Nicolas Domenach - Marianne

D’abord, la dynamique de la gauche unie ressemble à de la dynamite instable, prête à exploser au nez de ceux qui la manipulent inconsidérément. Nombre d’écologistes rêvent désormais de faire exploser cette fausse alliance si humiliante du fort au faible. Le masochisme a ses limites que les écologistes ont atteintes. Quant aux communistes, leur sape systématique du pouvoir ne peut conduire qu’à l’effondrement de leur (més)entente. L’union de ces gauches est un mélange repoussant plus qu’attractif, face à des adversaires qui ne sont pas aussi épouvantails que Sarkozy.
Les parlementaires PS le constatent eux-mêmes sur le terrain, avec quelque amertume, car ils alertent le pouvoir depuis des mois « les sympathisants socialistes sont, seront aux abonnés électoraux absents ». Travailleurs salariés, fonctionnaires, jeunes, et même personnes âgées qui avaient voté Hollande, toutes ces clientèles ont envie de « punir » « leurs » gouvernants qu’ils ne reconnaissent plus comme les « leurs » justement. Ils n’iront pas jusqu’à voter pour une droite dérisoire et hargneuse, ni pour une extrême-droite xénophobe, mais ils tourneront, ils ont déjà tourné le dos à une aventure hollandaise qui se poursuit sans eux.
Surtout en l’absence de toute décision favorable au pouvoir d’achat. Alors, ça devrait secouer quelque peu à l’assemblée pour faire dégringoler de là-haut, de Bercy quelque mesure plus que cosmétiques. Les parlementaires exaspérés rouleront des mots et des muscles. Ils feront du bruit, peut-être même du vacarme. Le ministre des Finances Bernard Cazeneuve habile diplomate, qui reçoit les socialistes de la commission des finances lundi, va devoir s’employer pour les amadouer. On sortira quelques mesurettes de derrière les fagots qu’on baptisera peut-être « conquêtes sociale ». Mais sans tromper qui que ce soit. La priorité est à l’investissement, pas à la redistribution. Noël ne sera pas en septembre. Ni même en décembre !
De toutes façons, la rupture est désormais trop profonde entre la gauche et « ses » électeurs. Elle ne tient pas seulement à la matérielle, au pouvoir d’achat, même si cela compte, et bougrement, mais à des manquements plus fondamentaux de gouvernance, de politique. A commencer par le manque d’empathie de ce pouvoir. « Nous sommes gouvernés par des techno-socialos », enragent la plupart des élus qui tirent en vain les sonnettes d’alarme des ministères et de l’Elysée. « On parle du chômage, jamais des chômeurs », poursuivent-ils, attrapant par la manche, dans les couloirs de l’Assemblée les ministres censés être proches de Hollande, tel Stéphane Le Foll, pour les supplier d’en finir avec le sabir des experts et d’en revenir aux mots, aux douleurs, aux espérances du quotidien des mortels. En vain. Le pouvoir est un autisme technocratique. Pire encore, il conduit à la paranoïa. Toute critique est suspecte de procéder d’un complot ourdi par des concurrents malintentionnés. « Si tu n’es pas avec moi, c’est que tu es contre moi ». Il n’est guère de majorité qui ait échappé à cette folie. Les socialistes moins que quiconque !
Ces chevaliers de l’avenir qui refusent de perdre la foi font penser à ce noble qui, pendant la révolution, corna l’ouvrage qu’il lisait et le ferma avec soin avant de monter sur l’échafaud…