La LDH section de Nice a organisé les 10 et 11 février 2012 un colloque sur la guerre d'Algérie.
LE PRÉSIDENT
Réf: 44/12/PT/VP
Monsieur Claude Guéant
Ministre de l’Intérieur,
de l’Outre-mer, des collectivités territoriales
et de l’Immigration
Place Beauvau
75008 Paris
Paris, le 9 février 2012
Par fax : 01 42 66 92 34
Monsieur le Ministre,
Dans un communiqué de ce jour, le maire de Nice a cru devoir exprimer en des termes dont la
violence est parfaitement claire, son opposition au colloque que la section de Nice de la Ligue des
droits de l'Homme organise les 10 et 11 février à l'occasion du cinquantième anniversaire de la fin
de la Guerre d'Algérie.
M. Estrosi demande l'annulation du colloque pour respecter une prétendue mémoire des rapatriés et
des harkis dont il se sent l'unique dépositaire.
La LDH, en parfait accord avec la conception qu'elle a de la démocratie, est attachée à l'expression
de l'histoire dans sa complexité et ses contradictions. Elle ne fait donc pas de la Guerre d'Algérie,
l'occasion d'une manoeuvre électoraliste et clientéliste. Elle est partie prenante du colloque organisé
à Nice, comme elle participera en mars prochain à celui d'Evian, qui analysera dans une
perspective historique les accords qui pont mis fin à la Guerre d'Algérie.
La LDH considère, Monsieur le Ministre, que le maire de Nice porte l'entière responsabilité des
événements qui pourraient avoir été suscités par sa démarche. Il sera comptable de fait s'il se
trouvait que des personnes se sentent autorisées à s'opposer par la force à la tenue d'un colloque
que lui-même sait ne pas pouvoir interdire par la loi.
Comptant que vous prendrez toutes les dispositions pour que la liberté d'expression ne soit pas
entravée à Nice, veuillez croire, Monsieur le Ministre, en notre respect des principes
démocratiques.
Pierre Tartakowsky
Président de la Ligue des droits de l’Homme
Rapatriés : colloque sous tension à Cimiez
On ne pourra plus prétendre que les nostalgiques de l'Algérie française manquent d'humour. Hier matin, dans la salle du Claj (1) où la Ligue des droits de l'Homme (LDH) organisait un colloque sur la fin de la guerre en 1962, ils s'étaient tous regroupés… à l'extrême gauche.
Dans le coin opposé, à portée d'invectives, des dizaines de militants de la LDH, du Mrap (2), des élus communistes et des délégués syndicaux parés à la joute verbale.
Un cocktail détonant - garant d'un débat sous tension.
Et tension il y a eu !
Denise Vanel, présidente de la section niçoise de la Ligue des droits de l'Homme, n'a que le temps de remercier les« associations » et les« historiens présents ». Déjà, une silhouette se dresse et éructe :« Et l'association des égorgeurs ? Historiens de mes couilles ! »La présidente s'étrangle. « Vous pourrez vous exprimer plus tard. Pour l'instant, je vous demande de vous taire !»
« Les fachos, dehors ! »
Un premier intervenant, Gilles Manceron, tente d'expliquer « pourquoi une issue pacifique comme en Afrique du Sud n'a pas été possible. » Il met en cause « l'attitude de l'OAS. » Ses propos suscitent un tollé.
« Vous racontez n'importe quoi,s'indigne un retraité au regard noir. L'agresseur, c'était le FLN. Ses membres n'étaient pas des enfants de chœur ! »
« Comparer avec l'Afrique du Sud, c'est n'importe quoi, vocifère un autre. En Algérie, c'était une guerre de religion ! »
Dans la salle, des voix exigent le silence. Une dame s'exclame : « Les fachos, dehors ! »Un homme s'étonne : « Pourquoi fachos ? On est des fachos parce qu'on n'est pas d'accord avec vous ? »L'arrivée d'Abdelmadjid Merdaci, maître de conférence à l'université de Constantine, est saluée par des sarcasmes. « Manquait plus que les fellaghas, grince un vieillard.Pensez à nos parents qui ont été égorgés par le FLN… » Réplique du tac-au-tac de l'universitaire algérien : « Le monopole de la douleur n'appartient à personne ! » « Toute cette haine, un demi-siècle après, ce n'est pas croyable,soupire Denise Vanel. Et dire que le maire de Nice les soutient(3). C'est pitoyable. »Les débats se sont ensuite poursuivis, dans un climat plus appaisé, jusqu'en fin d'après-midi.
1. Club de loisirs et d'action de la jeunesse de Cimiez.
2. Mrap : mouvement contre le racisme et pour l'amitié des peuples. 3. Christian Estrosi a demandé à la LDH « de surseoir, dans un esprit [...] d'apaisement, à la tenue de ce colloque. »La LDH a répondu qu'elle ne reculerait pas « devant une telle intimidation ». (Lire notre édition de vendredi)