Militants ouvriers, syndicalistes ou politiques, ils se sont retrouvés le week-end dernier à la Bourse du travail à Paris. Ils ont largement contresigné un appel ils affirment leur entier soutien au "rejet" de l’Union européenne qui ne manquera pas de s’exprimer le 25 mai prochain. Ils sont venus d’Allemagne, Belgique, Biélorussie, Chypre, Danemark, Etat espagnol, France, Grande-Bretagne, Grèce, Hongrie, Italie, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Turquie.
Informations Ouvrières, le journal du POI, qui couvrait l’événement publie cette semaine de nombreuses interventions de délégués grec, espagnol, italien, slovène, roumain, allemand, britannique et en publiera d’autres la semaine prochaine. L’hebdomadaire relate ainsi, sous la plume de Dominique Ferré, la particularité de cette conférence :
" Alors que les processus de dislocation de l’Ukraine menacent l’Europe tout entière, Claude Jenet — signataire de « l’Appel des 160 » — souligne le caractère symbolique de ce que la séance d’ouverture de cette conférence ouvrière européenne ait lieu dans la grande salle de la Bourse du travail de Paris, sous le buste de Jean Jaurès qui, rappelle l’orateur, déclarait que « le capitalisme porte en lui la guerre comme la nuée porte l’orage ».
Accueillant les délégués, militants ouvriers, syndicalistes et militants politiques de toutes tendances venus de dix-neuf pays du continent, Claude Jenet souligne l’importance du combat mené, en France, par des milliers de militants de toutes tendances, « pour que l’unité se réalise pour la défense des revendications, et aussi pour éviter l’intégration dans l’appareil d’Etat, pour le compte de politiques dictées par l’Union européenne, de nos organisations.
Il y aura dans les prochaines semaines, le 18 mars, à l’appel de nombreuses organisations de ces deux confédérations, la CGT et la CGT-FO, des mouvements de grève et des manifestations contre le pacte de responsabilité que propose le gouvernement, pacte de responsabilité qui vise d’abord à demander aux syndicats de participer à une opération qui consiste à sacrifier une partie de nos conquêtes, avec notamment la mise en cause de la Sécurité sociale. (…)
A l’évidence, ces instructions viennent directement de l’Union européenne, des impératifs du capital, dictés par le capitalisme financier. C’est de cela qu’il s’agit. C’est de cela qu’il a été discuté dans la conférence de Tarragone », tenue en mars 2013.
S’inscrivant lui aussi dans cette continuité, Jean Markun ajoute : « Alors, qu’est-ce qui bloque, et qu’est-ce qui évolue ? En France comme ailleurs, le patronat et le gouvernement se sont armés pour éviter l’explosion sociale. Nous connaissons comme vous tous les pactes de stabilité, les tentatives d’intégration des organisations syndicales, les pactes de compétitivité, la multiplication des “comités de suivi”, les différentes formes de “dialogue social” et enfin, aujourd’hui, le “pacte de responsabilité” en cours de discussion avec les organisations syndicales. Autant de dispositifs qui ont pour objectif la domestication des organisations syndicales et le musellement des travailleurs. (…) Mais il faut noter l’exaspération de la population. Les inquiétudes sont telles qu’il est possible que l’on soit aujourd’hui confronté à des accélérations subites de l’histoire. »
Et Jean Markun de citer les exemples de la « résistance contre l’accord national interprofessionnel (ANI) et l’appel à la grève le 18 mars » comme des exemples du « mûrissement » en cours dans la classe ouvrière française. Des processus qui sont contradictoires, explique-t-il, aux pressions exercées par la Confédération européenne des syndicat (CES), qui, tout comme le « Parlement » européen, prétend imposer un consensus d’accompagnement des plans de destruction dictés par Bruxelles et mis en œuvre par chaque gouvernement. Plus de quarante-sept militants de dix-neuf pays sont intervenus dans le débat. Un appel contre la criminalisation de l’action syndicale dans l’Etat espagnol, ainsi que l’appel final dont on lira des extraits [ci-dessous], ont été largement signés par les participants.
