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Le blog de Lucien PONS

Michel Delpech, mort d'un chanteur humaniste et populaire

3 Janvier 2016 , Rédigé par lucien-pons Publié dans #La France, #La République, #La nation ., #Culture

Michel Delpech, mort d'un chanteur humaniste et populaire

Michel Delpech, mort d'un chanteur humaniste et populaire

Le chanteur de “Chez Laurette”, “Wight is Wight”, “Pour un flirt” et tant d'autres succès, est mort des suites d'un cancer de la gorge et de la langue, samedi 2 janvier à l’âge de 69 ans.

L'une des dernières fois que l'on a vu Michel Delpech, c'était il y a plus d'un an, en novembre 2014, sur le plateau de La Fête de la Chanson Française (France 2). Eprouvé par la maladie et les deux ans qu'il venait de passer à la combattre, mais ému, surtout, d'être là et d'entendre les autres (en l'occurrence Julien Clerc, Julien Doré et Yannick Noah) reprendre l'un de ses classiques. Chez Laurette. Tableau mélancolique et tendre, évoquant l'adolescence, dans lequel tout le monde pouvait se reconnaître un peu. Un titre doux amer empli d'humanité, qui avait non seulement scellé le style Delpech, mais avait marqué son entrée dans la chanson populaire.

1965. Après quelques essais discographiques, le jeune homme de 19 ans, fils de banlieusards sans histoire, et fan d'Aznavour et de Bécaud, est engagé dans une comédie musicale, Copains Clopant. Le spectacle reste six mois à l'affiche ; il compte, entre autres, ce Chez Laurette qui s'impose d'emblée dans le cœur du public. Delpech est lancé. L'année suivante, en pleine vague yéyé, il sort Inventaire 66, nouveau succès qui, sans être révolutionnaire, égratigne (discrètement) la présidence de Gaulle. Moins innocent, ou moins futile, que bien des vedettes du moment, Michel Delpech entre en résonance avec l'air du temps. En octobre de la même année, il chante en première partie de Brel, qui fait ses adieux à l'Olympia.

Le géant de la chanson poétique quitte la scène ; le benjamin de la variété y prend de plus en plus de place. Période époustouflante : pendant dix ans, chacun de ses disques, ou presque, se transforme en or. Le planant Wight is Wight, en 1969, fait référence le festival anglais où se produit notamment Dylan, The Who, Joe Cocker, les Moody Blues. Et Paul chantait Yesterday, en 70, rend hommage aux Beatles qui se séparent. Pour un flirt, en 71, est un tube dansant et romantique. Que Marianne était jolie, en 72, redonne, sans en avoir l'air, un petit coup de griffe aux régimes en place. Les Divorcés, en 73, évoque en douceur un sujet encore tabou dans la France pompidolienne. Quand j'étais chanteur, en 75 (qui annonce en quelque sorte Le Chanteur de Balavoine, trois ans plus tard), et Le Loir-et-Cher, en 77 (qui pose un regard tendre sur les habitants d'un département, loin des chichis parisiens), parachèvent son image de vedette simple et modeste.

A trente ans, Delpech est l'un des chanteurs les plus populaires du pays. Il est beau, a une belle voix, porte les cheveux mi-longs et les rouflaquettes. Enchaîne les conquêtes, abuse d'alcool et de drogue, et vit sur un fil. Le public l'aime... mais lui, s'aime de moins en moins. Son premier mariage a tourné au fiasco. Le mal-être l'assaille. Crise existentielle. Fin des succès. Dépression grave. L'homme se tourne vers le bouddhisme, avant de trouver sa voie dans le catholicisme. Il se remarie. Renaissance personnelle, pas artistique. Même si dans le courant des années 80, il tente de revenir, sur la pointe des pieds. De cette traversée du désert, il parlera en tout cas sans détour dans une autobiographie marquante (L'homme qui avait bâti sa maison sur le sable, éditions Robert Laffont, 1993).

Michel Delpech, mort d'un chanteur humaniste et populaire

A vrai dire, il y a quinze ans, personne n'aurait imaginé que Michel Delpech reviendrait un jour sur le devant de la scène. Deux coups de pouce vont le rappeler à la mémoire du public : d'abord le soutien de Bénabar, alors en pleine ascension, qui ne cesse de répéter partout son admiration pour lui, et l'invite le temps d'un duo devant les 2 800 spectateurs du Grand Rex, début 2004 – dans la foulée, Delpech sort un album remarqué.

Puis, en 2006, un film de Xavier Giannoli, avec Gérard Depardieu et Cécile de France, prend pour titre : Quand j'étais chanteur. L'hommage est direct, et assumé. Le nom de Delpech refait surface. La même année, il fête ses quarante ans de carrière, et ré-enregistre ses classiques avec Alain Souchon, Barbara Carlotti, Bénabar, Cali, Julien Clerc, Laurent Voulzy... Le disque se hisse à la première place des ventes. Dans une France dans les turbulences économiques et politiques, ses chansons humanistes et nostalgiques font figure de madeleines rasurantes.

Depuis, Michel Delpech apparaissait régulièrement, sur scène et à la télévision (autant pour parler de ses années noires que de ses chansons). En 2013, il avait dû annuler une série de concerts, après la découverte d'un cancer de la gorge et de la langue. Il n'en avait jamais caché la gravité. En novembre 2014, il se disait en rémission. Expliquait qu'il continuait de travailler, pour regagner une parfaite élocution. Et avouait n'avoir qu'un objectif : retrouver un jour la force de remonter sur scène, et de chanter.

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