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Le blog de Lucien PONS

Quelques nouvelles de Syrie, en guise de voeux. Par Marie-Ange Patrizio.

3 Janvier 2013 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #La Syrie - La Libye - l'Iran -

Bonjour.
  
Je vous transmets les voeux de Marie-Ange Patrizio. C'est un témoignage sur l'attaque du monastère Saint-Jacques Le Mutilé. Le texte est suivi de l'interview de la Mère supérieure de ce monastère lors de son passage en France. Les photographies donnent une idée de l'environnement de ce monastère. D'autres informations en complément.
  
  
Le 1 janvier 2013. Par Marie-Ange Patrizio. 
  
SYRIE--nov.-2011--201.jpg
 
 
Quelques nouvelles de Syrie, en guise de voeux
Chers amis,
  
 

la communauté du monastère de Mar Yakub (Saint Jacques l'Intercis, Syrie), a été l'objet d'une tentative d'attaque vendredi dernier (28 décembre). Une bande qui semble s'être armée pour la circonstance, a répondu à un appel au jihad prêché depuis la mosquée voisine (1km environ), à Qara ; et entendu jusqu'au monastère. Cet appel était lancé par un prédicateur salafiste (non reconnu par les Oulémas) venu de Homs, mais n'a pas eu le résultat escompté. L'attaque a été déjouée par une partie de la population du bourg, qui s'est mobilisée et a déclenché à la fois l'intervention de représentants locaux du Mouvement de la Réconciliation, et celle de l'armée syrienne présente sur les contreforts dominant le plateau de Qara. Pour protéger les habitants du monastère, quels qu'ils soient.

  

  Peut-être faut-il rappeler ici l'engagement de la communauté de Mar Yakub à l'égard des personnes déplacées, dès le début de l'agression contre le peuple syrien et ses institutions. Grâce aux dons reçus depuis l'appel lancé il y a un an par Mère Agnès, la communauté a hébergé plusieurs familles et contribué à aider (aliments, vêtements et fuel) des centaines de personnes arrivées dans la région, sans discrimination (y compris à ceux qui avaient d'abord accueilli ou soutenu des miliciens de l' « ASL »). Actuellement plusieurs familles (une vingtaine de personnes) sont encore hébergées au monastère. (Site : http://www.maryakub.org/ ).

 

Précisions de vocabulaire pour indiquer au passage ce que nos media brouillent à dessein (ou par ignorance, sémantique et politique) :

Les « déplacés » sont les gens qui, dans les villes ou villages attaqués, ont évacué leur maison dès que possible pour échapper aux prises d'otage, rançons et exécutions par les assaillants (« ASL » et/ou autres gangs armés). Ils ont été hébergés ensuite soit par des proches (amis ou famille) soit dans des structures provisoires installées par l'administration gouvernementale. Ils regagnent leurs maisons au fur et à mesure que les quartiers sont délivrés par l'armée et réhabilités par les services des gouvernorats.

  

Les « réfugiés » sont des Syriens (ou étrangers eux-mêmes réfugiés en Syrie) qui ont quitté le pays, plus ou moins volontairement, et sont hébergés dans des camps derrière les frontières, jordanienne et turque. Là où le ministre Fabius est allé faire un tour cet été ; camps plutôt déserts tels qu'on nous les montrait, les responsables « humanitaires » ayant apparemment mal estimé le nombre de Syriens qui allaient fuir leur pays. Camps dont on n'entend plus parler maintenant, leur rôle de justificatif pour intervenir "humanitaro-militairement" en Syrie n'ayant pas fonctionné. Ou bien dont le véritable rôle -bases arrières pour les assaillants étrangers- est apparu ensuite.

  

Certains ont émigré plus loin ; dans certains pays occidentaux, "Amis de la Syrie", il semblerait que les visas ne soient délivrés aux Syriens que très parcimonieusement par les structures concernées, et seulement aux demandeurs déclarant un engagement contre le « régime » syrien actuel. Visas humanitaires  -voire statuts de réfugié politique- accordés contre quelques déclarations médiatiques politiquement utiles et utilisées.

