Sergueï Lavrov a noté que l’exclusion de la liste des invités de l’Iran « ne peut pas ne pas poser de questions ». Les intérêts de l’affaire exigeaient qu’une si grande puissance régionale soit présente à Montreux.

 

 Le ministre a déclaré que l’absence de l’Iran à Genève 2 n'allait pas contribuer aux efforts pour assurer l’unité du monde musulman, en ce qui concerne notamment la lutte contre le terrorisme. Il a qualifié de « narquoise » la formulation du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon, selon laquelle ce dernier serait contraint d'annuler l’invitation à l’Iran car ce pays « ne partage pas les principes du règlement inscrits dans le communiqué de Genève 1 ». « Toute cette histoire n’a pas conforté l’autorité de l’ONU », a déclaré Sergueï Lavrov.

 

 « Je rappelle que, depuis sa création, la Coalition nationale s’est basée sur le principe du changement de régime (en Syrie). Les soutiens étrangers l’encourageaient par tous les moyens. Le principe du changement de régime n’est pas prévu par l’initiative russo-américaine. Cette initiative appelle à organiser la conférence, afin d’entamer le dialogue direct entre les parties syriennes pour accomplir le communiqué de Genève le 30 juin 2012 », a-t-il annoncé.

 

 Le 20 janvier, sous la pression des États-Unis, Ban Ki-moon a dû une fois de plus fermer la porte de Genève 2 à Téhéran. La porte qu’il a au contraire ouverte à la délégation de la Coalition nationale des forces de l’opposition et de la révolution (CNFOR). Il a rappelé l’invitation de Téhéran, qui a été envoyée et acceptée par l’Iran le 19 janvier. Les États-Unis se sont fermement opposés à la participation iranienne à la conférence. Dans la soirée du 20 janvier, la CNFOR a déclaré que, étant donné que l’Iran n'allait pas à Montreux, l’opposition y serait présente.

 Les secrétaires généraux de l’ONU font rarement ce genre de maladresse. Le chef de l’organisation internationale la plus importante au monde n’est en réalité que le dirigeant ayant le moins de droits parmi tous les chefs d’organismes politiques. Secrétaire général est une fonction purement administrative et représentative. Afin de rester à ce poste, une capacité absolue à louvoyer entre des parties en dispute est nécessaire. On dirait qu’il y a quelque chose que l’ancien ministre coréen des Affaires étrangères n’a pas pris en compte.

 

 Par conséquent, il a dû se justifier en disant que l’Iran avait oralement reconnu que Genève 2 doit se baser sur le communiqué de Genève 1. Ce qui sous-entend la formation d’un gouvernement de transition en Syrie. C’est justement pour cela qu’une invitation a été envoyée à Téhéran. Washington s’est précipité pour exiger les garanties de cette reconnaissance. Il s’est avéré que l’Iran n’avait jamais rien reconnu par écrit et Ban Ki-moon a été remis à sa place.

 

 Si tout cela s’était passé deux ans auparavant, en 2012, Ban Ki-moon n’aurait jamais renouvelé son mandat à l’ONU. Il a été réélu en 2012 et, ainsi, devra automatiquement occuper son poste jusqu’au 1er janvier 2017. Même si le nombre de mandats de 5 ans n’est pas limité pour le poste de secrétaire général, personne n’a jamais occupé cette fonction plus de trois fois.

 

 Certains experts occidentaux estiment que l’« erreur » de Ban Ki-moon  est plus opportune que jamais (certains disent même que celle-ci a été planifiée) et donne une chance aux États-Unis de s’emparer de l’initiative russe dans le règlement du conflit syrien. Moscou a en effet devancé le département d’État des États-Unis en insistant sur l’organisation de Genève 2, en mettant en place un contrôle international et la destruction d’armes nucléaires, et en prévenant l’intervention de l’Occident en Syrie. Et une éventuelle explosion du Proche-Orient.

 En ce qui concerne Genève 2, les experts russes qualifient de succès ne serait-ce que le fait qu’elle aura lieu. Même dans une version limitée, sans une forte représentation de l’opposition.

 

 Malheureusement, selon Elena Souponina, directrice du centre de l’Asie et du Proche-Orient de l’Institut russe d’études stratégiques, la conférence Genève 2 sera plus une mesure formelle qu’une discussion sur le fond, mais il n’existe pas d’autre possibilité de règlement.

 

 « Il faut commencer par quelque chose. Malheureusement, il n’y a pas de possibilité de rechange à Genève 2. Malgré la faiblesse de cette idée, il faut la réaliser. Mais malheureusement, la guerre en Syrie ne cessera pas après la conférence, mais continuera à persister dans un avenir proche », estime-t-elle.

 

 Sergueï Demidenko, expert de l’Institut des évaluations stratégiques, est persuadé que Genève 2 doit devenir un lieu de discussion qui peut être nécessaire aux futures négociations sur la Syrie. S’il n’y a pas de Genève 2, la situation se heurtera définitivement à une impasse et toute la région explosera. L’Arabie saoudite est à blâmer dans l’hésitation de l’opposition. Elle est prête à tout prix à faire échouer la conférence sur la Syrie et pour refuser l’accès à l’Iran au champ régional.

 

 « La situation actuelle de l’Arabie saoudite est telle qu’il est très difficile d’exercer une pression sur elle. Si avant, l’Arabie saoudite était principalement dépendante des États-Unis, de l’Europe et de l’Occident en général, aujourd’hui El-Ryad mène majoritairement une politique qui correspond à ses intérêts nationaux aux dépens de l’Occident », explique-t-il.

 

 Selon diverses données, la guerre civile en Syrie, qui a duré 3 ans, a fait entre 120 000 et 150 000 victimes. Plus de 2 millions de personnes ont dû fuir le pays dans les États voisins. Six autres millions sont considérés par l’ONU comme les « déplacés internes ». Le pays se trouve au bord du gouffre d’une catastrophe humanitaire colossale.  

 

http://french.ruvr.ru/2014_01_21/Geneve-2-moins-l-Iran-0043/