Un excellent livre," les intellectuels faussaires" de Pascal Boniface.
Pascal Boniface est un universitaire membre du PS, spécialiste de questions internationales - et qui a subi une polémique injuste pour une note sur Israël - cf. wikipedia.
Passionné par son sujet, il supporte mal la place éminente occupée par des experts qu'il juge bien peu fiables. Il invoque Nizan et Jean Bothorel pour justifier son travail de dénonciation des imposteurs intellectuels.
Sans illusion, il ne s'agit pas tant de dégommer quelques têtes que de décrire un système où "si des "faussaires" parvienent à avoir pignon sur écran, c'est parce qu'ils disent ce que l'on est prêt à entendre, qu'ils se coulent dans le bain amniotique de la pensée commune."
En sens inverse, les idées qui prennent le sens commun à rebrousse-poil trouvent difficilement droit de cité. Il cite une biographie nuancée de Tariq Ramadan, échouant à trouver un éditeur en France (sans donner le nom, mais des recherches permettent de renvoyer à un livre de Ilan Hamel, "la vérité sur Tariq Ramadan").
Point précis de ses attaques : la difficulté à défendre des points de vue qui se heurteraient aux positions israéliennes ("le piège [...] c'est que le monde occidental projette ses relations avec le monde musulman et/ou le monde arabe, en fonction de la seule politique israélienne").
Il s'étonne par exemple que personne n'évoque jamais les mariages forcés en Inde, alors que la moindre attaque contre les femmes dans le monde arabe reçoit une couverture internationale. Il cite des points de vue intéressants de Tzvetan Todorov, Jean-Yves Camus ou Esther Benbassa.
Après une introduction générale sur cette problématique, il attaque les reproches particuliers.
Alexandre Adler est épinglé pour ses approximations dans "J'ai vu finir le monde ancien".
Caroline Fourest a accumulé les bêtises, expliquant ainsi que si Tariq Ramadan avait épousé une catholique, c'était le fruit d'une stratégie de conversion massive par mariages inter-religieux - surtout pas la marque d'une éventuelle tolérance.
Ce qui est insupportable, c'est que ces médiacrates ne se contentent pas d'élucubrer ou d'approximer, ils empêchent aussi les autres de travailler : "Mona Chollet ayant déjà critiqué [Fourest], elle cessa de pouvoir publier chez Calmann Lévy, également éditeur de Caroline Fourest".
Il cite un article cosigné de cinq universitaires (Baubérot, Bruno Etienne, Franck Fregosi, Raphaël Liogioer, Vincent Geisser), sur un ouvrage de Fourest : "si tentation obscurantiste il y a, elle est parfaitement incarnée aujourd'hui par la haine viscérale de la connaissance scientifique qui se manifeste depuis quelques années à travers des essais comme celui de Caroline Fourest").
On croise également Thérèse Delpech, qui a contribué à faire accroire que Sadam Hussein détenait des armes de destruction massive et s'attache maintenant à stopper l'accès de l'Iran au nucléaire, en employant la force militaire si besoin. Frédéric Encel est ensuite à la fête, ce chercheur ayant obtenu un doctorat malgré l'abstention de l'un des membres du jury, Jean-Paul Chagnollaud, lui reprochant son parti-pris antipalestinien.
On suit aussi François Heisbourg, socialiste défendant l'intégration complète de la France à l'OTAN. Ayant défendu l'intervention américaine en Irak, il a ensuite tenu des propos tendant à montrer qu'en réalité il y avait toujours été opposé : une caractéristique de ces intellectuels girouettes, pour qui c'est le vent dominant qui tourne, jamais eux...
BHL et Philippe Val sont enfin épinglés pour leurs dénonciations d'un fascislamisme simplifié (Pierre Nora : "[BHL est un] auteur pour qui le mépris des faits est consubstantiel aux nécessités de sa démonstration").
Chose à peine étonnante, tous ces intellectuels brillants s'entre-congratulent et se mettent en avant : quand Encel réalise des entretiens pour l'Essentiel des relations internationales, il interroge Caroline Fourest. Et quand Philippe Val devenu patron de France Inter cherche un éditorialiste pour évangéliser les masses, il fait appel à... Caroline Fourest.
Pas réjouissant, et même un rien démobilisant. On se dit, l'ouvrage refermé, qu'il faudrait un site qui tienne du wikipedia croisé à de l'Acrimed et à de l'Atlas Alternatif pour recenser les bêtises de nos éditocrates, afin que chacun puisse savoir ce qu'il lit, d'où on lui parle comme on disait autrefois.