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Le blog de Lucien PONS

Warschawski : un juif dévoué à la cause palestinienne.

22 Décembre 2012 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #Israël - palestine - Moyen-Orient

Warschawski : un juif dévoué à la cause palestinienne

Marc Leplongeon, Le Point, lundi 17 décembre 2012

> Ce citoyen israélien a reçu des mains de Chris­tiane Taubira le prix des droits de l’homme de la Répu­blique fran­çaise. Portrait.

> Michel War­schawski émigre en Israël peu avant sa majorité, dans les années 60. Aus­sitôt, il adopte la cause pales­ti­nienne, qui sera sienne pour le restant de sa vie. Il se fait très rapi­dement connaître pour ses posi­tions radi­cales contre l’occupation israé­lienne dans les Ter­ri­toires pales­ti­niens. Il devient un anti­co­lo­nia­liste notoire, un juif renégat, un homme honni du pouvoir. Alors que sa foi dis­paraît, son enga­gement poli­tique, lui, ne cesse de croître. Il se rap­proche du mou­vement trots­kiste. Il y ren­con­trera des intel­lec­tuels de gauche comme Edwy Plenel.

> "Nous, on l’appelle tous Mikado. C’était son pseudo, puis c’est devenu son surnom. Michel est un ami que je n’ai jamais perdu de vue", se sou­vient l’ancien directeur de la rédaction du Monde. "Nous sommes tous les deux issus d’un trots­kisme non sec­taire, inter­na­tio­na­liste, pro­fon­dément huma­niste. C’était ne pas accepter les agis­se­ments d’Israël, tout en s’opposant à l’instrumentalisation de la Palestine par les pays arabes", poursuit-​​il. Aujourd’hui encore, les deux mous­tachus se voient autant que pos­sible. Le len­demain de la remise du prix des droits de l’homme par la ministre de la Justice Chris­tiane Taubira, lundi, ils déjeu­neront ensemble… avec trois ambas­sa­deurs pales­ti­niens. On ne se refait pas.

> "Nous étions traités comme des parias" (Warschawski)

> Jusqu’à la guerre du Liban, Michel War­schawski connaît en Israël une vie de mar­ginal. "Nous étions traités comme des parias", raconte-​​t-​​il. "Nous vivions dans un ostra­cisme le plus total. À cette époque-​​là, c’était moins une répression poli­cière qu’une répression sociale", se rappelle-​​t-​​il. En 1982, après les mas­sacres des camps de Sabra et Chatila, la société civile israé­lienne se soulève. La popu­lation est scan­da­lisée. "Nous qui étions des exclus, on devient presque de bon ton, explique Mikado. On com­mence à faire de la télé, on est invités à des colloques."

> En 1984, il fonde le Centre d’informations alter­na­tives (AIC), une des très rares ONG à avoir la double étiquette israélo-​​palestinienne. Son rôle ? Faire cir­culer les infor­ma­tions, dénoncer ce que Michel War­schawski estime être des exac­tions. "Nous aidions des orga­ni­sa­tions pro-​​palestiniennes à publier des tracts. Cer­taines étaient liées à l’Organisation de libé­ration de la Palestine [à l’époque consi­dérée par Israël comme une orga­ni­sation ter­ro­riste, NDLR]. Nous l’assumions", sou­tient le militant. "On a tiré sur l’élastique des libertés publiques jusqu’au maximum, peut-​​être même au-​​delà", concède-​​t-​​il. Ces faits lui valent une répu­tation d’extrémiste, voire de ter­ro­riste, puis un procès. Il est condamné à huit mois de prison pour "pres­tation de ser­vices à orga­ni­sa­tions illégales".

> "Israël, le chien de garde de l’Occident" (Warschawski)

> Lorsqu’il se rend à la prison pour y purger sa peine, Michel War­schawski a alors 41 ans. Ses amis orga­nisent un cortège de voi­tures. Il s’en sou­vient avec nos­talgie : "Les voi­sines, yémé­nites ou kurdes pour la plupart, nous avaient même apporté des gâteaux dans la rue. Elles m’ont dit un truc du genre : Ouais, on sait que t’es un com­mu­niste, on dit pas mal de choses dans ton dos, mais on t’aime bien quand même." À partir des années 2000, le militant ressent de nouveau un rejet latent de la cause pour laquelle il se bat. "La vérité, c’est qu’au moment des accords d’Oslo en 1991 on a cru qu’on attei­gnait des sommets. Puis on a dégringolé, on a compris que c’était seulement une paren­thèse", soupire-​​t-​​il.

