Depuis une dizaine d’années, les courants libertaires, trotskistes, « antifas » qui forment la gauche révolutionnaire ont été retournés pour servir des objectifs de guerre.
La gauche révolutionnaire désigne l’ensemble des formations politiques qui sont en principe favorables à une révolution pour mettre fin au capitalisme, en s’appuyant sur des précédents historiques comme la Commune de Paris ou la Guerre d’Espagne ; en France, ces groupes se nomment NPA, Alternative Libertaire, CNT, Fédération Anarchiste... Leurs militants ne sont pas très nombreux, mais ils bénéficient d’une bonne image chez toute une population sensible aux idées libertaires, trotskistes, antifascistes, révolutionnaires. Nous allons voir comment ces groupes ont été manipulés, épurés, restructurés pour servir des objectifs de guerre, de la simple propagande jusqu’au recrutement de combattants.
La guerre en question, c’est avant tout celle de Syrie, qui a commencé par ce qu’on n’ose plus appeler "Printemps Arabe", tant ces événements furent une catastrophe pour le monde Arabo-musulman, avec l’arrivée au pouvoir des Frères Musulmans en Tunisie et en Égypte et la destruction de la Libye et du Yémen. Au début des années 2000, la gauche révolutionnaire était encore fidèle à ses positions traditionnelles : anti-capitalisme, anti-impérialisme, anti-sionisme. La guerre d’Irak en 2003 avait été l’occasion de manifestations qui la dénonçaient pour ce qu’elle était : une guerre d’agression, sous des prétextes mensongers. Et les manifestants ne se faisaient traiter d’"Husseinistes", d’admirateurs de Saddam, que par les néoconservateurs habituels. En 2004, le journal d’Alternative Libertaire dénonçait les projets étasuniens pour le "Grand Moyen-Orient", c’est-à-dire "la déstabilisation, la chute des régimes locaux, et un « remodelage » des territoires". Citation : « Bush a précisé la portée de la guerre qui se préparait : “ Un Irak libéré pourra montrer comment la liberté peut transformer cette région qui revêt une importance extrême, en apportant espoir et progrès à des millions de personnes (...) Pour d’autres nations de la région, un nouveau régime en Irak servirait d’exemple spectaculaire et impressionnant de la liberté. En ce qui concerne les pouvoirs en place, l’avertissement est clair : [...] La question qui se pose maintenant est “qui sera le suivant ?” L’extrême droite chrétienne milite pour un règlement définitif de la question palestinienne qui passe par l’installation de régimes à la botte des USA en Syrie et au Liban, et qui donne carte blanche à la droite israélienne pour organiser la purification ethnique des territoires occupés. »
Un tel article serait aujourd’hui inimaginable dans ce journal, son auteur serait traité de conspirationniste, d’ami des dictateurs, de "rouge-brun" ou carrément de fasciste. En 2004 toujours, le même journal dénonçait un début de collusion entre extrême-gauche et "islamisme", sans vraiment comprendre toutefois ce que signifiait cet "islamisme". Ce mot est utilisé par ceux qui ne comprennent pas la nature du phénomène, comme par ceux qui veulent semer la confusion entre l’islam et la secte wahhabite. Le wahhabisme a été rendu tout-puissant au cours du XXème siècle par les Etats-Unis, qui ont fait de la famille Saoud leur principal allié arabe au Moyen-Orient. Dans le silence général en Occident, les Saoud ont cherché à se poser en leader du monde Arabo-musulman ; ils ont construit des mosquées dans le monde entier où est enseignée leur doctrine obscurantiste et dévoyée, leur logique sectaire. Depuis des décennies, ils modifient les consciences, détruisent les cultures. Cela n’a rien à voir avec la religion : il s’agit d’impérialisme culturel et de fascisme.
Les Occidentaux se sont alliés aux Saoud car ils étaient les plus anti-communistes, les plus fanatiques, les plus à même de mettre les musulmans au pas, et les plus serviles. Parallèlement, les Frères Musulmans et Al Qaïda, tous deux liés à la CIA, ont tissé un réseau international, politique pour le premier et militaire pour le second. Les Frères Musulmans sont une sorte de franc-maçonnerie musulmane, ils ont été abondamment financés par le Qatar et la Turquie (Erdogan lui-même en est membre).
