Le plus inquiétant, ce n'est pas le AAA de la France, c'est la dégradation de deux crans de l'Italie et de l'Espagne
Plusieurs éléments plaident en faveur du Royaume-Uni. Cameron est arrivé au pouvoir il y a un an et demi, alors que la France vient d'entrer en campagne présidentielle. Il y a un pilote dans l'avion outre-Manche, un programme clair et défini pour les trois années qui viennent. Les agences savent où va le Royaume-Uni. Même si on peut critiquer les mesures prises par le gouvernement Cameron, qui vont creuser les inégalités sociales, elles ont une vraie crédibilité. Par ailleurs, les agences tiennent compte du rôle de la Banque d'Angleterre, qui écarte certains risques en se portant acquéreur directement de titres de l'Etat britannique.
Je ne crois pas. La perte du AAA en tant que telle, c'est une nouvelle qui était largement dans les cours. Cela va peut-être provoquer une petite hausse des taux dans l'immédiat. Mais d'autres mauvaises nouvelles vont suivre : la dégradation de collectivités locales et d'établissements publics français, mais encore de compagnies d'assurance voire de certaines banques. Moody's pourrait aussi annoncer d'ici mercredi une mauvaise nouvelle pour la note de la dette française. Mais pour tout cela, les marchés savaient à quoi s'attendre. Le véritable problème est ailleurs. Il faut regarder l'ensemble des décisions prises par Standard & Poor's.
Dans toutes les décisions prises vendredi soir, il y a une seule action positive : le fait que l'Allemagne voie la perspective attachée à sa note modifiée à « stable ». C'est vraiment une très bonne nouvelle pour le pays. Les Pays-Bas, la Finlande et le Luxembourg gardent leur AAA: c'est rassurant, mais leur note a une perspective négative. Ce qui est très inquiétant en revanche, beaucoup plus que la perte du AAA de la France, c'est la dégradation de deux crans de l'Italie et de l'Espagne. C'est aussi le fait que le Portugal et Chypre soient relégués dans la catégorie « spéculative ». Pour l'Italie et l'Espagne, la situation va devenir très compliquée. Il faudra voir ce que va faire la Banque centrale européenne dans les jours qui viennent. Mais il est peu probable qu'elle rachète en masse des emprunts d'Etats italiens et espagnols compte tenu de l'opposition de principe de l'Allemagne. Il risque d'y avoir une hausse sensible des taux pour ces pays. Je ne vois pas comment ils vont pouvoir éviter de faire appel à une assistance financière, auprès du Fonds européen de stabilité (FESF) ou du FMI. Le problème, c'est que la note du FESF risque d'être elle aussi dégradée... Autre sujet d'inquiétude: l'interruption des discussions sur l'échange de dette grecque, qui peut être très mal perçue par les investisseurs.
On savait que ces décisions seraient annoncées. Si elles l'avaient été avant Noël ou après le Nouvel an, on aurait hurlé à la provocation. Il n'y a pas de bon timing pour annoncer les mauvaises nouvelles. Les Etats, les régulateurs et les marchés ont donné beaucoup de pouvoir aux agences de notation. Il faut accepter les sanctions, qu'elles soient bonnes ou mauvaises, et s'intéresser plus au contenu qu'au timing. La principale critique qu'on peut opposer à Standard & Poor's ne concerne pas la fin du AAA de la France, mais plutôt la dégradation de deux crans de l'Italie et de l'Espagne. Le caractère procyclique de ces dégradations est problématique.
Le journal, "Les Echos":
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