Le livre d’heures criméen
La chronique des journées de février 2014 est déjà rentrée dans l’éternité, s’est transformée en un comput, un livre d’heures. De la même façon que le Pâques, que le défilé le Jour de la Victoire, les gens commémoreront les évènements de l’an dernier aux mêmes dates et tout y est minuté.
Au départ, du 21 au 26 février c’est la semaine sainte. Un monde nouveau est en train de se créer.
Le jour un, après le Massacre des Innocents, des Criméens à Korsun près de la ville de Tcherkassy, une action illimitée de contestation a été lancée sur la péninsule.
Le jour deux, les block-postes se mettent en place, le Congrès des députés du Sud-Est a lieu.
Le jour trois, le rassemblement grandiose à Sébastopol élit Alexeï Tchalyï comme Maire populaire.
Le jour quatre, les citadins défendent Tchalyï du SBU, s’emparent du pouvoir à Sébastopol et hissent les drapeaux russes sur les mâts devant l’administration.
Le jour cinq, la convocation du parlement est annoncée pour organiser un referendum sur la péninsule. Le peuple afflue à Simferopol de tous les coins de la Crimée.
Le jour six, le 26 février, arrivent les heures les plus dures, les plus funèbres. Une bousculade sur la place devant le Conseil Suprême à Simferopol. Une résistance têtue du Majlis des tatars de la Crimée. Ses partisans pressent, l’insurrection s’essouffle. Les premiers blessés. La session du Conseil Suprême de la Crimée est sabordée. Toute la cause est sur le point de subir une défaite. Quelque part au Nord du pays, des soi-disant «trains d’amitié» bandéristes se préparent, l’unité spéciale «Alfa» s’apprête à passer aux arrestations des insurgés. L’aide n’est attendue de nulle part. C’est la désolation et le désespoir.
C’est alors, au milieu des ténèbres que le septième jour s’élève, le Jour des Hommes Polis. Au matin, la Russie à peine réveillée a ressuscité ayant appris la Bonne Nouvelle.
«Premièrement, cela fut beau». L’exécution impeccable de l’opération militaire transparaissait le génie. Au point que les manuels des états-majors seront complétés d’un nouveau chapitre. Les actions des Hommes Polis sans aucune effusion de sang avaient quelque chose d’inaccessible, de divin comme si des anges étaient descendus sur la terre et sont passés parmi les gens. Ces jours-là, il était impossible de comprendre ce qui suscite le plus d’extase, la résistance russe tant attendue ou le nouveau visage de l’armée russe.
Tout s’est passé sans la moindre encombre : en pleine action, nos soldats, parfaitement équipés, silencieux, avec des sourcils soulevés d’un étonnement enfantin, pouvaient se permettre de se prendre en photo avec des jeunes filles et des petits chats. L’ennemi et son cri incongru «L’Amérique est avec nous» défilant sous le drapeau soviétique que lui-même avait trahi, était anecdotique et ne servait que de décor à notre triomphe.
C’était une victoire ! L’enthousiasme qui s’est emparé de la nation sera conté aux petits enfants. Quelque chose s’est passé la nature : l’hiver s’en est allé définitivement, tout était sur le point d’éclore. Le 18 mars est devenu le midi flamboyant de la renaissance poutinienne lorsque dans la salle Saint-Georges Tchalyï vêtu d’un pull, si proche, versait des larmes et la cérémonie officielle de la réunification de la Russie avec la Crimée se transformait en une affaire de famille, en une affaire intime. Notre affaire personnelle.
Nous sommes capables de tout
«La Crimée est à nous» est devenu non seulement l’opération spéciale de l’Etat-Major Général national ayant soutenu l’insurrection pro-russe des Criméens. Il en transpirait la puissance du Printemps Russe et le grand potentiel de la renaissance nationale russe s’en ouvrait.
Déjà, au moment de l’inondation Extrême-orientale lorsque les sauveteurs-volontaires ont contenu des leur propres mains l’Amour qui a débordé de son cours, il a été clair que nous sommes capables de beaucoup de choses. La victoire inattendue de l’Olympiade à Sotchi a confirmé cette disposition à déplacer les montagnes. Les jours de la Crimée il y a eu une illumination : nous sommes capables de tout. Le bouton s’est épanoui : à partir de ce moment-là et à l’avenir, il suffit aux autorités de lancer un appel, de faire un pas timide en avant, de se rappeler un instant les intérêts nationaux du pays et la Russie accomplira l’impossible.