On peut se gratter la tête et traiter de fou celui qui dénonce la collusion entre les groupes terroristes pseudo-islamistes et le Pentagone, tant les media dominants font tout pour nous empêcher de comprendre, mais au bout d’un moment les faits et les preuves s’accumulent, et la plus évidente est la complicité et l’alliance totale entre l’OTAN, les pays du Conseil de coopération du Golfe (CCG) et Israël (les Saoud et Israël ne font même plus semblant de ne pas s’entendre), sous le commandement des Etats-Unis. Les militants dévoyés de la pseudo-gauche ont adopté le réflexe de protéger les Etats-Unis en disant que la Russie ou la Chine sont, eux aussi, des pays impérialistes, et qu’ils ne sont pas moins dangereux. C’est tout simplement faux. Le budget militaire des Etats-Unis est égal à la somme de tous les budgets militaires de tous les autres pays du monde. Ils possèdent des bases partout (plus de 800 à hors de leur territoire), et il serait bon de prendre conscience qu’ils mettent le monde à feu et à sang, qu’ils sont les seuls à avoir utilisé l’arme atomique, qu’ils n’hésitent pas à utiliser des armes chimiques ou radioactives, et que rien que depuis les début les années 2000 ils ont détruit des pays, massacré des millions de personne, pour le seul profit de l’oligarchie qui contrôle l’armée impériale qu’est l’OTAN. Ils ont clairement la prétention de dominer le monde et ils ont clairement choisi la guerre comme moyen d’y parvenir. Et pourtant en France les gens ne tremblent pas d’effroi à la simple évocation de la CIA. Le mot « CIA » évoque le mystère, le cinéma, le complot et immédiatement l’autocensure vient : il ne faut pas croire aux théories du complot. Il s’agit de conditionnement et de contrôle de la pensée. Personne ne veut s’avouer manipulé, même si tout le monde peut comprendre l’intérêt du « neuro-marketing » par exemple, et assister à sa mise en œuvre.
Il va de soi que les gens qui nous gouvernent et les chefs militaires s’intéressent de près à la manipulation des consciences et des opinions, et qu’ils financent la recherche scientifique allant dans ce sens. La guerre mondiale en cours au Moyen-Orient est l’occasion pour eux de faire des essais grandeur nature. Certaines choses ont marché, en particulier l’autocensure qu’ils ont réussi à installer au sein de la gauche révolutionnaire.
PHASE I : L’EPURATION
5 ans après les articles précités, en 2009, Alternative Libertaire avait adopté une nouvelle ligne : la tendance était à la chasse aux « conspis ». Le journal publie donc une série d’articles désolants d’ignorance et/ou de mauvaise foi, dans lesquels sont amalgamés les gens qui remettent en cause la version officielle du 11 septembre et ceux qui croient aux illuminatis ou aux extra-terrestres : tous des imbéciles qui dérivent vers l’extrême-droite.
A cette époque, de nombreux sites apparaissent, des sites étranges qui dressent des listes. Le mouvement « antifa », bizarrement, ne s’intéresse plus vraiment au FN ou aux néo-nazis, mais décide d’opérer un tri au sein de la gauche ; des gens comme Etienne Chouard, Michel Collon, Annie Lacroix-Riz ou Jean Bricmont sont soudainement considérés comme des fascistes, les « antifas » viennent faire le coup de poing lors de leurs apparitions publiques, ils sont calomniés, leurs auditeurs insultés et ridiculisés, traités de « conspirationnistes », « confusionnistes », « campistes », « rouge-bruns », « amis des dictateurs »... Le point commun entre toutes les personnalités incriminées, c’est bien sûr leur anti-impérialisme et leur critique des media dominants. Dans une logique pour le coup véritablement confusionniste, les faux « antifas » vont répandre l’idée que si vous vous opposez à la guerre en Libye, c’est que vous êtes un admirateur de Qadhafi. Si vous n’êtes pas avec les « rebelles syriens », c’est que vous adorez Assad. Si vous critiquez les Etats-Unis, vous êtes un idolâtre de Poutine. Dans tous les cas vous êtes assimilé au fascisme. Le site "confusionnisme.info" va exceller dans ce registre, jusqu’à ce que l’UPR, cible de leurs calomnies, révèle le vrai visage de l’animatrice de ce site, et sa proximité avec les néoconservateurs étasuniens.
