LA FRANCE VUE DE LOIN (MAIS DE PRES), par Roberto Robertelli.
Mais rien n’est à jamais perdu puisque l’élite française est avec nous, citoyens (c’est bon d’être parfois optimiste) : l’élite nourrie aux seins de la république, celle issue de nos lycées-casernes et sortie gagnante de nos grandes écoles, celle aussi qui a préféré l’administration et non le privé. Cette élite qui résiste encore, qui a encore la force, le courage de continuer à aimer le peuple ; celle qu’il nous faut soutenir : ils constituent notre dernier rempart. Cela donne presque envie d’embrasser un énarque ou un fonctionnaire du Quai d’Orsay (là j’exagère un peu, j’en conviens). L’élite est aussi essentielle que la masse des travailleurs qui la fait vivre. Une élite nécessaire dans un conteste où il est indispensable de savoir déjeuner avec une aristocratie à l’arrogance sans bornes, sans tacher la nappe ou se faire bouffer une main. Mais l’élite républicaine est nombreuse (environ 1% de la population), composite, aux compétences diverses et elle a besoin des encouragements et du soutien populaire. Oui, du soutien populaire, pour essayer de sauver ce qui est encore possible ; car le pouvoir, même celui des marchés, n’est pas absolu malgré les efforts que les Grands déploient dans ce but et les sommes considérables qu’ils dépensent pour nous laisser croire qu’ils l’ont déjà atteint. Quant à l’élite de notre administration, elle a besoin de nous puisqu’une tête sans corps n’a pas de sens, qu’elle ne peut que parler quand elle se doit d’agir. Agir, agir maintenant. Nous aussi, nous surtout. Tous ces kilomètres de paves mouillés parcourus pour défendre les acquis des "enfants gâtés de la république". Se souvenir des doutes. Des doutes que nombreux nous avons nourris quant au bien-fondé de la défense de ces "privilégiés" de fonctionnaires quand les dossiers des chômeurs s’entassaient dans les soi-disant agences pour l’emploi et que le pouvoir d’achat des classes moyennes plongeait irrémédiablement sous les coups de la maximalisation du rendement du capital et de la globalisation du marché du travail. Oui, nombreux nous avons douté, harcelés et suffoqués par l’incessante propagande ultra-libérale. Un grand merci à la médiacratie, merci de nous en avoir tellement dit qu’on a tous fini par trouver louche cet empressement à détruire les piliers de la nation : nos services publics, notre nucléaire, notre industrie d’armement, notre industrie aérospatiale, ce qui reste de notre industrie lourde. Oui, les nôtres, puisque nous avons, citoyens, payé pour tout cela. Oui, les nôtres, car la République, bonne fille, rend bien l’amour qu’on lui porte. Les nôtres, puisque la nation n’est pas le refuge de ceux qui n’ont plus rien, mais le bien commun que nous voulons partager dans l’égalité et la fraternité et que nous sommes prêts à défendre. L’homme au couteau entre les dents doit pouvoir compter sur nous puisqu’ il est le seul en position de peser sur notre avenir. Ce n’est pas en se chamaillant que l’on arrivera à sauver la République, et les composantes de la vraie gauche doivent inciter avec vigueur le parti socialiste à trouver avec elle et avec tous les citoyens soucieux du bien public, les raisons et les moyens qui nous éviteront de sombrer. Pour être encore la France et non une province d’un lointain protectorat ou la bouffe est bonne et les filles charmantes. Remarquez ; c’est déjà ça.