 

Je vous ferai suivre dès réception le texte de Mère Agnès Mariam de la Croix donnant des nouvelles de Mar Yakub et davantage d'éléments sur l'agression de vendredi dernier, qui n'a fait que quelques dégâts matériels (dus aux éclats des obus dissuasifs tirés par l'armée syrienne autour du monastère, pour tenir à distance les assaillants).

  

Dans ce message je voudrais surtout souligner la mobilisation qui a eu lieu à Qara. L"appel du prédicateur salafiste venu prêcher la haine inter-confessionnelle a aussi fonctionné a contrario : il a mis en évidence la lucidité d"une partie de la population face aux manipulations confessionnelles et politiques crapuleuses ; et la capacité des habitants à se mobiliser et à intervenir de façon efficiente pour protéger des voisins menacés, et préserver la paix civile.

 Ces actions de résistance, locales, de plus ou moins grande dimension, ne sont pas rares mais elles ne seront jamais rapportées par nos media, car (la véritable diplomatie internationale jouant son rôle par ailleurs) elles sont aussi ce qui fait que la Syrie n"est pas tombée. Malgré tout."

 

SYRIE--nov.-2011--214.jpgPour nous aussi qui sommes loin de Qara et de la Syrie agressée, c"est de bon augure. "

  

Bonne année,

Marie-Ange

  

Quelques photos du monastère et du bourg en contre-bas, pour donner un idée des distances.

 

  

Interview de Mère Agnès-Mariam de la Croix du monastère Saint-Jacques Le Mutilé.  Publiée le 26 déc. 2012.

Interview exclusive de Mère Agnès-Mariam de la Croix, du monastère Saint-Jacques le Mutilé à Qâra en Syrie, lors de son passage à Paris.

Témoin privilégiée des événements en Syrie elle nous livre sa version de la vie quotidienne dans un pays en guerre.

Elle pointe sans ménagement les responsables, tout en décryptant la situation d'un conflit complexe dans lequel tout un pays se déchire.

 

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=bXTbMitFJZ8.

 

 

  SYRIE--nov.-2011--356.jpg

 

 

  • Quelques nouvelles concernant la Syrie, les bandes armées et leurs sponsors :

 

La possible nomination de Chuck Hagel met en lumière les clivages à Washington

Extrait : « La bataille pour la nomination du prochain secrétaire US à la Défense fait rage à Washington. Le président Obama souhaiterait choisir Chuck Hagel (ainsi que nous l'annoncions avec deux semaines d'avance dans notre édition du 5 décembre). Mais dès le 21 décembre, lorsque son nom a été publiquement évoqué, l'American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), le lobby US pro-Israélien, a lancé une campagne brutale pour l'accuser d'antisémitisme.

On verra dans les prochains jours si l'AIPAC a encore les moyens de casser les carrières aux États-Unis, ou si le déclin de son influence lui fait perdre ce rôle.

Après la neutralisation des principaux responsables de l'OTAN et du Bouclier anti-missile, tous placés sous enquête administrative pour corruption, l'opposition au projet Obama ne porte plus que secondairement sur le partage du pouvoir avec la Russie, pour se focaliser principalement sur la possible évolution des relations avec Israël. »

Article intégral : http://www.voltairenet.org/article177018.html

 

En attendant, l'entité sioniste et ses nouveaux alliés ne restent pas inactifs :

Des agents du Mossad dans l'unité d'Al-Qaida qui a attaqué le camp de Yarmouk

Extraits :

"Des éléments du Hamas, favorables à Khaled Mechaal, ont laissé entrer des combattants du Front Al-Nousra (branche levantine d'Al-Qaida) dans le camp où ils se sont principalement affrontés aux hommes du FPLP (nationalistes et marxistes).