La Crimée nous a offert de grands hommes. Dire que pendant les 23 ans d’affilé la Russie ne remarquait point le facteur russe en Ukraine, avait des «légumes» comme ambassadeurs à Kiev, de mettait à plat ventre devant les autorités kiéviennes au sujet de la flotte de la mer Noire, n’empêche, le jour J les habitants de la Crimée sont sortis dans la rue avec des tricolores. Il ne restait qu’admirer leur détermination et leur audace. Il ne restait que de tomber amoureux des deux personnes les plus remarquables d’entre eux : Tchalyï et Poklonskaïa (NDT : le procureur général de la Crimée).
Ayant récupéré la Crimée, nous avons initié le rétablissement de notre intégrité. Non seulement territoriale : la péninsule avec ses horizons sacrés et célestes est revenue telle pierre angulaire de la structure étatique russe. Avec elle nous revenaient le baptême du prince Vladimir à Korsun, les deux sièges de Sébastopol et le palais de Livadia qui a retaillé la carte du monde.
L’histoire sacrale de la Russie a été, elle aussi, retaillée. Dès lors, la ville la plus ancienne du pays n’est plus la forteresse caucasienne, mais Théodosie fondée par des colons de Milet hellénique du temps du premier philosophe au monde Thalès. Le territoire du troisième Rome dispose de nouveau des pierres sacrées des temples romains !
Un exploit géopolitique
Et pourtant tout n’a tenu qu’à un cheveu. La décision a été prise à la hâte, c’était la question des quelques heures. Un choix existentiel s’est posé en un instant devant tout l’Etat : «soit-soit». La reconquête éclair criméenne a été l’unique bonne action dabs des conditions où il a semblé que nous étions sur le point de tout perdre. Si nous n’étions pas venus en Crimée, si nous avions livré Sébastopol aux Ukrainiens «consciencieux», la Fédération de la Russie aurait pu être dissoute ; qui aurait besoin d’elle pareille ?
Mais le sort a été jeté, le Kremlin s’est décidé et il est allé jusqu’au bout dans la situation avec la Crimée, sans demander la permission à personne. Ce fut un exploit géopolitique : la Russie a enfin lancé un défi à son propre recul d’un quart de siècle sur tous les fronts. Il s’est révélé que personne n’a osé contredire. L’Amérique a été abasourdie. L’Europe a avalé sa langue et s’est tue. L’Ukraine est restée prostrée à ses pieds. Quant aux sanctions… Ce fut le prix auquel nos têtes ont été estimées. Le prix non négligeable.
Depuis la Crimée s’est transformée en papier de tournesol pour séparer les siens des étrangers, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de la Russie. En faisant connaissance avec une personne, en appréciant des partis, des communautés, des peuples entiers il suffit de poser la principale question : «A qui est la Crimée ? » et inutile de demander autre chose. Dans la réponse à cette seule et unique interrogation réside tout un symbole de la foi.
Ensuite c’est toute une histoire d’envergure biblique qui s’est déroulée ensuite en Crimée au cours de l’année. Et les maux qui se sont abattus sur la péninsule telles «pierres tombant du ciel’. Brusquement, il n’y a eu plus d’eau et il a fallu la rechercher d’urgence et elle a été trouvée. Il n’y a plus eu de route, il a fallu la construire à travers deux mers. Même dans les détails du genre l’interdiction du foot criméen, des cartes de crédit, des applications pour les iPhone se lisent des machinations du diable ou peut-être des épreuves divines.
Tout cela, la Russie le surmontera, nous ne pouvons pas ne pas le surmonter. Lorsque tous les chagrins auront passé, il restera l’essentiel, la compréhension que la Crimée nous est arrivée comme une récompense. Comme une fête tant attendue. Comme un rêve exaucé pour un peuple de nord d’une volupté méridionale. Notre soleil et nos vagues, nos étoiles et nos cyprès.
En fin des comtes, cela en valait bien la peine, quoi qu’il arrive après. Si c’était à refaire, on le refera sans un brin d’hésitation. Ensuite, il faudra faire revenir au bercail la Novorossia, et tout, et tout, et tout.
Denis Toumakov
Traduction Svetlana Kissileva