Compte tenu de l’importance des matériaux livrés à la discussion, dont nous commençons à rendre compte dans ce numéro, selon un choix nécessairement arbitraire, nous poursuivrons, la semaine prochaine, le compte rendu de cette importante initiative sur le terrain de l’internationalisme ouvrier.
(extraits de l’appel largement contresigné par les militants venus de quatorze pays d’Europe)
“Sur tout le continent grandit l’aspiration de la classe ouvrière à se saisir de ses organisations, pour défaire les plans d’austérité”
« Au moment où nous nous réunissons, les événements dramatiques qui déchirent l’Ukraine sont mis en scène par les représentants de l’Union européenne et des gouvernements européens pour soumettre les travailleurs et les peuples à un odieux chantage. Alors que grandit sur tout le continent l’aspiration de la classe ouvrière à s’unir et à se saisir de ses organisations de classe, pour défaire les plans d’austérité dictés par l’Union européenne, ils osent prononcer cet ultimatum : “Si vous osez, le 25 mai prochain, exprimer votre “rejet” de toute la politique d’“ajustement structurel” mise en œuvre dans le cadre de l’Union européenne et des institutions de Bruxelles, vous porterez, vous-mêmes, l’entière responsabilité de l’extension à toute l’Europe du chaos ukrainien.” (…)
Parmi les interventions que nous avons entendues pour démonter ce mensonge, celles particulièrement marquantes des camarades venus de Grèce et de l’Etat espagnol, et plus encore concernant la situation en Ukraine, montrent à quel degré de dislocation le FMI et l’Union européenne conduisent les peuples (…).
“Nous nous élevons contre la fable d’une “démocratisation” possible des institutions européennes”
Nous récusons les affirmations — émanant ces derniers jours des instances dirigeantes de la CES [Confédération européenne des syndicats — NDLR] (reprenant celles du Parlement européen) — selon lesquelles le principal reproche à faire à la Commission européenne est qu’elle se serait éloignée des traités, comme si les “plans d’ajustement structurel” n’étaient pas tout entiers contenus dans ces traités.
En conséquence, nous nous élevons contre la fable d’une “démocratisation” possible des institutions européennes par un prétendu “Parlement” et nous soutenons de toutes nos forces le “rejet” de l’Union européenne et de ses institutions qui va s’exprimer le 25 mai prochain.
L’expérience est là : le seul espoir pour la classe ouvrière, pour la défense et la reconquête de la démocratie, pour l’avenir de nos peuples, c’est le développement de la lutte des classes qui contraindra chacun de nos gouvernements à abandonner leur politique de “réformes” et à rompre avec l’Union européenne et ses traités.
Aider, par tous les moyens,
la classe ouvrière à se rassembler avec ses propres organisations
L’espoir de la classe ouvrière de tous nos pays réside dans sa propre capacité à se rassembler avec ses organisations, dont l’indépendance aura été préservée, afin d’ouvrir la voie à la mobilisation unie qui triomphera des obstacles qui s’y opposent encore. Nous décidons, par tous les moyens dont nous disposons de l’y aider. »
Reprenant à son compte « l’engagement » largement contresigné à la conférence ouvrière de Tarragone (Etat espagnol), il y a un an, la conférence a conclu par un appel à renforcer « l’action politique coordonnée de tous les participants à cette conférence des 1er et 2 mars 2014, à Paris. Ce sera notre manière, à nous, militants ouvriers responsables, de réaffirmer notre solidarité active avec nos frères ukrainiens, bosniaques, grecs… Ce sera notre manière, à nous, de faire revivre cette valeur essentielle dont s’est doté le mouvement ouvrier, dès son origine : l’internationalisme prolétarien ! »