La parole est d’argent et le silence endort
La parole est d’argent et le silence endort
Publié le 11 juillet 2014
Depuis la crise des banques qui a éclaté aux États-Unis en 2007/2008 et qui s’est répandue en Europe, la Troïka, composée de la Commission européenne, de la Banque centrale européenne et du FMI, s’est octroyée le mandat de résoudre la crise en Europe, pour le plus grand profit de ceux qui l’ont déclenché.
Le FMI ne peut en aucun cas faire partie de la solution vu les conséquences dramatiques des programmes d’austérité qu’il impose aux populations depuis plus de trente ans. Pourtant, nombre d’États s’acoquinent avec cette institution dans un cynisme décomplexé. Après la Grèce, l’Irlande et le Portugal, Chypre est le 4ème pays européen à passer sous la tutelle du FMI (article p.4). La Tunisie et sa « révolution » n’ont pas non plus échappé à ses griffes, tandis qu’en Ukraine, les difficultés financières sur fond de trouble politique sont une nouvelle opportunité pour l’institution d’imposer une thérapie de choc (articles p.10). Et le FMI poursuit également ses ravages plus au Sud. En témoignent dans ce numéro le Cameroun (article p.30) et, plus tragique encore, le Rwanda (article p.28).
La Troïka et les gouvernements européens qui lui sont acquis sont largement décriés dans les rues et sur les places. Massivement suivies dans leurs différentes étapes malgré le silence des médias dominants, des dizaines de milliers de personnes de tout l’État espagnol ont marché pendant des jours, voire des semaines, pour arriver à Madrid le 22 mars. Ces « Marches de la dignité », avec entre autres revendications le non paiement de la dette illégitime, l’arrêt des coupes budgétaires, des logements dignes, représentent la plus grande manifestation de l’histoire récente de l’Espagne.
La Troïka est également décriée, dans une largement moindre mesure, dans l’hémicycle. Un rapport sur les opérations du triptyque UE BCE-FMI a été voté le 13 mars au sein du Parle ment européen. S’il pointe de multiples irrégularités, dont son mandat « opaque et non transparent », en définitive ce document justifie et blanchit les actions de la Troïka1. Légitimant par là la tutelle de la Troïka, le Parlement européen agit aux antipodes des aspirations et intérêts des peuples qu’il est censé représenter.
Il est clair que les changements ne se feront pas que par les urnes. On a aussi, et surtout, besoin de changer le rapport de force à travers des mobilisations d’ampleur. De rendre visible et de grossir les rangs aux côtés de celles et de ceux qui se dressent, toujours plus nombreux-ses, contre le mode de production et de consommation actuel et opposent des alternatives, des solutions en acte pour changer réellement de société. ¡Sí, se puede !
Chypre, Tunisie, Ukraine, Europe, Afrique, etc.
A travers le monde, les politiques imposées par le FMI ou par la Troïka(Commission européenne, Banque centrale européenne et FMI) avec l’aide plus que coopérative des différents gouvernements, entraînent des catastrophes sociales. Au nom du remboursement de dettes, le plus souvent odieuses ou illégitimes, les choix démocratiques des populations sont niés… Sans oublier, par exemple, qu’« Au cœur du programme du FMI, il y a le démantèlement du système de subventions, qui concerne de nombreux pays africains, c’est un des objectifs du FMI depuis des années »
De cette riche livraison, je ne souligne que quelques éléments :
Christine Vanden Daelen souligne les effets genrés de la dette. Elle indique, entre autres, « La destruction des services publics génère une véritable substitution des obligations fondamentales de l’État vers le privé et donc vers les femmes. Désormais, ce sont elles qui doivent, via une augmentation de leur travail gratuit et invisible, assurer les tâches de soins et d’éducation délaissées par la fonction publique ». Voir aussi : Renforcer l’action collective des femmes pour changer le monde !
