Mais quelle mouche a piqué le Gouvernement grec ? Qui est complice de cette opération absurde ? Qui l’a conseillée ? Que s’est-t-il passe à Athènes ? Comment Deutsche Bank et Morgan Stanley ont-ils géré cette opération? Ces questions, je les ai entendues plusieurs fois de la part de ceux et celles qui, comme moi, se réjouissent de voir la Grèce améliorer sa situation financière, et espéraient qu’un début de reprise économique se pointerait à l’horizon de 2013.
Qu’a-t-on fait des 34 milliards d’euros : 11 milliards pour rembourser la dette
Après un parcours d’obstacle entre la troïka, le Fonds Monétaire International (FMI), la Commission européenne, la Banque Centrale Européenne(BCE), le Fonds Européen de Stabilité Financière(FESF) et le Mécanisme Européen de Stabilité(MES), les fonds avaient enfin été débloqués.
L’espoir était que ces capitaux allaient progressivement être utilisés à des mesures de relance de l’économie grecque moribonde. Subitement, et sans préavis, une opération a été montée visant à rembourser pour 32 milliards d’obligations souveraines grecques à un prix moyen de 34%. L’entièreté de cette avance s’est donc retrouvée dans le coffre des …hedge funds, grands spéculateurs en dette souveraine. L’un d’entre eux, Dart Management, un hedge fund des Cayman Island lors de l’opération du secteur prive avait même réussi à se faire rembourser a 100%.
Une opération bâclée par des banquiers pressés?
Le 3 décembre 2012, le gouvernement grec a annoncé (par e-mail) à la Commission, son intention d'utiliser 10 milliards d’euros en échange d’obligations. Il donnait cinq jours aux obligataires pour présenter des obligations au remboursement. Devant les hurlements des obligataires, l’opération a finalement été étendue de quelques jours et le 12 décembre 31.9 milliards de dette grecque a été ainsi remboursée. Une catégorie d'investisseurs (les chacals) etaient postés depuis longtemps, attendant de prendre au passage un tiers de la manne européenne. Elle a obtenu gain de cause en utilisant une fois de plus son arme favorite: le chantage.
On s’interroge sur le rôle des deux grandes banques, Deutsche Bank, chef de file de l’opération et HSBC aux cotés de Lazard, ont joué en tant que conseillers du Gouvernement grec. Il va falloir une fois pour toutes interdire aux Gouvernements de prendre leurs créanciers comme conseillers. Ce conflit d’intérêt, dans le cas de la Deutsche Bank en particulier, qui a touché une commission importante sur cette opération, et peut-être vendu un bon paquet de ses obligations grecques, soulève plus d’un sourcil. Celle-ci a cependant joué son rôle correctement, proposant l’utilisation d’une clause permettant de racheter ces obligations entre 22 et 24% au lieu de 32-34%. La Grèce y a perdu 2 milliards d’euros. Le gouvernement grec n'a pas osé utiliser cette collective action clause.
Un silence assourdissant et une opacité totale
Que les obligataires se réjouissent n’est pas mis en question. C’est grâce à cette opération que le rendement des obligations grecques à 10 ans est descendu à 11%, ce qui est une bonne chose.
Mais c’est la que s’arrête l’amélioration : l’économie grecque est en lambeaux, relancer son outil et son emploi sont une priorité essentielle. Le problème financier de la Grèce peut se résoudre, non plus par des manipulations d’endettement, mais par une reprise économique qui fera baisser ses taux d’intérêt et lui permettra d’atteindre le seuil fatidique de 124% du PIB, en 2020, imposé par le FMI.
La Banque Centrale Européenne a bouclé la boucle en fin d’année : les obligations souveraines grecques sont maintenant acceptées en gage de financement des banques qui ne devraient plus voir intérêt à vendre ces obligations tant la marge entre le financement de la BCE et le rendement des obligations est importante. La BCE fait état de la large amplitude des mesures prises par le Gouvernement grec. Cette mesure est intervenue quelques jours après le rachat de dette dont il est question ci-dessus. Dans ce contexte, on comprend encore moins bien la nécessité du remboursement des obligations.
Au mieux, c’est une occasion manquée. Au pire, c’est de l’arnaque ! Je laisse au lecteur le soin de choisir entre ces deux hypothèses. Comme l’écrivait le New York Times au lendemain de l’opération, ceci est un exemple de la manière dont les créanciers privés parviennent à circonvenir les responsables européens à leur avantage.