Il apparaît aujourd'hui que les combattants d'Al-Qaida n'étaient pas seulement des extrémistes musulmans, mais comprenaient aussi des agents du Mossad israéliens. Ceux-ci disposaient de plans précis pour « loger » les responsables des autres factions palestiniennes et les éliminer. Ne les ayant pas trouvés, ils ont laissé les autres membres d'Al-Qaida piller systématiquement les appartements vides de ces leaders.

À l'issue d'une semaine de durs combats, les éléments d'Al-Qaida, Mossad inclus, se sont repliés en bon ordre et le camp a été déclaré « zone neutre ». Sur 180 000 habitants, environ 120 000 avaient fuit le camp à la demande des autorités syriennes et avaient été relogées par elles à Damas. La plupart sont désormais de retour chez eux."

http://www.voltairenet.org/article177020.html

 

Sans oublier en ce premier janvier quelques nouvelles de nos malades :

Spéculations autour de la santé d'Hillary Clinton

Extrait :

"Hillary Clinton, qui incarnait le principal obstacle au changement de politique étrangère voulu par Barack Obama, n'est pas apparue en public depuis le 7 décembre. [...]. L'ambassadeur John Bolton accuse ainsi Mme Clinton de feindre une « maladie diplomatique » pour ne pas avoir à répondre devant le Sénat de son incompétence dans l'affaire de l'attaque du consulat US de Benghazi. Cependant, en privé, de nombreux experts évoquent au contraire un durcissement paroxystique des relations entre la secrétaire d'État et le président, ayant conduit les services secrets à la mettre provisoirement hors d'état de nuire."

http://www.voltairenet.org/article177019.html

On remercie vivement les services secrets.

  

  siria_assad_aleppo_terroristi_mercenari_turchia-e1-copie-1.jpg

  • Deux liens intéressants.

 

           Une désinformation parmi d'autres en Syrie.

Frappe aérienne sur une soi-disant boulangerie en Syrie : une énième désinformation médiatique

http://anti-fr2-cdsl-air-etc.over-blog.com/article-syrie-une-desinformation-parmi-d-autres-114009007.html

 

 

         Le lycée français "Voltaire" à DOHA repris en main par le Qatar pour enseigner l'islam salafiste.

  

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=bXTbMitFJZ8.

  

  

 siria-copie-2.jpg

 

  • En PJ vous trouverez un reportage du "Guardian" sur la guerre en Syrie vue du côté des insurgés.

  

Lucien le 2 janvier 2013 sur la Syrie,

 

Il suffit qu'un mouvement arbore "gauche révolutionnaire syrienne" et tout esprit critique disparaît. Il faudrait parler aussi des exactions commises par ces prétendus révolutionnaires qui sont souvent des djihadistes de toutes les nationalités. L'appât du gain, le pillage, servent à alimenter cette prétendue foi en un avenir meilleur. L'installation d'un régime salafiste en lieu et place de l'actuel gouvernement ne me semble pas relever de l'idéal d'émancipation des peuples. Les massacres odieux (décapitations et autres joyeusetés)  ne sont jamais évoqués... Pour terminer je vous invite à lire un article du "Guardian" qui expose la situation du point de vue des rebelles et vous constaterez que la réalité, même décrite par des journalistes complaisants, ne semble pas idyllique. Pourquoi les libertaires et les anarchistes se transforment-ils ainsi en vecteur de la propagande de guerre de l'empire atlantiste? Défendre la guerre et les massacres de civils ne me semble pas compatible avec l'idée que je me fais de la gauche en général. Il me semble au contraire que défendre la paix et la seule priorité des humanistes que nous devrions tous être.

