Berlusconi s'est retrouvé dans une situation humiliante: "Si j'avais su ce qui m'attendait, si j'avais su qu'ils avaient aussi invité Monti, je ne serais pas venu", aurait confié à ses proches le Cavaliere de 76 ans, cité par La Repubblica.
Folle semaine pour Silvio Berlusconi: après avoir annoncé son retour sur le devant de la scène puis semblé faire marche arrière mercredi, le Cavaliere s'est fait humilier jeudi à Bruxelles par les leaders européens qui, de droite comme de gauche, ont préféré adouber son successeur Mario Monti.
"Le Parti populaire européen (PPE) a présenté la candidature de Mario Monti à la tête du futur gouvernement italien. Il l'a fait en présence d'Angela Merkel et devant Silvio Berlusconi, de manière explicite et sans aucune courtoisie diplomatique", constate Antonio Polito, du quotidien modéré Il Corriere della Sera.
Au cours de la réunion du PPE qui a précédé le sommet européen, le Cavaliere a été accueilli froidement par ses ex-homologues, dont aucun ne s'est approché pour le saluer.
"A l'exception du Premier ministre hongrois Viktor Orban (et déjà cela devrait faire réfléchir!) personne n'a été indulgent envers Berlusconi", note perfidement Massimo Giannini dans La Repubblica (centre gauche), qui titre en Une: "L'Europe vote Monti".
"Nous sommes aux limites de l'ingérence", estime l'éditorialiste, rejoint en cela par Antonio Polito: "L'ingérence est évidente, mais le problème est que le risque représenté par l'Italie (troisième économie de la zone euro, ndlr) fait vraiment peur à l'Europe".
Giacomo Marramao, professeur de Philosophie politique à l'université Rome III, refuse pour sa part de voir "dans l'intervention du PPE une ingérence illégitime dans les affaires intérieures italiennes".
"Cela me paraît absolument légitime qu'un parti européen donne son opinion sur les choix politiques nationaux: cela me paraît inévitable et même un pas en avant. Au bout du compte, ce sont de toute façon les électeurs qui décideront!" explique-t-il dans un entretien avec l'AFP.
"Cela signifie aussi que l'UE réagit en tant qu'entité politique et pas seulement économique", se réjouit-il.
Pour Antonio Polito, cette "européanisation de la politique intérieure n'est pas le fruit du hasard". "Nos partenaires ne s'occupent pas de nous par altruisme, ni par impérialisme, mais par autodéfense", juge-t-il.
Berlusconi s'est retrouvé dans une situation humiliante: "Si j'avais su ce qui m'attendait, si j'avais su qu'ils avaient aussi invité Monti, je ne serais pas venu", aurait confié à ses proches le Cavaliere de 76 ans, cité par La Repubblica.
Piégé, Berlusconi s'est vu contraint d'apporter son soutien à Monti : "On n'avait jamais vu le dirigeant d'un parti proposer comme candidat au poste de Premier ministre celui auquel il vient de refuser la confiance" au parlement, note ironiquement Michele Brambilla dans La Stampa (centre droit).
"L'Europe ne veut pas de lui et lui se comporte de manière confuse" pour rester en selle, analyse-t-il.
Giacomo Marramao y voit "la stigmatisation d'un leader politique qui selon la majorités des membres du PPE a mené une politique non pas dans l'intérêt général mais pour défendre ses intérêts privés".
"Beaucoup perçoivent Berlusconi comme une anomalie et une menace pour la politique de l'UE, et voient en revanche dans Monti une personne fiable dont la politique entre parfaitement dans le cadre européen", résume-t-il.
Le président français François Hollande a chargé la barque: "Je ne pense pas qu'il y ait une perspective très sérieuse du côté de M. Berlusconi, qui lui-même a semblé exclure sa candidature", a-t-il dit, avant d'ajouter aussitôt: "Enfin, avec lui, ce qui est vrai un jour ne l'est pas forcément le lendemain".
Mais quel avenir peut encore avoir à 76 ans Berlusconi, dont le parti n'est plus crédité que de 15 à 20% (au maximum) dans les sondages en vue des élections de février?
Pour Giacomo Marramao, "Berlusconi appartient désormais au passé, mais il peut encore être un facteur de perturbation, même si je ne pense pas qu'il réussira à obtenir beaucoup de suffrages car l'impression est qu'il ne dispose plus d'un consensus électoral".
Quant à Massimo Giannini, il estime que le magnat "se doit de rester en politique, pour défendre son casier judiciaire et son empire médiatique, mais il ne sait pas dans quel rôle et avec qui".
"C'est pour cela qu'il dit tout et son contraire", conclut-il, expliquant ainsi la difficulté de tout pronostic.