui est ici partagée. Face au magma consensuel et tellement convenu qui est proposé dans la culture de masse, forgée un jour après l’autre par des élites culturelles, politiques et médiatiques presque consanguines, la dissidence s’exprime aussi sur scène.

Au fil des années, plusieurs groupes d’opinion sont venus entourer et soutenir Dieudonné, en qui ils voyaient un vecteur pour leur discours et un catalyseur de leurs idées : mouvements d’extrême Droite, groupes pro-Assad, associations satellites du régime iranien, militants conspirationistes, ségrégationnistes 2.0, etc.

N’oublions pas non plus tous ces simples citoyens, anonymes et conscients que nous vivons une période particulière. Ils en ont un peu marre du discours lénifiant qui leur est servi dans les médias, fait d’injonctions paradoxales, déplorant dans un réflexe quasi-pavlovien la baisse du « moral des ménages » puis annonçant, dans la foulée, une énième hausse du chômage…

Il y en a même certains qui sont venus « juste pour rire ». Si, si.

Or la relation qui lie le public à l’artiste est marquée par ce que l’on pourrait appeler, en théorie économique, la co-intégration.

Qu’est-ce que cela veut dire ?

C’est simple: quand deux entités interagissent, elles s’influencent mutuellement.  On dit qu’elles se co-intègrent, en reprenant l’une de l’autres des idées, des expressions, des façons de faire. C’est vrai pour des espaces monétaires. Ca l’est également pour des groupes d’opinion.

De ce point de vue, Dieudonné a influencé son entourage autant que celui ci l’a marqué, s’encourageant mutuellement dans le processus d’écriture-réaction qui a fait basculer l’artiste, d’une posture explicitement antisioniste à une posture implicitement antisémite.

La géopolitique de la QuenelleTM

Si le fait de se moquer des victimes de la Shoah n’est pas de l’antisémitisme, alors qu’est ce que c’est ?

Si le fait de lier le sionisme (politique) à la judaïté (ethnique/religieuse) n’est pas de l’antisémitisme, alors qu’est ce que c’est ?

Si la mise en scène du juif comme étant celui qui contrôle les banques, les médias, le pouvoir et toutes ces structures qui produisent de l’injustice n’est pas de l’antisémitisme, alors qu’est ce que c’est ?

De l’antisionisme ?

Assurément pas. Car en liant l’appartenance religieuse et politique supposée de ceux qu’ils visent, ceux qui se réclament de cet antisionisme utilisent exactement le même mécanisme que les groupes qu’ils prétendent dénoncer, du CRIF au lobby AIPAC en passant par toutes ces officines qui cherchent, par tous les moyens à leur disposition, à rendre consubstantielle l’appartenance juive et le soutien à Israël.

En faisant cela, ces groupes de pression et ces lobby veulent criminaliser toute critique du sionisme comme étant de l’antisémitisme, tout en faisant des minorités juives à travers le monde (qui seraient intrinsèquement liées à « l’état juif ») les premières cibles de la réprobation de la politique coloniale et des violences commises, dans la plus totale impunité, par ce que certains ont encore l’outrance d’appeler la « seule démocratie du Moyen Orient ».

L’extrême Droite israélienne qui domine le gouvernement de Tel Aviv et tous ceux, y compris en France, qui partagent leurs morbides idées ne pouvaient pas espérer meilleure configuration qu’une revendication antisioniste si facilement disqualifiable, qu’ils tenteront par tous les moyens de lier à des mouvements autonomes et durablement engagés contre le projet colonial israélien, pour mieux pouvoir combattre, dans son ensemble, le mouvement largement soutenu de sympathie et de solidarité avec les Palestiniens dans leur lutte contre l’injustice.

Plus largement, cette utilisation de l’antisionisme est structurée autour d’un bloc d’idées, où de nombreuses autres questions (économiques, géopolitique, etc.) vont être interprétées dans la binarité sioniste/antisioniste, comme si tous les problèmes de notre monde pouvaient être simplifiés et ramenés au choix élémentaire d’un camp, dans une totale et parfaite symétrie avec le discours néoconservateur des groupuscules que l’on prétend dénoncer, obéissant en cela à la rhétorique du choc des civilisations telle qu’énoncée par Huntigton qui, plus qu’une théorie, doit être comprise comme une prescription. Plutôt qu’une dissidence, elle devient une docile contradiction, binaire et légitimante. Exactement ce que l’on attend d’elle.