 

« Le Guardian, la Syrie et le chaos-Système

Posted By La rédaction On 28 décembre 2012 @ 16 h 23 min

Sources : dedefensa.org

Nous nous arrêterons à cet article, long et détaillé, manifestement fruit d’une enquête disons “sérieuse”, du quotidien Guardian de Londres, ce 27 décembre 2012. Le Guardian ne le dissimule pas et le considère au contraire comme un document, le plaçant (à l’heure où nous écrivons) en manchette sur son site. L’enquête, puisque enquête il y a, se fait uniquement chez les rebelles par rapport à la situation qu’ils ont établie dans les zones qu’ils contrôlent, particulièrement dans la région d’Alep. Il s’agit d’une enquête critique, qui ne s’attache en rien à la situation opérationnelle d’affrontement avec le régime Assad, situation tactique si l’on veut, mais bien à la situation politique et sociale qui règne dans le cadre de la situation opérationnelle des rebelles par rapport à eux-mêmes.

Le titre et le sous-titre nous disent l’essentiel de son contenu, avec la remarque non moins essentielle, pour le Guardian et sa position vis-à-vis de la Syrie, que “la guerre entre dans une nouvelle phase” : «Les rebelles détournés de leur objectif par la lutte pour le butin de guerre — la pillage, les querelles et les conflits de loyauté menacent de détruire l’unité des combattants au moment où la guerre entre dans une nouvelle phase.» On comprend que cette “nouvelle phase”, – qui n’est pas si “nouvelle” que cela puisqu’on la voit progresser depuis des mois, mais au moins elle est actée, – est celle du complet chaos, de territoires transformés en zone de banditisme, de rapines, de choses sans foi ni loi…

• Appréciation générale sur la situation, à partir du cas de la mort d’un chef rebelle, Abou Jamel : « … Ce n’est pas le gouvernement qui a tué le commandant rebelle syrien Abu Jameel. C’est la guerre pour le butin. La cause du meurtre est un entrepôt d’Alep que son unité avait saisi la semaine précédente. Le bâtiment était plein de rouleaux d’acier et les combattants s’en sont emparé comme butin de guerre. Mais des querelles sont nées au moment du partage entre les commandants qui voulaient tous la plus grande partie du butin. Des menaces ont été échangées tout au long des jours qui ont suivi. Abu Jameel a survécu à un premier attentat au cours duquel on a tiré sur sa voiture. Quelques jours plus tard, ses ennemis l’ont à nouveau attaqué et cette fois ils ont réussi. Son corps criblé de balles a été retrouvé dans une allée de la ville de al-Bab.

» Le Capitaine Hussam, du conseil militaire d’Alep a dit: « S’il était mort au combat, j’aurais dit que c’était bien, c’était un rebelle et un moudjahidine et c’était son destin. Mais être tué à cause d’une querelle pour le butin est un désastre pour la révolution.” “ C’est extrêmement triste. Il ne reste plus d’institution gouvernementale ni d’entrepôt à Alep. Tout a été pillé. Tous a disparu.”

»La prise de véhicules gouvernementaux et d’armes a été cruciale pour les rebelles depuis le début du conflit,mais selon Hussam et d’autres commandants et combattants interviewés par le Guardian pendant ses deux semaines d’enquête dans le nord de la Syrie, la guerre est entrée dans une nouvelle phase. Le pillage est devenu un style de vie …»

• Un exemple, celui d’un “jeune lieutenant” (rebelle), Abou Ismael, d’une riche famille d’Alep dont il nous est dit qu’il dirigeait une entreprise florissante avant d’entrer dans les rangs des rebelles. Abou Ismael parle de la situation dans les parties occupées par les rebelles à Alep.