Concernant la dette publique, le CADTM complète ses propositions, entre autres sur les petits porteurs/porteuses : « A l’occasion d’une annulation de dettes publiques, il conviendra de protéger les petits épargnants qui ont placé leurs économies dans les titres publics ainsi que les salariés et les retraités qui ont vu une partie de leurs cotisations sociales (retraite, chômage, maladie, famille) placée par les institutions ou les organismes dans ce type de titres ». Et afin d’éviter la répétition de ce qui s’est produit en 2007-2008, le CADTM propose un nouveau cadre législatif intégrant : « interdiction de socialiser des dettes privées, obligation d’organiser un audit permanent de la politique d’endettement public avec participation citoyenne, imprescriptibilité des délits liés à l’endettement illégitime, nullité des dettes illégitimes, adoption d’une règle d’or qui consiste à dire que les dépenses publiques qui permettent de garantir les droits humains fondamentaux sont incompressibles et priment sur les dépenses relatives au remboursement de la dette… »
En complément de l’article de Renaud Duterme sur « Les racines étrangères du génocide », je rappelle son récent ouvrage : Rwanda. Une histoire volée. Dette et génocide, Éditions Tribord / CADTM 2013, De la responsabilité du FMI, de la Belgique, de la France ou de l’Église catholique…
« Près de la moitié des richesses mondiales est détenue par seulement 1% de la population. La richesses des 1% les plus riches s’élèvent à 110 trillions de dollars. C’est 65 fois la richesse totale de la moitié la moins riche de la population mondiale »
Sommaire
Chypre : le peuple dit non au mémorandum de la Troïka ! par le CADTM Europe
Billet d’humeur : La parole est d’argent et le silence endort : let’s build the Financial Times together par Manon Vadja
L’Union européenne face à la Tunisie et l’Ukraine : quelle aide pour quelle démocratie ? par Renaud Vivien
Le FMI poursuit sa route en Ukraine par Jérôme Duval
Dettes illégitimes en Belgique : les sauvetages bancaires par le CADTM Belgique
L’illégitimité de la dette est encore plus criante lorsqu’on est une femme ! par Christine Vanden Daelen
La proposition du CADTM concernant la dette publique par Éric Toussaint
Sortir du syndrome de Nauru par Renaud Duterme
Pour une Afrique libérée de la dette par Robin Delobel
Rwanda. Les racines étrangères du génocide par Renaud Duterme
L’audit de la dette publique camerounaise, une nécessité démocratique Interview de Jean-Marc Bikoko par Françoise Wasservogel
Puerto Rico : Crise de la dette à la caribéenne par Daniel Munevar
Première grève générale en vingt ans au Paraguay par Gustavo Zaracho
« Le FMI ne peut en aucun cas faire partie de la solution vu les conséquences dramatiques des programmes d’austérité qu’il impose aux populations depuis plus de trente ans » et comme l’écrit Eric Toussaint dans son livre Procès d’un homme exemplaire, Editions Al Dante 2013, Au delà des individus, un système et des institutions leur permettant d’agir et les encourageant à le faire « Il faut donc obtenir à la fois que les fonctionnaires du FMI et de la BM soient redevables devant la justice pour les actes posés dans l’exercice de leurs fonctions et que les institutions en tant que telles rendent compte devant la justice pour les multiples violations des droits humains auxquelles elles se sont livrées, et continuent de se livrer, au Nord comme au Sud. »
Dernier ouvrage d’Eric Toussaint : Bancocratie, Retirer la licence bancaire aux banques coupables de crimes, poursuivre en justice leurs dirigeants et grands actionnaires
Les autres voix de la planète N°62, http://cadtm.org/Les-autres-voix-de-la-planete-no62
2ème trimestre 2014
La revue du CADTM, Liège 2014, 36 pages
Didier Epsztajn
1 Lire « Le Parlement européen questionne (à moitié) la Troïka », Fátima Martín, Jérome Duval, http://cadtm.org/Le-Parlement-europeen-questionne-a
http://entreleslignesentrelesmots.wordpress.com/author/entreleslignesentrelesmots/