> Mikado reprend alors son combat. Il ne mâche pas ses mots, il ne l’a jamais fait. Son dis­cours est radical. Il ne voit "aucune symétrie" dans les rap­ports Israël-​​Palestine. Si ses amis lui prêtent une "grande sagesse", War­schawski n’est jamais mesuré dans ses propos. Cela lui cause du tort. Il dépeint les crimes des Israé­liens comme des évidences. Les Israé­liens le dépeignent comme un agité. "Israël n’aurait jamais trois mil­liards de dollars par an s’il n’y avait pas la guerre, s’agace-t-il. Je ne sais plus quel général disait qu’Israël était le chien de garde de l’Occident. Mais le rôle d’un chien n’est pas tou­jours de mordre. Et le pro­blème d’un chien, c’est qu’il n’en fait parfois qu’à sa tête." Ses détrac­teurs l’accusent alors de dénoncer les exac­tions israé­liennes, mais de cacher celles com­mises par la Palestine. Michel War­schawski s’en défend ardemment : "C’est com­plè­tement faux. J’ai tou­jours dit que la cause pales­ti­nienne était un moyen utile pour les dic­ta­tures arabes de détourner l’attention des masses."

> "Pas de récompense pour les traîtres" (Dora Marrache)

> En France, Michel War­schawski est peu connu. Le seul fait de pro­noncer son nom fait fris­sonner une partie de la com­mu­nauté juive. Lorsque sa nomi­nation au prix des droits de l’homme a été connue, les tri­bunes ont com­mencé à pleuvoir. Sur le blog des radios juives fran­co­phones, Dora Mar­rache signe ainsi un billet intitulé "Non, non et non ! Pas de récom­pense pour les traîtres". La chro­ni­queuse écrit : "La pire catas­trophe qui puisse arriver à Israël serait d’être gou­verné par des gau­chistes, des traîtres comme vous qui, pour se faire bien voir de la com­mu­nauté inter­na­tionale et des Arabes, se plie­raient à toutes les exi­gences des Palestiniens."

> Richard Pras­quier, pré­sident du Conseil repré­sen­tatif des ins­ti­tu­tions juives de France (Crif), écrit lui aussi une lettre ouverte à Christine Lazerges, pré­si­dente de la Com­mission nationale consul­tative des droits de l’homme (CNCDH). Il y dénonce cette nomi­nation. Du côté de la CNCDH, on répond sim­plement que le prix récom­pense un projet, celui du Centre d’informations alter­na­tives, et pas un homme. En cou­lisse, on affirme cependant que Chris­tiane Taubira a fait preuve de "courage poli­tique en remettant ce prix à War­schawski". Une source raconte : "En 2009, on avait remis le prix au réseau des ONGpales­ti­niennes. Ça avait fait un petit scandale. Du coup, Bernard Kouchner l’avait remis à Sciences Po, en catimini."

> "Michel honore la France" (Leïla Shahid)

> "On pré­sente souvent Michel comme une espèce d’antisémite. Moi, à chaque fois qu’on m’a traité de cette manière, j’ai demandé un droit de réponse. Mais pour lui les choses sont dif­fé­rentes. Je suis citoyen français d’origine juive. Lui est citoyen juif israélien. L’avis du Crif, il s’en fout", explique Domi­nique Vidal. Natu­rel­lement, War­schawski a aussi son avis. "Je lis souvent des revues amé­ri­caines juives et, croyez-​​moi, j’ai beaucoup de sujets de désaccord avec elles. Mais la réflexion des intel­lec­tuels juifs français qui abordent la question pales­ti­nienne est déso­lante. C’est un véri­table gâchis."

> Pour tous les ardents défen­seurs de la cause pales­ti­nienne, la remise de ce prix est une très grande vic­toire sym­bo­lique. Edwy Plenel en est pro­fon­dément ému : "Dans quelques années, on se demandera pourquoi des gens comme Mikado n’ont pas été entendus. Il dit le juste, le rai­son­nable, la vérité." Leïla Shahid, déléguée générale de l’Autorité pales­ti­nienne auprès de l’Union euro­péenne, amie de longue date de War­schawski, acquiesce : "Ce prix n’honore pas seulement Michel. Il honore une vie dévouée au respect des droits de l’homme. Michel honore la France." Pour sa part, War­schawski retrace son exis­tence par un nouveau paradoxe, une phrase que son père aurait pro­noncée lors du cin­quan­te­naire d’Israël : "Je suis fier de ce que fait mon fils, mais j’aurais préféré qu’il le fasse avec une kippa sur la tête."



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