«Une grande partie des bataillons qui sont entrés dans la ville pendant l’été dernier venaient de la campagne, a-t-il dit. C’était des paysans pauvres qui arrivaient avec au coeur un ressentiment séculaire contre les habitants d’Alep plus riches de tous temps. Il y avait aussi le sentiment diffus que la ville – dont les hommes d’affaire exploitent depuis des décennies la main d’œuvre bon marché que constituent les paysans- ne s’était pas soulevée assez vite contre les Assad. “Les rebelles voulaient se venger des habitants d’Alep parce qu’ils avaient l’impression que nous les avions trahis mais ils ont oublié que la plupart des habitants d’Alep sont des marchands et des commerçants et qu’un marchand a l’habitude de payer pour être débarrassé de ses problèmes,” a dit Abu Ismael. “Même si le reste de la Syrie était au proie à la révolution, pourquoi devions-nous détruire nos commerces et perdre notre argent?”

»Quand les rebelles sont entrés dans la ville et ont commencé à piller les usines, une source de revenus s’est tarie. « Dans les premières six semaines, la moitié des rebelles constituait vraiment un groupe révolutionnaire uni, » a dit Abu Ismael. »Maintenant c’est différent. Il y en qui ne pensent qu’à piller et s’enrichir et d’autres qui se battent encore. » Est-ce que l’unité d’Abu Ismael se livre au pillage? « Bien sûr. Comment voulez-vous que nous nourrissions les hommes? Où pensez-vous que nous trouvons tout le sucre que nous avons, par exemple? »

»Dans l’économie chaotique de guerre tout est devenu marchandise. l’unité d’Abu Ismael par exemple s’est emparée du stock de pétrole d’une école et chaque jour, son unité échange quelques jerrycans du précieux liquide contre du pain. Du fait qu’Abu Ismael possède des réserves de fuel et de nourriture, son bataillon est recherché et les hommes ne manquent pas. Les Commandants qui ne peuvent pas nourrir leurs hommes ont tendance à les perdre; ils désertent et rejoignent d’autres groupes…»

• …Ceci, encore, extrait d’une scène montrant des débats entre différents commandants d’unités rebelles, avec des détachements de ces unités, tout ce monde venu pour tenter un mouvement d’unification des “services de sécurité” que chaque unité forme pour son compte. Ces scènes viennent après le constat préliminaire des interférences multiples et destructrices, dissolvantes et chaotiques, des influences étrangères, principalement les pays du Golfe et la Turquie, avec les divers détachements de “combattants étrangers”.

«Beaucoup des hommes qui étaient dans la pièce avaient été détenus et torturés par les services de sécurité d’Assad et ils se sont enfoncé dans leur siège en écoutant l’ancien colonel parler.

» »Nous nous sommes battus contre le régime à cause de ces forces secrètes de sécurité,  » a dit un homme qui avait un fort accent de la campagne. Un autre commandant de bataillon à la voix douce et coiffé d’un beau turban bleu, a pris la parole : « Je voudrais qu’on forme une petite unité de nos frères, les étudiants religieux, » a-t-il dit. « Leur travail serait de former ceux qui seraient amenés à utiliser la force. » Il a ajouté: « Ils seront armés de leur sagesse et de leurs connaissances religieuses et on les appellerait le comité pour une direction vertueuse et la prévention du mal. Ce serait le premier pas pour préparer le peuple à une société islamique.”

»En réponse un jeune combattant a crié du fond de la pièce: « Le problème n’est pas le peuple. Le problème c’est nous! Nous avons des bataillons dans des endroits libérés qui contrôlent des checkpoints et détiennent des prisonniers. Ils décrètent que cette personne est un shabiha [un mercenaire du gouvernement] et prennent sa voiture, ou que cet homme est Ba’athiste et ils prennent sa maison, ». « Ils sont devenus pires que le régime. Dites-moi pourquoi ces hommes sont dans les villes et les endroits libérés et pourquoi ils ne sont pas sur le front?”