Dans la forme la plus pure et la plus extrême de ce type de discours, l’adhésion aux idées se fait par bloc. Soit on est :

Pro-Bashar-el-Assad + Pro-Iran + Pro-Russie + Anti-USA + Anti-Qatar + Anti-Arabie-Saoudite + Patriote + Anti-système + conspirationiste + etc.

Soit on est sioniste.

Tristes divisions & éthique en péril

Cette pensée simpliste produit des ravages dans des espaces de mobilisation chaque jour plus nombreux, notamment dans certains quartiers populaires. Elle évite tout effort de compréhension rationnelle des phénomènes, au demeurant complexes, qui traversent notre monde. Elle crée des clivages majeurs entre les pour et les contre, produisant ainsi les effets escomptés par ceux que l’on prétend combattre, en divisant et en morcelant les communautés chaque jour davantage. Elle produit du défaitisme et de l’immobilisme, face à des injustices perçues comme inéluctables dans un système total et tout-puissant qui nous ôterait toute velléité d’action. Elle restreint la capacité de ceux qu’elle prétend libérer, en les démobilisant de l’espace réel des combats politiques, humanistes et éthiques pour mieux pouvoir les capter dans un espace virtuel et idéologiquement normé.

Plus grave encore, cette façon de penser est en contradiction directe et profonde avec une éthique que nous sommes nombreux à juger comme centrale dans notre façon d’agir et de nous comporter, qui nous invite à dénoncer et à lutter contre toutes les injustices, sans jamais tomber dans l’outrance et l’indignité.

Voir des personnes se revendiquant comme musulmanes tout en pratiquant le geste de la quenelleTM, au delà de la vulgarité de ce qu’elle représente, tout en énonçant des raisons « anti-système » pour se justifier, paraît surréaliste, certains posant fièrement et portant barbe, foulard ou autre tenue perçue comme islamique, aux abords parfois d’une mosquée, ou même devant leurs parents, facilitant d’autant plus la malhonnête récupération de cette polémique par l’extrême Droite, qui crie déjà à l’islamisation de la quenelleTM

Voir des personnes si lucides quant au caractère intolérant, islamophobe ou négrophobe des publications de Charlie Hebdo ou de Riposte Laïque devenir muettes lorsqu’il s’agit d’antisémitisme ou de racisme anti-Roms…

Voir des personnes comme devenues amnésiques quant aux ravages qu’à causés et que continue de causer l’extrême Droite, tout en se disant « puisque le PS et l’UMP sont acquis au soutien d’Israël et à la marginalisation des quartiers populaires, on n’a qu’à voter FN, juste pour voir comment ça fait »…

Voir des personnes oublier que l’Islam est un message qui convoque une responsabilité, même lorsque les temps sont durs et que l’on se trouve au cœur d’une situation de tension. On lutte pour la justice, jamais contre la dignité…

A tous ceux qui ne voient pas en cela une contradiction directe entre leur éthique et leur sens de l’humour et de la contestation, je pose une question simple :

A votre avis, si le Prophète Muhammad (asws) était de notre temps, aurait-il été du groupe des « gens de la quenelle » ou  de celui des dociles inféodés à l’ordre dominant ?

Aurait-il accepté ce choix absurde ou aurait-il tracé, dans la sagesse et la détermination qui étaient les siennes, un chemin de libération, autonome dans sa réflexion, exigeant dans ses valeurs, toujours digne jusque dans sa façon de faire ?

Chacun pourra, en conscience, répondre à cette question.

Quant au rire et à ses limites, il (asws) disait :

« Si vous saviez ce que je sais, vous ririez peu et pleureriez beaucoup. »

J’aime rappeler cette idée, qui nous montre que quand on a une éthique, on ne rit pas de n’importe quoi, de n’importe qui ou n’importe comment. En toute circonstance, on ne doit pas l’oublier pour ne pas s’oublier.

Ces comportements, que je déplore au demeurant, ne sont souvent que des gestes de réaction qu’il faut chercher à comprendre, fruits d’une exaspération et d’une colère souvent légitimes.

Les raisons de la colère : une France qui vire à la farce tragique

Vivre dans la France de 2013, c’est faire face à une société où le cynisme prévaut, où le chômage est quelque chose que vivent des millions d’entre nous, où l’élite du pays s’attache moins à mener une politique progressiste qu’à sauvegarder ses propres intérêts, où les médias produisent, par leur panurgisme et leur coupable consensualité, un état de déni des réalités et des souffrances que vivent, chaque jour un nombre plus grand de nos concitoyens.

