REJET. "Stéphane Bouillon, préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, préfet des Bouches-du-Rhône, a signé le lundi 28 décembre 2015 un arrêté autorisant la société Altéo à continuer à exploiter à compter du 1er janvier 2016 ses usines sur le site de Gardanne et autorisant, pour une durée de six ans, le rejet dans la mer d’effluents aqueux dépassant les limites réglementaires", a annoncé mardi 29 décembre 2015 la préfecture dans un communiqué. Il y a quelques mois, la demande de l’industriel avait déclenché la colère de plusieurs associations de défense de l'environnement et de riverains, qui dénoncent la toxicité des boues rouges, et craignent qu'une nouvelle autorisation de rejet ne remette en cause le statut même du Parc national des Calanques, une aire de protection créée en 2012.
Le préfet a fondé sa décision d'autoriser le rejet sur l'avis d'une commission, le CSPRT (Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques), rattaché administrativement au ministère de l'Ecologie. "Ce dernier a planché le 22 décembre et a soumis l'arrêté d'autorisation au vote", a expliqué Matignon à l'AFP. La réunion s'est conclue par "un vote assez large d'une autorisation pour six ans du processus industriel proposé par Altéo". Des analyses de ce dossier avaient été préalablement été confiées au BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) et à l'ANSES (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail). La première, publiée en décembre 2014 avait conclu que "le traitement par filtre presse des boues
rouges réalisé par Alteo fait partie des MTD (Meilleure Technique Disponible) dans la filière de la production d’alumine pour ce qui concerne le traitement des matières en suspension." Elle précise également que "le BRGM n’a pas identifié de solution permettant
de supprimer totalement les effluents liquides : une telle solution existe, mais nécessite de vastes bassins de décantation et d’évaporation des eaux (lagunage). L’emplacement géographique de l’usine ne permet pas sa mise en œuvre". Mais le BRGM nuance en précisant également que "la
technique de filtration sous pression permet d’éliminer les matières en suspension et donc les métaux associés, d’où un abattement de 65 % pour l’arsenic, de 82 % pour l’aluminium et de plus de 99 % pour le fer. Malgré ces forts taux d’abattement, les teneurs résiduelles restent supérieures aux valeurs limites de l’arrêté générique de 1998". En effet, à ce jour, les rejets comprennent 7 paramètres qui ne respectent pas les valeurs limites de l’arrêté de 1998 : pH, matières en suspension, aluminium, fer, arsenic,
DCO et DBO5.
Côté environnement, l'étude conduite par l'ANSES et publiée en février 2015, conclut... qu'elle ne peut rien conclure, faute de données. "En termes de contamination du milieu marin, l’Anses regrette une lacune générale de description des concentrations en contaminants associés au rejet d’effluents issus de l’activité de transformation de minerai de
bauxite par l’exploitant au travers de mesures in situ permettant d’apprécier ainsi l’impact global du rejet dans l’environnement et son emprise. Au vu de cette lacune, l’Anses ne peut garantir ni la pertinence ni l’exhaustivité de la zone investiguée pour la mise en œuvre du plan d’échantillonnage par Alteo pour la pêche de poissons impactée par son rejet" déplore son rapport.
Depuis près de 50 ans, ce site de production d'alumine (qui sert à fabriquer de l’aluminium) situé à Gardanne, près d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), bénéficie d'un droit d'expédier en mer ces résidus, à 7 km au large de Marseille et Cassis. Plus de 20 millions de tonnes de boues rouges ont été ainsi déversées sur les fonds marins de la fosse de Cassidaigne. L'industriel affirme avoir amélioré son procédé de production et ne plus avoir besoin de déverser des rejets solides, mais uniquement des effluents liquides. Dans son communiqué, la préfecture indique que "ces rejets seront soumis à diverses prescriptions réclamées par le Parc naturel des Calanques et résultant des avis du CODERST (Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques) et du CSPRT (Conseil supérieur de la prévention des risques technologiques), de façon à pouvoir les ramener dans ce délai au niveau réglementaire".
CONSEIL D'ÉTAT. Fin novembre, la ministre de l'Écologie, Ségolène Royal, avait déclaré qu'elle n'était "pas favorable au renouvellement" de l'autorisation de rejet, rassurant pour un temps les riverains et associations de défense de l'environnement. L'une d'elle, l'association CoLLecT-IF, avait demandé à la ministre de saisir le Conseil d’État, afin que la plus haute juridiction administrative donne un avis "sur la question du domaine public maritime". Mais, il y a une dizaine de jours, attendant un dernier avis pour prendre son arrêté, le préfet avait déjà annoncé dans la presse locale qu'il était favorable à la poursuite d'activité, affirmant : "c'est la position du gouvernement et je l'applique".
E.L. avec AFP