»La fumée de cigarette saturait la pièce quand le commandant a accepté de former une force de sécurité unifiée. Mais quelques semaines plus tard, son existence ne paraissait toujours pas évidente…»

Il faut observer que cet article est bien une enquête qui se fait uniquement chez les rebelles, que l’enquêteur est bien accueilli parce qu’il fait partie d’un journal notoirement favorable à la rébellion, que la teneur générale de l’article est implicitement et sans aucune restriction favorable à la cause des rebelles et adversaire farouche du régime Assad sans revenir le moins du monde sur cet engagement. En ce sens, il s’agit d’un article complètement favorable aux rebelles, et dans un autre sens qui est celui de la simple lecture des résultats de l’enquête, il constitue une condamnation sans appel de l’événement général que fut et est plus que jamais la “rébellion” (avec toutes les justifications qu’on peut et doit accepter, avec toutes les manigances et manœuvres dès l’origine qu’on peut et doit constater). La conclusion de l’article se fait sur les observations d’un chef d’unité, sur le sens même du combat qu’il mène, qui n’existe plus, avec la seule réserve de l’espoir chimérique que quelqu’un ou quelque chose (mais qui ? Quoi ? Comment ?) mènera la bataille contre le chaos lorsque Assad sera tombé, – puisqu’il reste entendu qu’Assad ne peut que tomber, et cela est bien la preuve de la position doctrinale à la fois des rebelles et du Guardian

« »Quand l’armée nous a attaqués la semaine dernière, l’unité qui était ici a abandonné ses positions et s’est retirée, » a-t-il dit. Il a ajouté que, pour regagner le terrain perdu, il lui faudrait maintenant reprendre les maisons une à une. « Pourquoi devrais-je me donner tant de mal pendant que les autres pillent? » Et il a conclu avec lassitude: « Quand la guerre contre Bashar sera finie, il faudra faire la guerre aux pillards et aux voleurs. »»

…Cet article est important, parce que le Guardian est certainement le quotidien libéral-progressiste le plus prestigieux dans le bloc BAO, qu’il est hyper-interventionniste depuis la Libye, qu’il fut hyper-interventionniste pour la Syrie. (Le terme “hyper-interventionniste” signifiant une prise de position contre le pouvoir établi au nom de “la démocratie”, cette prise de position pouvant aller jusqu’au soutien d’une éventuelle intervention des forces des “pays démocratiques” [nous disons “bloc BAO”].) Cet article est important parce qu’il montre que le Guardian n’a pas changé sa position (Assad monstre à abattre absolument), mais qu’il est conduit à reconnaître les conséquences de sa position. (C’est nous qui interprétons de la sorte, “ les conséquences de sa position ”, le Guardian constatant simplement, lui, les conséquences de l’“évolution de la rébellion”. [Phrase favorite à cet égard et résumant cette analyse de la situation, selon notre hypothèse : «Dans les premières six semaines, la moitié des rebelles constituait vraiment un groupe révolutionnaire uni. Mais maintenant c'est différent…»]) Cet article est donc important parce que le Guardian n’a pas changé sa position générale, y compris celle de l’origine, mais qu’il se juge obligé de mettre en évidence cette enquête si fouillée dont le résultat montre que l’effet de la position défendue par le Guardian dès l’origine débouche sur le chaos indescriptible qui est décrit. Partout, à cet égard, résonnent des phrases cruelles pour l’idéologie en cause, dites par des rebelles eux-mêmes, telles que «Ils sont devenus pires que le régime». Et l’on observera, cerise affreusement amère sur le gâteau, qu’il n’est même pas nécessaire de faire appel à l’épouvantail de la présence des djihadistes et autres legs d’al Qaïda, qu’ils sont tous mis dans le même sac, entre les témoignages croisés des uns et des autres… C’est potentiellement l’entièreté de la rébellion qui est dans la situation décrite.