La France est une expérience violente.

Et il y a un prix pour le dire.

Voilà pourquoi, au delà des désaccord profonds que j’ai exprimés avec ce que disent Dieudonné et ceux qui le soutiennent dans cette voie, je trouve tellement plus grave encore l’attitude de ceux qui, pour des raisons autres que la lutte contre l’intolérance, ont pris sur eux la responsabilité de faire basculer la France dans un état d’hystérie.

Nous avons assisté, durant les deux dernières semaines, à la mise en œuvre d’une politique d’exception. La quasi totalité des médias et des partis politiques se sont mis en branle pour mener, contre Dieudonné et son public, une opération de diabolisation et de censure d’une violence inédite.

Voici que la République est menacée par un comique, que les institutions tremblent et que tonnent les ténors radiophoniques face à la menace de quelques rires incommodants qui justifieraient, la folie aidant, que la liberté d’expression, inconditionnelle hier, soit la censure d’aujourd’hui.

Deux attitudes seraient dès lors cohérentes dans le référentiel que semble s’être fixé le gouvernement :

Soit la liberté d’expression est totale, et dans ce cas on est en droit de se demander au nom de quoi le ministre de l’intérieur s’octroierait le droit, une fois de plus, de court-circuiter la justice pour imposer sa vision de ce qui est drôle, s’agissant des uns, et blâmable s’agissant des autres,

Soit on considère que la liberté d’expression s’exerce dans les limites du respect des personnes, et dans ce cas il s’agit, en cohérence, d’interdire tous les discours de haine, quels qu’en soient les auteurs et quelles qu’en soient les cibles.

Or il est évident que certains principes sont, s’agissant des communautés, à géométrie variable. La « liberté d’expression » et la graduation des réponses face aux actes de violence en font partie.

De ce point de vue, on sera bien intéressés de voir comment (et pourquoi) tous ceux qui attaquent le discours de Dieudonné aujourd’hui ont gardé un silence coupable, voire soutenu les caricaturistes de Charlie Hebdo dont ils défendaient inconditionnellement la « liberté d’expression » dès lors qu’elle s’appliquait à l’endroit des musulmans…

On sera tout aussi intéressés de voir la vigoureuse réponse que le gouvernement apportera à l’outrance et à la haine dont font preuve les Femen, qui souillent des lieux de culte et portent atteinte, au sein même des églises, à quelque chose d’essentiel pour nos concitoyens chrétiens, sans être jamais inquiétées…

Repus de cette justice et de cette fermeté qui se faisaient tant attendre, on pourra enfin voir comment le gouvernement dissoudra la Ligue de Défense Juive, dont les nervis continuent à agresser des citoyens sur le sol français et à pratiquer des entrainements paramilitaires, bénéficiant d’une totale complaisance de la part des autorités…

On verra Christine Tasin et les islamophobes de Riposte Laïque enfin mis derrière les barreaux, pour leurs appels répétés à la haine contre les musulmans et leurs incitations à la violence…

On verra le gouvernement sortir de son déni et enfin agir contre l’islamophobie, sans enterrer les rapports qui ne lui conviennent pas et sans dicter aux musulmans les modalités acceptables de leur visibilité et de leurs mobilisations,

Puis Manuel Valls sera démis de ses fonctions et interdit de toute parole publique, lui qui pense qu’il n’y a pas assez de « Blancos » à Evry, que le foulard « est un combat essentiel pour la république » et que les « Roms ne peuvent pas s’intégrer » en France…

Ce sera, et il faudra le saluer, une grande mesure de cohérence qui aura été courageusement initiée par un ministre de l’intérieur, farouchement opposé au racisme, même lorsqu’il en est lui même le promoteur, au point de se taire à tout jamais.

… A moins que tout cela ne soit qu’une vaste imposture.

Car tout observateur conviendra que si Manuel Valls voulait donner totalement raison à Dieudonné quant aux manipulations et aux groupes d’intérêts que ce dernier dénonce, il ne s’y serait pas pris autrement.

