Alekos, 57 ans, atteint du cancer de la prostate depuis des années les fait toutes depuis des semaines pour pouvoir trouver le médicament que l’hôpital Aghios Savas spécialisé dans les traitements du cancer lui a prescrit, mais rien à faire il n'arrive pas à se le procurer.
Les pharmaciens refusent la mort dans l’âme de le lui fournir,« il faut que l’argent du médicament soit versé sur un compte. Nous parlons de plus de 4 000 € » explique ce pharmacien, « si je le paye de ma poche je serais remboursé de 1 500 € dans plusieurs mois, je ne peux pas me le permettre.»
Du coup, de leur côté, les sociétés pharmaceutiques refusent désormais de faire crédit car l’État grec leur doit une facture de plusieurs millions d’euros.
À l’ Eopy, la nouvelle caisse nationale d’assurance maladie, fruit d’une fusion décidée dans le cadre des réformes européennes, difficile de trouver une solution. D’autant que Konstantinos Lourantos, président de l’association des pharmaciens de la région de l’Attique, confirme les dysfonctionnements , « L'Eopy n’est pas en règle envers nous. Nous sommes piégés. »
Alekos, lui, ne trouve pas de solution. Il pense aller chez Médecins du Monde sans être certain de pouvoir bénéficier de soins. En attendant, sa famille se cotise pour lui éviter le pire. Son cas n’est pas isolé.
Le gouvernement demande un cessez le feu
Ainsi, l'hôpital de Chios, une île face à la Turquie, manque de plâtre et de cathéters. À Larissa, dans le centre du pays, de gazes. À l'hôpital de Voula dans la banlieue d'Athènes de seringues. " c'est momentané et cela peut changer du jour au lendemain" explique Ilias Sioros, cardiologue au grand hôpital d'Evagelismos à Athènes. "Mais quand ça manque, les patients se trouvent dans l'obligation d'aller acheter le médicament ou le matériel nécessaire dans les pharmacies."
Une situation que dénoncent tous les assurés. "Nous cotisons obligatoirement entre deux et trois cents euros et nous ne bénéficions pas de soins » se lamente Anna, une femme de 80 ans, qui fait la queue à l’Eopy de Galatsi pour obtenir son médicament contre la tension.
Normalement les assurés sociaux comptent sur les pharmacies pour leur fournir les médicaments qu'elles sont supposées se faire ensuite rembourser par l’État. C’est là que le bât blesse.
L’État ne paye plus ni les pharmaciens ni les médecins du secteur hospitalier public qui, de leur côté, tirent la sonnette d'alarme. D’après Ilias Sioros, l'Eopy devrait au système hospitalier public " 1,7 mrd € ". Les pharmacies ont entamé une grève avec déjà quelques répercussions. Et en particulier, la promesse par le gouvernement de régler "ses dettes accumulées jusqu'en juin 2012, soit 35 M€, et les arriérés des salaires des médecins." Mais pour la suite, le vice ministre de la Santé demande "un cessez-le-feu ". Selon Marios Selmas "il faut que les pharmaciens pensent aux malades."
Pour Kyriakos Theodosidis, pharmacien gréviste, " L'État doit accomplir de plus grands pas vers les pharmaciens pour que le mouvement cesse. "
Une crise humanitaire
Et encore, il convient de compter également les ardoises en instances. 130 M€ auprès des fournisseurs de produits périssables ( seringues, bandes de gaze, gants, etc..) et 800 M€ envers les fournisseurs d'équipements.
Reste que les médecins effectuant des gardes ne disposent plus de viande à leur repas car les fonds manquent. Ceux de l'hôpital général de Larissa eux ne mangent plus depuis des semaines que du poulet à cause du manque de fonds pour acheter du bœuf ou du poisson plus chers !
Les pharmaciens continuent leurs grèves tournantes pour forcer l’État à régler la note. « C’est fort, s’insurge Stavros pharmacien dans le quartier huppé de Psychico, nous allons devoir payer une TVA sur des médicaments que nous avons payés et que l’État n’a toujours pas remboursés !»
Pour arrêter totalement leur mouvement, les pharmaciens demandent au moins l'annulation de leurs dettes envers les impôts à hauteur de ce que l’État leur doit.
Sans parler des programme de désintoxication suspendus, des vaccins que les parents ne peuvent plus payer - ce qui entraîne l'apparition de maladies oubliées comme la rubéole - des accouchements supposés gratuits que l’on facture ou des centres psychiatriques qui ferment les uns après les autres faute de médicament ou même de nourriture comme c’est le cas à l’île de Léros, dans le Dodécanèse.
Mais ce que redoute le plus Nikitas Kanakis, c'est la fermeture des centres d'hémodialyse.
Les hôpitaux de Thessalonique signalent déjà des manques cruels de moyens pour face à ce type de situation. Mercredi 12 septembre 2012, les cancéreux et les handicapés manifestaient dans le centre d’Athènes. Evi Galzidou, présidente de l'association des cancéreux de Grèce, accusait le gouvernement de les laisser " crever."
Citons aussi, mieux vaut en rire, le cas de cet homme amputé d’un bras à qui l’Eopy demande, dans le cadre bien tardif de la lutte contre la fraude, de fournir tous les mois une radio de son épaule abîmée, pour continuer à lui verser sa pension « qu’est ce qu'ils croient, que cela va repousser ?» ironise-t-il.