Le Guardian ne changera pas d’avis parce que l’idéologie, surtout quand elle est manipulée par le Système, est une addiction implacable. Le Guardian continuera à écrire, même s’il condamne absolument tout ce qui se passe, qu’au départ il n’avait pas tort, comme ses compagnons de “lutte”, de soutenir le combat “pour la liberté et pour la démocratie”. Libre à lui, certes, sauf que ce qu’il décrit aujourd’hui, mis à l’épreuve de l’histoire, même très récente (voyez la Libye), montre qu’il avait absolument et irrémédiablement tort, du point de vue politique y compris dans les perspectives qui sont plus catastrophiques qu’elles n’ont jamais été, y compris du point de vue humanitaire, y compris du point de vue démocratique et ainsi de suite. Bien entendu, la démarche du Guardian présente un intérêt certain pour ceci qu’elle contribue puissamment à discréditer l’idéologie que ce journal défend, et tous les mouvements, identifiés ou secrets, qui l’accompagnent.

Encore, observant cela, n’atteint-on pas le cœur du problème, qui est la complète incompréhension du mouvement dit du “printemps arabe”, où il faut mettre la crise syrienne comme les autres crises, mouvement à considérer, pour l’apprécier justement, dans le cadre parfaitement identifié de la crise terminale du Système. A cette lumière, le “printemps arabe”, comme le reste, ne peut s’interpréter du point de vue idéologique courant, ni humanitaire bien sûr (démocratie, etc.). L’important est qu’il s’agit d’un mouvement de déstructuration et de dissolution d’une structure fondamentale mise en place au long du dernier demi-siècle pour soutenir et alimenter les intérêts du Système, en même temps que participer au maintien en l’état dudit Système. Dans ce cadre de jugement, on sait qu’on ne peut éviter l’ambiguïté (comme dans le cas de la [non-]nomination de Hagel, les logiques sont similaires). En un sens, la catastrophique déstabilisation (déstructuration, dissolution) de la Syrie participe pourtant au sens général du “printemps arabe”, même si elle s’est faite au nom de valeurs faussaires, et dans des conditions catastrophiques également, qui ont exposé la cruauté et la stupidité des politiques du bloc BAO et des autres “amis de la Syrie”. Mais ce stade est dépassé et, désormais, l’on assiste à la déstabilisation (déstructuration, dissolution) de la rébellion elle-même, ce qui implique un pas supplémentaire de l’effet du “printemps arabe”, qui se manifeste “opérationnellement” par le désordre et le chaos. A cet égard, l’article du Guardian, à cause de tout ce qu’on a observé autour de ce quotidien-étendard idéologique, est effectivement un événement symbolique de communication important pour apprécier l’évolution de la situation.

Quant à la suite, si tous continuent à parler de la chute d’Assad, il n’est pas assuré que des événements “extérieurs proches” ne prennent pas de vitesse l’évolution de la situation en Syrie, la bouleversant complètement une fois de plus, sans aucune certitude que le régime Assad tombe. Certains témoignages d’un sentiment qu’on trouve dans plusieurs pays de l’OTAN, lors de récentes réunions de ministres de pays de l’alliance, rapportent que nombre de ces ministres (certainement pas les Français, certes), montrant d’ailleurs une conscience juste quoiqu’en général dissimulée de l’ampleur de la crise, estiment que la prochaine étape de la “crise syrienne”, loin d’être une intervention extérieure ou la chute d’Assad, pourrait être effectivement une extension directe à l’“extérieur proche” ; les craintes concernent une crise de fragmentation majeure en Irak plongeant ce pays dans un degré supplémentaire de désordre et de chaos, avec comme un des principaux effets la partition “offensive” de la partie kurde, les liens établis entre cette partie kurde irakienne et la partie kurde syrienne, et, bien entendu, tout cela orienté vers la partie kurde turque selon la politique d’un Kurdistan à constituer, avec ainsi une menace de mort pesant sur la Turquie elle-même. (Les commentateurs turcs sont en général absolument apocalyptiques par rapport à cette perspective.) C’est cela, le “printemps arabe”, et c’est cela la crise terminale du Système…

Pour consulter l’original : c’est ici.

Traduction: Dominique Muselet

 

 Bien Cordialement.

 

Lucien PONS

 

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