La république de la honte

Deux lycéens ont été mis en garde à vue, accusés d’apologie de crime contre l’humanité, pour avoir fait le geste de la quenelle. Plusieurs autres personnes ont perdu leur emploi pour les mêmes raisons, tandis que cette polémique vient opportunément masquer l’inaction du gouvernement face à la descente d’une quarantaine de nervis sionistes dans la région lyonnaise, venus lyncher des personnes ayant elles aussi fait le geste de la quenelle, traquées, localisées puis l’une d’entre elles frappée, comme si la police était paralysée face à ces groupuscules de plus en plus violents, important sur le territoire national des pratiques inspirées des groupes d’action israéliens, tout en bénéficiant d’un grand laisser-faire et d’une relative impunité de la part des pouvoirs publics.

Il est pathétique de voir tous ceux qui sont si prompts à mettre en garde contre un hypothétique communautarisme musulman n’être jamais mal à l’aise de venir s’incliner et subir les vives remontrances et revendications communautaires au dîner du CRIF, principal lobby de soutien à Israël en France, tout en instrumentalisant la condition des minorités juives visées par l’antisémitisme.

L’état d’exception, la disproportion des moyens mis en œuvre, l’unanimité affichée des condamnations inversement proportionnelles à celles sur les cas de racisme anti-Roms, de bavures policières ou d’islamophobie, la volonté délibérée d’amalgamer l’antisémitisme avec toute forme de critique des lobby sionistes et de la politique israélienne, tout cela vient légitimer ceux qui, chaque jour plus nombreux, pensent qu’aujourd’hui, il n’y a plus de gouvernement pour le peuple de ce pays, mais pour les intérêts d’une élite qui utilise tous les moyens à sa disposition afin d’atteindre ses objectifs de contrôle et de maintien du pouvoir.

Une élite qui établit les listes noires de ceux qui ne sont pas acceptables sur un plateau de télévision,

Une élite qui peut se permettre d’acheter des élections sans avoir à en répondre devant des tribunaux,

Une élite qui dicte les guerres que nous devons mener et les opinions que nous devons proscrire,

Une élite qui utilise la loi comme un instrument de domination, en la faisant appliquer lorsqu’elle leur convient, tout en en réclamant une nouvelle dès lors qu’elle leur est défavorable. A ce titre, le parachutage d’Arno Klarsfeld (qui fait des périodes de service militaire dans l’armée israélienne et dans les territoires occupés en violation du droit international) au conseil d’état afin qu’il y fasse prévaloir la « bonne » parole signe une fois de plus l’instrumentalisation des institutions françaises à des fins partisanes,

Une élite qui tient des discours sur le progrès, tout en s’accommodant de la détresse sociale et de la pauvreté dans laquelle vivent des millions de Français,

Une élite qui poursuit son déni quant à l’islamophobie, tout en mettant en accusation les musulmans à chaque fois que cela est possible,

Une élite qui tente de faire taire les médias indépendants en les éreintants par des contrôles fiscaux répétés,

Une élite qui place les droits de l’Homme au centre de ses paroles, tout en entretenant des relations de complaisance avec de nombreux dictateurs,

Une élite qui fait honte à ce pays, en s’acharnant à diviser le peuple plutôt que de le rassembler et qui, pour masquer son incapacité à changer notre modèle de société pour plus de justice et d’équité, va de conflit d’intérêt en diversion massive, naviguant au gré des sondages qui dictent les bons et les mauvais choix. Petits arrangements entre amis que l’on croyait jusqu’ici réservés à des républiques bananières.

Plutôt que de la politique, ces gens font de l’opinion.

Aller de l’avant…

Cette situation crée un état d’exaspération qui pousse chaque jour des millions de nos concitoyens à adopter des idées de moins en moins acceptables. Et quelles que soient leurs colères, quelles que soient leurs protestations, si impolies et outrancières soient-elles, des bonnets rouges à la quenelle, elles auront principalement été le fruit de la violence qui prévaut aujourd’hui et de la triste expérience collective que nous vivons, dans laquelle la France semble malheureusement empêtrée pour plus longtemps que ne dure un spectacle de Dieudonné.

Que ceux qui ont encore envie de rire à cette triste farce continuent de le faire, mais ce sera sans moi.

Que ceux qui ont envie de pleurer sèchent leurs larmes.

Que ceux qui ont envie d’agir relèvent la tête et fassent preuve d’indépendance d’esprit, de détermination et d’équité, dans leur colère comme dans leurs sourires, car la grandeur d’un peuple ne se mesure ni à son armée, ni à son pouvoir économique, mais dans sa capacité à faire front aux épreuves, sans jamais être diminué.

Ni en courage, ni en dignité.