«Opération True Blue». Les funérailles de Margaret Thatcher, au nom de code inspiré par la couleur du conservatisme, mercredi prochain à Londres, se préparent avec autant de précaution que le mariage princier ou le jubilé de la reine. L'événement, dont les plans sont discutés depuis quatre ans, donne des sueurs froides aux autorités. Pas seulement parce que la reine Elizabeth y assistera exceptionnellement, ainsi que de nombreuses personnalités internationales - on évoque Mikhaïl Gorbatchev, Nancy Reagan ou le dernier président de l'apartheid, Frederick de Klerk -, mais surtout dans la crainte de perturbations d'opposants. La mort de la Dame de fer à 87 ans, lundi, n'a pas donné lieu à une union sacrée mais au contraire fait ressurgir les controverses autour de sa politique.
Plus de 700 militaires et des centaines de policiers encadreront le cortège funéraire, qui cheminera de Westminster à la cathédrale Saint-Paul. Si certains, comme le tabloïd Daily Mail, continuent de mener campagne pour que ces funérailles soient labellisées «nationales», comme celles de Churchill en 1965, à l'encontre de la volonté même de lady Thatcher et de sa famille, d'autres s'indignent de voir les contribuables débourser quelque 10 millions d'euros pour lui rendre les honneurs. Il faudrait «privatiser son enterrement, faire un appel d'offres et opter pour le moins cher: c'est ce qu'elle aurait voulu», ironise le cinéaste des causes sociales Ken Loach. Pour le ministre des Affaires étrangères, William Hague, «les 75 milliards de livres économisés par le pays grâce au rabais au budget européen qu'elle a obtenu méritent bien qu'on lui paie des obsèques».
Sur le qui-vive, Scotland Yard scrute réseaux sociaux et forums Internet. Les milieux nationalistes irlandais sont particulièrement surveillés. Des fichiers d'opposants radicaux pourraient donner lieu à des arrestations préventives, comme cela avait été le cas dans les milieux antimonarchistes lors des célébrations royales récentes. Les manifestations de joie spontanées qui ont éclaté lundi soir dans plusieurs villes du royaume nourrissent la paranoïa policière. Quelque 200 personnes se sont rassemblées dans le quartier de Brixton, à Londres, où avaient eu lieu de violentes émeutes lorsque Thatcher était à Downing Street, en chantant «Maggie, Maggie, Maggie, Dead, Dead, Dead!» Deux personnes ont été arrêtées. De telles «fêtes» ont eu lieu à Bristol, Glasgow, Liverpool. Les villes minières du nord de l'Angleterre célébreront sa disparition le jour des funérailles. Les leaders de gauche Tony Blair et Ed Miliband ont condamné ces réactions «déplacées». Alors qu'une campagne s'organise pour l'érection d'une statue de Margaret Thatcher à Trafalgar Square, ses détracteurs comptent investir la même place samedi soir pour fêter sa disparition. Hymne improvisé de ce mouvement, la chanson Ding Dong! The witch is dead(La Sorcière est morte), interprétée par Judy Garland dans Le Magicien d'Oz, s'est hissée en tête des titres téléchargés.
C'est dans ce contexte électrique que se tenait mercredi un hommage du Parlement, rappelé en session extraordinaire au milieu de ses vacances de Pâques. Pendant près de huit heures, lords et députés ont livré leurs témoignages sur la personnalité et l'héritage de l'ex-premier ministre. Les conservateurs ont abondé derrière un discours de David Cameron. Le chef de l'opposition, Ed Miliband, a loué sa «stature unique», out en rappelant ses désaccords avec sa politique. Mais plusieurs élus travaillistes ont préféré boycotter cette démonstration d'union nationale. «Je préférerais être envoyé à la salle de torture plutôt que d'écouter ses louanges», a lancé Ronnie Campbell, député du nord-est de l'Angleterre.