Il a suffi aux manipulateurs d’aller dans le sens d’un sectarisme déjà présent dans ces milieux : « pas de dialogue avec l’extrême-droite ». C’est un véritable terrorisme intellectuel qui fut instauré, et internet a été très utilisé dans ce but ; il est certainement moins cher et plus simple de troller des forums que d’infiltrer des agents. Résultat : toute parole dissidente fut assimilée à l’extrême-droite. C’est une stratégie de la boule puante. Le dialogue devint impossible, et de nombreux militants furent mis de côté, tandis que les autres surveillaient leur langage. Sur les forums internet affiliés à la gauche révolutionnaire, comme le forum anarchiste, le forum anarchiste révolutionnaire, le forum libertaire, la chasse était ouverte. Bientôt le simple fait d’évoquer la CIA devint impossible ; ça tombait bien : la guerre allait commencer.
On pourra objecter que c’est une vision complètement farfelue et paranoïaque d’imaginer que la CIA ou d’autres puissent s’intéresser aux groupuscules libertaires français, qui ne représentent que quelques centaines de militants. Mais si on considère le projet global, qui est de faire passer des guerres d’agression impérialistes pour des révolutions, on comprend mieux l’intérêt : il s’agit de prendre le contrôle de tous les groupes de gauche révolutionnaire, dans tous les pays occidentaux, pour y rendre inaudible l’anti-impérialisme et, par solidarité révolutionnaire, leur faire applaudir la guerre. Car le mouvement révolutionnaire brise un tabou intéressant : il rend acceptable le fait que dans un pays, une minorité prenne le pouvoir par la violence. La violence et la destruction y sont considérés comme un mal nécessaire pour passer à une société censée être plus juste. Quant à savoir si les responsables de cette manipulation sont la CIA, le Mossad, le MI6 ou tout simplement les Opérations Psychologiques de l’armée étasunienne (qui ne cachent pas du tout leurs buts et leurs moyens), impossible de le savoir, mais c’était dans l’intérêt de l’alliance OTAN/Saoud/Israël qui a provoqué cette guerre.
Au sujet du 11 septembre, est-il vraiment si farfelu de se demander pourquoi les États-Unis maintiennent avec l’Arabie Saoudite des liens aussi étroits, alors que toute l’enquête incrimine ce pays ? Et pourquoi l’ensemble des pays occidentaux qui se prétendent en "guerre contre le terrorisme" ne cessent d’étaler leur amitié et de vendre des armes au principal pourvoyeur idéologique et financier du terrorisme pseudo-islamiste ?
PHASE II : LA RÉVOLUTION DES FRÈRES MUSULMANS
L’immolation par le feu d’un commerçant tunisien en décembre 2010 est-elle le fruit d’un complot ? Sans doute pas, mais ce qui est sûr et certain, c’est que ce fut le prétexte au lancement d’une opération préparée de longue date (le remodelage du Grand Moyen-Orient, comme le dénonçait Alternative Libertaire en 2004). Toute la pseudo-gauche, du PS à la Fédération Anarchiste, va s’enthousiasmer pour le "Printemps Arabe". Seuls quelques grincheux déjà mis au ban de la gauche, ostracisés, ridiculisés, vont être sceptiques, se demander si les États-Unis ne seraient pas encore en train de rejouer l’air des Révolutions de Couleur (Ukraine, Géorgie, Kirghizistan...). Et ceux, très rares, qui comprenaient un peu ce que signifiait l’« islamisme », ne pouvaient que craindre l’arrivée au pouvoir des Frères Musulmans ou d’autres forces alliées au fascisme wahhabite.
Les groupes de gauche révolutionnaire, NPA et Alternative Libertaire en tête, ne vont pas se contenter d’applaudir les révolutions, ils vont réclamer une solidarité internationale et distiller une propagande insidieuse. Comme pour Milosevic, Hussein, Qadhafi il s’agit d’abord de faire passer Bachar al-Assad, l’ophtalmologue, pour le nouvel Hitler, un sadique prenant plaisir à mutiler des enfants. Il suffira pour cela d’emboîter le pas à la gigantesque machine de propagande destinée au grand public, à partir d’attentats sous faux drapeau, d’images fabriquées... Ce n’est pas l’objet de cet article de décortiquer la fabrication du récit officiel de la guerre syrienne, cet article-là s’y intéresse plus en profondeur.
Dans les media de la gauche révolutionnaire, la propagande va s’articuler autour de plusieurs idées-force :