Chère camarada Garrido,
Que fut grande notre surprise que de découvrir dans un de tes commentaires sur facebook ton analyse contre les intellectuels critiques de l’autre gauche. Pour toi, c’est eux qui portent en grande partie la responsabilité, si ce n’est du score du FN, au moins de l’échec du FdG dans les élections européennes.
Les catastrophes de dimanche soir ne seraient que la conséquence d’une erreur d’analyse des intellectuels Euro-Critiques. Devons-nous te rappeler que, il y a cela cinq ans, beaucoup d’entre eux nous soutenaient massivement ?
Aujourd’hui, ils s’éloignent de nous alors que nous avons tant besoin de leurs travaux pour crédibiliser nos positions. Nous vivons une séparation. Pour toi, les raisons de ce divorce, c’est qu’ils partageraient la tentation de « faire peuple ». Et dans cette ambition discutable, ils n’auraient rien trouvé de mieux que de défendre la sortie de l’euro.
Nous te le disons franchement : ton analyse est navrante. N’as-tu pas l’impression de faire le même procès « en populisme » qui a déjà tant fait de mal à la gauche radicale ?
Nous pensons que ta manière de conforter ton raisonnement en disant qu’en utilisant les mêmes mots que le FN, ils les crédibilisent, est grave. Sans t’en rendre compte, tu te places avec les médias et nos ennemis en avançant l’idée que les extrêmes se retrouvent. Ne penses-tu pas qu’il y a des raisons plus profondes à la catastrophe de dimanche ?
Ceux que tu qualifies de « néo-chevenementistes » n’ont rien à voir avec le FN. Ils défendent comme toi la Gauche. Ils veulent aussi un SMIC qui permet à tous de vivre. Ils rêvent, eux-aussi, d’une démocratie saine et purgée des intérêts d’égos et d’argents. Mais pourtant, aujourd’hui, nous nous retrouvons de moins en moins.
A te lire, nous pourrions croire que la médaille de la vérité à Gauche s’acquiert par les actions militantes sur le terrain. Et, alors, sans aucun doute, tu la détiendrais. Et pourtant, quel est le résultat de ta brillante campagne ?
Un recul ! Un échec ! Un front national jamais aussi fort !
Le militantisme ne peut vaincre, à lui seul, la réalité et encore moins la vérité. Combattre ne fait pas tout. Le peuple est doté d’intelligence. Le rencontrer, l’aimer, ne suffit pas à se le mettre dans son lit. Il est nécessaire de lui apporter les réponses aux questions qu’ils se posent. Et s’il peut y avoir, en politique, plusieurs vérités, elles doivent au moins être crédibles pour être audibles.
Aujourd’hui, le Front de Gauche ne l’ait plus car son attachement à la construction européenne l’assimile aux partis de gouvernements qui ont trop trahis au nom de l’idéal européen. Pourquoi serions-nous différents aux yeux des électeurs ? Un militant socialiste, dans la rue, n’est pas un manipulateur ! Il est comme toi. Il est comme nous. Il pense bien faire. Mais il ne se rend pas compte qu’il ne peut simplement pas faire tant qu’il acceptera les contraintes de Bruxelles et de Francfort. Le peuple l’a compris. Il l’a exprimé en 2005. Les partis de l’autre gauche, eux, continuent à fermer les yeux sur cette réalité.
Et c’est pourquoi, comme nos travaux l’ont déjà prouvé, le Front de Gauche n’a plus aucune crédibilité. Et c’est bien cela, et non la façon de parler de l’Europe par « les néo-chevènementistes », qui est responsable de la disparition du rêve dans le discours politique
Défendre la sortie de l’Euro et revenir à un régime de souveraineté populaire en France peut permettre de redécouvrir le chemin du peuple et du progrès social. Et en le retrouvant, en défendant un programme légalement et politiquement crédible, alors nous pouvons faire fructifier le feu révolutionnaire qui vit en chacun de nous.
Pour te dire la vérité, chez la Gauche d’Opposition, nous avons la sensation de voir chez toi et d’autres qui partagent l’idée de révolutionner l’union européenne, la même bêtise que chez ceux qui croyaient en la monarchie constitutionnelle. Comme eux, tu sais qu’il faut aller de l’avant. Comme eux, tu rêves d’un monde plus juste, meilleur et de prospérité. Pourtant, eux comme toi, vous ne voyez pas que le roi était mort dès le 14 juillet 1789.
Nous, nous ne disons rien d’autre. L’union européenne est morte lors du referendum en 2005. Le peuple attend de la gauche radicale qu’elle fasse tomber la tête. Et aux funérailles, nous danserons une nouvelle carmagnole. Et enfin, en libérant la voix du peuple français, d’autres, partout en Europe et dans le monde, pourront entendre les vibrations de nos cris de désir insatiable de liberté, d’égalité et de fraternité.
La Gauche d’Opposition en réponse à un de tes commentaires sur facebook où tu dis « Ces intellectuels qui parlent au nom du peuple et qui essaient de « faire populaire » en adoptant des positions déprimantes n’aident en rien à la lutte politique. Ils font aujourd’hui sur l’euro ou le reste comme a fait le PS qur l’immigration: tâcher de coller au plus près du FN. Avec le résultat que l’on connait. En effet l’idée qu’il y a un « problème de l’immigration » a largement fait son chemin, on l’a vu.
Ayant, quant à moi, VRAIMENT fait cette campagne (autrement dit j’ai… distribué des tracts, parlé à des compatriotes, et pas seulement dans des colloques savants ou sur france culture), je considère que ce qu’il nous a manqué c’est le rêve, l’enchantement. Sur l’Europe, il est pratiquement impossible de faire rêver, mais une cible de clarté à l’horizon nous aurait bien aidé dans le travail de conviction et de mobilisation. Je trouve la pensée neo-chevenementiste triste à mourir. Elle ne pourra jamais faire rêver personne. Ne comptez pas sur moi pour la porter.
Je ne me battrai que pour un idéal généreux et égalitaire. Je me battrai pour le smic à 1700€, pour le droit de révoquer les élus, pour le droit de vote dès 16 ans, pour le droit de participer à la refondation nationale en concourant à une assemblée constituante. Voilà mon idée de souveraineté populaire. J’ai d’ailleurs la même exigence en Europe. L’Europe, comme création politique, ne peut marcher que fondée sur le consentement populaire. Il n’y aura de refondation européenne que par le biais d’une constituante européenne. Et c’est en prenant le pouvoir réel que nous édicterons enfin les règles écologiques qui sauveront notre écosystème. »
http://www.gaucheopposition.fr/2014/05/reponse-a-raquel-garrido/